Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

RODA GIL, Étienne [Esteva]

Né le 1er août 1941 à Montauban (Tarn-et-Garonne) — mort le 31 mai 2004 — auteur compositeur — JAC — JSR — CNTF — Paris — Londres
Article mis en ligne le 2 septembre 2011
dernière modification le 1er novembre 2024

par R.D.
1er mai 2003 : Étienne Roda Gil et le compagnon Manico (Photo R. Dupuy)

Fils du militant libertaire espagnol Antonio Roda Vallés et de Leonor Gil Garcia, Esteva — francisé en Étienne — Roda Gil était né le 1er août 1941 à l’hôpital de Montauban à quelques kilomètres dau camp d’internement de Septfonds où était interné son père. Après une enfance passée dans un petit village du Tarn-et-Garonne, il partait au début des années 1950 avec sa famille pour la région parisienne où ils allaient s’installer à Antony et retrouver la famille Marcellan à laquelle ils étaient liés depuis l’Espagne.

Après des études poursuivies au Lycée Henri IV, il recevait en 1959 une convocation pour aller effectuer son service militaire en Algèrie. Étienne décidait alors de partir pour la Grande-Bretagne et s’insoumettait. A Londres il continuait de fréquenter les milieux libertaires espagnols, participait aux activités anti-nucléaires du Comité des 100 de Bertrand Russell et découvrait le Rock’nroll. Insoumis et donc considéré comme français, Étienne obtenait de l’Ambassade de France un certificat de nationalité qui lui permettait en tant qu’étudiant de demander un sursis qui était accepté. Revenu en France il travaillait peu de temps comme professeur d’espagnol puis grâce à un compagnon, Jean François Brochard « Brodsky », trouvait un emploi de visiteur médical pour un laboratoire pharmaceutique.

Parallèlement il militait à la Fédération ibérique des jeunesses libertaires (FIJL) en exil et en 1961 participait au Congrès de réunification de la CNT en exil tenu à Limoges où, avec Joaquin Delgado il fut désigné pour aller déposer une gerbe de fleurs à Oradour-sur-Glane. Fin 1962 il était le responsable du groupe Estudiantes confederales españoles et de leur bulletin Universidad confederal. A l’été 1963, il participait très activement à la campagne en faveur de Joaquin Delgado et Francisco Granado condamnés à mort en Espagne pour un attentat qu’ils n’avaient pas commis et qui furent garrottés le 16 août 1963 à Madrid.

Dans les années 1966-1967, tout en fréquentant les réunions de l’Internationale situationniste, il fut l’un des fondateurs avec Michel Frantz des Jeunesses anarchistes communistes (JAC) et collaborait à son organe ronéoté Arcane (Paris, janvier 1967-octobre 1968, 6 numéros). Il était alors répétiteur d’espagnol à la Sorbonne et fréquentait le café L’Écritoire, place de la Sorbonne où se réunissaient les militants de la JAC du quartier latin et le petit groupe anarchiste du Lycée Louis-le-Grand. C’est à cette époque à L’Écritoire qu’Étienne, qui écrivait depuis l’adolescence, rencontra Julien Clerc dont il allait devenir le parolier. Pendant les évènements de mai 1968 auxquels il participa activement et notamment à la nuit des barricades le 10 mai où il fit partie des derniers défenseurs de la rue Thouin près de la Contrescarpe, il tenta de relancer la CNTF et notamment avec Roger Veinante participa à la fondation des Jeunesses syndicalistes révolutionnaires (JSR) qui publièrent le journal Action Directe (Paris, novembre1968- juin 1969, 6 numéros) auquel il collabora.

Engagé chez Pathé Marconi, Étienne n’allait plus cesser de développer ses talents d’auteur compositeur et de parolier hors normes pour un très grand nombre de chanteurs et chanteuses de variétés dont, outre Julien Clerc, Mort Shuman, Angelo Branduardi, Barbara, Vanessa Paradis., Claude François, Malicorne, Hallyday, Juliette Greco, etc.

E. Roda Gil, qui fut membre du conseil d’administration de la SACEM de 1996 à 2003, ne cessa jamais d’aider le mouvement libertaire espagnol et français tant par une participation à l’organisation de galas de soutien que par des souscriptions qu’il voulut la plupart du temps faire de manière anonyme et par une aide et une solidarité apportée à des compagnons dans le besoin. Il aida également au financement de plusieurs réalisations du mouvement libertaire telles l’édition de livres ou de films (Otro futuro) et aussi, notamment avec Guy Debord et Raoul Vaneigem, à la réalisation du disque de chansons détournées Pour en finir avec le travail (1974) où il est l’auteur de l’hymne à la Makhnovtschina. Après la renaissance de la CNT française lors des grèves de 1995, il mettait un point d’honneur à participer chaque 1er mai à la manifestation organisée par la confédération et les anarchistes.

Étienne Roda Gil qui ne se remit jamais tout à fait du chagrin causé par la mort en 1990 de sa première compagne, Nadine Delahaye, rencontrée à l’adolescence et épousée en 1965, est décédé à Paris le 31 mai 2004 des suites d’une congestion cérébrale A sa mort Juliette Gréco le définit ainsi : « c’était un être humain, ce qui n’est pas si courant. Un torrent de générosité, de tendresse, un homme raffiné, cultivé, attentif aux autres. Donc, fragile ».

Dans un texte de 1990 évoquant le local de la CNT espagnole du 24 rue Sainte-Marthe (10e arrondissement) Étienne écrivait : « …C’était il y a longtemps, les années 50-60, et dans la bouche des hommes et des femmes jeunes ou vieux qui fréquentaient cet endroit, le mot Staline signifiait ordure. C’était la maison commune de toutes les espérances du mouvement ouvrier des XIXe et XXe siècles, de ses alliés intellectuels dévoyés qui, de par le monde, avaient fondé une vision pratique de l’avenir sur la fin de tous les pouvoirs, avec pour seule arme la solidarité et pour unique stratégie la grève générale insurrectionnelle et expropriatrice débouchant sur l’autogestion… Franco est mort dans son lit, la révolution de la vie quotidienne reste à l’ordre du jour à l’Est comme à l’Ouest… Quand on en avait top marre de cette trop grande défaite, on allait au mur des fédérés tout près, et grâce à ce mur de pierre qu’aucune société de consommation ne parviendra à détruire, les internationalistes catalans ou espagnols de seize ans que nous étions, ont rencontré la fierté d’être français ».

Œuvres : — L’Ami (La nouvelle idéale, 1956, ; Ed. CNT) ; — La porte marine (Seuil, 1981) ; — Mala Pata (Seuil, 1992) ; — Ibertao (Stock, 1995) ; — Paroles libertaires, illustré par Ricardo Mosner (Albin Michel, 1999) ; — Terminé (Ed. Verticales, 2000).

Outre une discographie de plus de 700 chansons Étienne Roda Gil est également l’auteur de Juin 36 (opéra rock), Café, sang, sucre (spectacle musical), Che Guevara (oratorio), Ça ira (opéra) et de nombreux manuscrits inédits dont un opéra sur la Commune de Paris.


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