Savetier devenu journaliste révolutionnaire, indéfectiblement lié à Kropotkine, Jean Grave fut un des pionniers de l’anarchisme en France. Personnalité aussi discrète qu’entêtée, il anima durant trente et un ans un des hebdomadaires anarchistes de référence, en tout cas le plus doctrinal. En 1909, dans le numéro des Hommes du jour n° 24 qu’il lui consacra, Victor Méric en fit ce portrait : « Il n’y a pas grand-chose à dire sur cet homme. Comme les peuples heureux, Jean Grave n’a pas d’histoire — pas même de sales histoires qui puissent permettre à la malignité de s’exercer. […] De plus Jean Grave est très fermé. C’est l’homme le moins loquace de la Création. Il ne dit rien. Il ne veut rien dire sur lui. Il se cantonne dans un mutisme sauvage. […] Quoi qu’il en soit, il faut le prendre tel qu’il est ; malhabile à la parole, brusque et entêté — d’aucuns disent un peu étroit — mais simple, sans grands besoins, sans vanité et travailleur infatigable. »
Fils de communard blanquiste
Fils d’un meunier devenu cultivateur, Jean Grave vécut son enfance en Auvergne auprès de ses parents. Son père partit tenter sa chance en 1857 à Paris, et sa femme le rejoignit l’année suivante. Entre 1858 et 1860, le petit Jean vécut avec ses grands-parents paternels, ainsi que sa jeune sœur, née le 20 mars 1858, peu avant le départ de sa mère.
En 1860, la famille Grave fut réunie à Paris 5e, rue Neuve-Sainte-Geneviève (actuelle rue Tournefort), et le petit Jean fut scolarisé pendant six ans à l’école des Frères, rue des Fossés-Saint-Jacques. Il fit sa première communion et fut reçu au certificat d’études. En juillet 1866, il entra en apprentissage chez un mécanicien — à sa demande — puis chez un cordonnier. Une deuxième sœur naquit en 1869. Son père, qui gagnait médiocrement sa vie, se fit cordonnier lui aussi et s’établit avec son fils. Ce ne fut pas une réussite et l’ambiance était parfois à couteaux tirés entre un père autoritaire et un fils de tempérament indépendant.
Malgré cela, le jeune Grave approcha la politique grâce à son père. Celui-ci participait, dès la fin de l’empire, à une section blanquiste. Lors de la reddition de Sedan, il s’enrôla dans la Garde nationale. Jean Grave, âgé de 16 ans, voulut l’imiter, mais fut recalé en raison de sa constitution chétive. Durant le Siège et la Commune, témoin impuissant bien que passionné, il assista aux réunions blanquistes au côté de son père. Après la semaine sanglante, ce dernier échappa de peu à l’arrestation.
Au cours des années qui suivirent, des deuils frappèrent la famille. La mère de Jean Grave et sa sœur moururent de tuberculose en 1874 ; le père disparut à son tour le 12 septembre 1876. Jean Grave, qui avait été incorporé un an plus tôt dans le 2e régiment d’infanterie de marine, à Brest, fut aussitôt libéré comme aîné d’orphelins.
Il reprit alors son métier de cordonnier et commença réellement sa carrière de militant. D’esprit curieux, Jean Grave fréquenta les réunions dès sa libération du service militaire. Lors de la crise institutionnelle de 1877, il prit part pour la première et la dernière fois à des élections en votant pour l’un des « 363 » républicains qui s’opposèrent à Mac Mahon. Par la suite, il perdit, selon ses dires, « toute confiance dans le vote ». Grand lecteur, il était alors abonné au Prolétaire de Paul Brousse et à L’Égalité de Jules Guesde*.
Pionnier du « demi-quarteron » anarchiste
Après sa fondation au congrès ouvrier de Marseille, en octobre 1879, Jean Grave adhéra à la Fédération du parti des travailleurs de France (FPTSF). Dans le flou doctrinal de ses débuts, la FPTSF fit cohabiter des tendances qui ne tarderaient pas à se dissocier. Ainsi Jean Grave travailla-t-il quelques temps pour L’Égalité de Jules Guesde, dont il assurait l’expédition, tout en rejoignant le Groupe d’études sociales des Ve et XIIIe arrondissements, qui évoluait vers l’anarchisme et se réunissait parfois à la salle du Vieux Chêne rue Mouffetard. Élu secrétaire du groupe, il y fréquenta des libertaires de renom comme Cafiero, Malatesta et Tcherkessoff, avant que ceux-ci soient expulsés de France. Il habitait alors cour des Rames, près de l’avenue des Gobelins, à Paris 13e.
En juin, juillet et août 1880, des congrès régionaux de la FPTSF se tinrent. Les anarchistes furent majoritaires au congrès de l’Est, à Lyon, et au congrès du Sud-Est, à Marseille. Mais au congrès du Centre, tenu à Paris du 18 au 25 juillet 1880, ils ne représentaient que 3 groupes sur 40. Jean Grave, délégué — avec Figeac et Seigné — par le Groupe d’études sociales des Ve et XIIIe arrondissements, fit sensation en tenant à la tribune un langage très violent, affirmant qu’il préférait « La dynamite au bulletin de vote ». La presse s’en fit largement l’écho, et Jules Guesde ironisa dans L’Égalité du 28 juillet, en affirmant que la bourgeoisie pourrait dormir tranquille « tant qu’elle n’aura à compter qu’avec la “dynamite” et les “pelotons d’exécution” d’un demi-quarteron d’anarchistes. » Le terme devait rester dans les mémoires et Jean Grave, bien des années plus tard, se prévalut souvent d’être « un ancien du demi-quarteron », c’est-à-dire un pionnier de l’anarchisme français.
La rupture entre anarchistes et socialistes étant consommée, Jean Grave chercha à mettre sur pied un Bulletin des groupes anarchistes, qui n’eut qu’un numéro. Trop peu doué pour les discours, il refusa d’être délégué au congrès ouvrier du Havre en novembre 1880, et au congrès anarchiste de Londres en juillet 1881. Il commença en revanche à envoyer des articles aux différents titres anarchistes en train de voir le jour : Le Droit Social de Lyon, puis Le Révolté de Genève, alors animé par Kropotkine et Élisée Reclus. Sous le pseudonyme de Jehan le Vagre, il rédigea également deux brochures pour le compte du Groupe d’études sociales des Ve et XIIIe arrondissements : La Société au lendemain de la révolution et Organisation de la propagande révolutionnaire. Fin 1881 il fut avec Baillet le rédacteur du numéro unique du Bulletin des groupes anarchistes (Paris).
En 1881, sa compagne, âgée de 25 ans, serait morte en Algérie (Le Figaro, 22 octobre 1882).
Désormais anarchiste connu, Jean Grave fut arrêté par la police le 21 octobre 1882 avec Hémery-Dufoug, Arsène Crié et Vaillat, dans le cadre de l’enquête sur la « bande noire » de Montceau-les-Mines. Il fut relâché peu après.
Membre du groupe dit du Faubourg Marceau formé début 1882 — qui se réunissait 66 rue Monge, puis au 19 rue Pascal, il fut, avec Vaillat et Falies eux aussi membres du groupe, l’organisateur d’une réunion des groupes anarchistes tenue le 15 juin 1883 à la salle Horel et à laquelle assistèrent une cinquantaine de compagnons dont Crié, Bérard, Aubert, Godard, Raoux, Holtz, Lecourtier, Couchot, Galais et Lezy. Il y défendit une déclaration dans laquelle il expliquait pourquoi les anarchistes ne devaient pas participer au congrès guesdiste devant se tenir le 17 juin suivant (voir portfolio), participation à laquelle étaient notamment favorables les compagnons Crié et Janin (ou Jamin).
En 1883, Élisée Reclus, sentant son potentiel, lui demanda de venir à Genève pour reprendre l’animation du Révolté, après le retrait de Georges Herzig. Bien qu’il n’eût aucune expérience dans la conduite d’un journal, Grave accepta de s’engager pour six mois. Les six mois devaient en fait durer jusqu’en 1914 : trente et un ans au long desquels Jean Grave fut la cheville ouvrière du journal sous ses différents titres : Le Révolté jusqu’en 1887, La Révolte jusqu’en 1894 puis Les Temps nouveaux à partir de 1895.
De septembre 1883 à mars 1885, Jean Grave demeura à Genève, où il apprit sur le tas le métier de typographe et assura de front la rédaction, l’administration et la composition du Révolté, pour un traitement de 80 francs par mois. C’est, en Suisse, dans ce berceau de l’anarchisme ouvrier, au contact des militants de l’ex-Fédération jurassienne, qu’il fit sa véritable formation politique. Comme l’écrira Jean Maitron en introduction à ses Mémoires, le trentenaire Jean Grave était bien placé pour « servir de lien entre la période bakouninienne et l’anarchisme français » : il demeura « marqué par cette expérience et y puisera sans doute son attitude de “vigilant gardien de l’orthodoxie” quand apparaîtront d’autres développements de l’anarchisme — qu’il aura tendance à considérer comme autant de déviations ».
Il revint alors en France. Le Révolté s’interrompit le 14 mars 1885. Installé au 140, rue Mouffetard, à Paris 5e, il reparut pour une nouvelle série dès le 12 avril. Malgré tout, le Conseil fédéral suisse rendit, le 3 juin 1885, un arrêté d’expulsion de Jean Grave et contre 20 autres compagnons : Bodenmüller, Brenner, Brilitzki, Daschner, Dorat, Fitzek, Halbedl, Heilmann, Jonata, Klinger, Koubsky, Leonhard, Nikitscher, Nowack, Nowotny, Petersen, Schultze, Remlinger, Wakenreuter, Zahradniczek.
Le mouvement anarchiste que Jean Grave retrouva dans la capitale était cependant bien différent de celui qu’il avait quitté dix-huit mois plus tôt. Ses rangs s’étaient élargis, mais en accueillant en son sein des éléments qui y avaient développé des tendances individualistes et illégalistes (voir Pierre Martinet). Jean Grave, appuyé par Kropotkine, décida d’en prendre le contre-pied, quitte à se mettre à dos une bonne partie du milieu anarchiste parisien. En juillet et août 1885, il publia notamment deux articles non signés, « Les voleurs » et « La morale », qui récusaient la théorie illégaliste.
En octobre 1885, il eut la douleur de perdre sa femme, Clotilde Benoît, morte en couches à l’âge de 22 ans, et, quelques jours plus tard, le fils qu’elle avait mis au monde. Il resta néanmoins, durant toute sa vie, très proche de sa belle-famille et de ses neveux et nièces qu’il chérit comme ses propres enfants.
[En 1886 il s’agit sans doute du Vagre qui le 29 mai était intervenu lors d’une conférence anarchiste à Reims où il avait violemment attaqué Le Cri du peuple journal d’argousins et son directeur Guesde, traité de « mariole et mufle » (AD Marne 30M40)]
Le « pape de la rue Mouffetard »
Cependant, Jean Grave continuait de tracer le sillon qui serait celui de sa vie entière : la publication de son journal. De bimensuel, Le Révolté devint hebdomadaire à partir du 15 mai 1886. À partir du 17 septembre 1887, pour échapper à une amende, le journal prit pour titre La Révolte. Le 19 novembre, nouveau progrès : La Révolte s’adjoignait un supplément littéraire bimensuel qui, le 9 août 1890, devait devenir à son tour hebdomadaire. Grave y reproduisit pendant des années des extraits d’œuvres sans verser de droits d’auteur, ce qui lui attira, à plusieurs reprises, des réclamations de la Société des gens de lettres.
Au seuil de la décennie 1890, l’hebdomadaire de la rue Mouffetard était installé comme un des titres de référence de l’anarchisme français. Le principal talent de l’ouvrier autodidacte Jean Grave avait été de se muer en un très bon vulgarisateur et de traduire, dans un langage accessible au plus grand nombre, la pensée des théoriciens qui lui avaient accordé leur confiance. Cela lui valut une vraie reconnaissance dans l’intelligentsia d’avant-garde et, quand il lança le supplément littéraire de La Révolte, il sut y attirer de brillantes plumes sympathisantes de la cause : Octave Mirbeau, Adolphe Retté, Zo d’Axa, Pierre Quillard, Louis Lumet, Lucien Descaves, Georges Darien, Jean Ajalbert… Des artistes comme Maximilien Luce, Paul Signac, Pissarro lui donnèrent également, avec régularité, des lithographies et des eaux-fortes.
La rançon du succès, ce fut aussi la contestation continuelle que Jean Grave dut affronter au sein du mouvement anarchiste. Parce que, contrairement à la plupart des feuilles anarchistes, il ne parlait pas de dynamite et de barricades à chaque page, on accusa Le Révolté de trop de tiédeur. Mais on reprocha aussi à l’équipe de Jean Grave de « confisquer » l’expression du mouvement, alors qu’elle ne participait pas à sa vie réelle. Cela explique la pique que lui lança Malato en 1894 dans De la Commune à l’anarchie : « La petite phalange de La Révolte représentait, dans le groupement d’anarchistes, le noyau immaculé, silencieux, et il faut le dire sectaire, à la fois intransigeant en théorie et endormi en action. » C’est Malato encore qui, vers 1890, lui attribua son surnom le plus connu : celui de « pape de la rue Mouffetard ». Fin novembre 1890, un indicateur signalait qu’avait été apposée à la salle Horel, lieu de réunion du Cercle anarchiste international l’affiche manuscrite suivante : « Malgré l’excommunication de N.St. Père de la rue Mouffetard, les compagnons sont avertis que le Cercle international se réunira tous les dimanches comme par le passé ».
Jean Grave reconnut lui-même, dans ses Mémoires, que cette critique n’était pas infondée : « Ce fut […] un des griefs contre la rédaction de notre journal, que l’on ne voyait jamais aucun de nous dans les réunions. Ce fut un malheur que nous n’ayons jamais été en état de mener les deux propagandes de front : le journal et les réunions » Quant à l’accusation de sectarisme, Jean Grave l’admit dans une certaine acception, dans Les Temps nouveaux du 14 août 1897 : « si, par sectaire, on entend un homme profondément convaincu d’un idéal, se refusant aux tripatouillages […], oui je suis sectaire, profondément sectaire ».
Charles-Ange Laisant lui reprochait encore, amicalement, dans une lettre en date du 11 janvier 1913, d’être « d’un entêtement terrible » et de ne jamais reconnaître ses torts.
C’est ainsi que, jusqu’en 1914, le mouvement anarchiste devait nourrir une relation ambiguë avec le journal de Jean Grave. D’une part, on le tenait en perpétuelle suspicion : en 1909, l’hebdomadaire anarchiste de la Somme, Germinal, devait le surnommer « Le Moniteur officiel de l’anarchie » (numéro du 15 janvier) et, à la même époque, dans Les Hommes du jour, Victor Méric le caractériserait comme « La Revue des Deux-Mondes du milieu anarchiste ». D’autre part, il était incontournable : sa qualité générale, la rigueur de ses textes, la collaboration exclusive de Kropotkine et d’Élisée Reclus, son réseau de correspondants internationaux, ses liens avec les milieux littéraires et artistiques en firent, pendant des années, un journal anarchiste de référence.
C’est à la lumière de cette place si particulière qu’il faut lire les prises de position successives de Jean Grave dans le mouvement anarchiste jusqu’à la Grande Guerre.
L’une de celles qui le caractérisa le plus fut sa lutte contre l’illégalisme. Quand éclatèrent, en 1887, les affaires des cambrioleurs anarchistes Clément Duval et Pini, La Révolte ne put faire autrement que d’affirmer sa solidarité avec les camarades emprisonnés. Malgré tout, Jean Grave restait farouchement opposé à la théorie du vol comme arme révolutionnaire. Il la combattit au congrès anarchiste international de Paris, en septembre 1889 et, en décembre 1891, il consacra encore trois articles à la question.
Sur la période 1885-1892, outre la question de l’illégalisme, Jean Grave et son journal n’eurent de cesse de combattre la dérive individualiste, les excès de verbalisme insurrectionnel et la propagande par le fait réduite au culte de la dynamite. Il rejeta aussi bien l’attentat de Gallo que ceux de Ravachol.
Le 6 juin 1889 il fut condamné à 6 mois de prison pour « provocation à militaires ».
En juin 1891, il fut condamné à six mois de prison et 100 francs d’amende pour un article sur le massacre de Fourmies, « Viande à mitraille » paru dans La Révolte n°36 et purgea sa peine à Sainte-Pélagie. Là, il compila plusieurs de ses articles pour en faire un volume, La Société mourante et l’anarchie, et s’attaqua à un roman antimilitariste, La Grande Famille.
Le 21 avril 1892, en prévision du 1er mai, il fut arrêté comme de très nombreux compagnons à Paris, en banlieue et en province.
La première édition de La Société mourante et l’anarchie ne posa pas de problème. Mais la deuxième édition, imprimée en pleine répression anti-anarchiste, valut à Jean Grave des poursuites. Convoqué aux assises, il fut défendu par Me Saint-Auban, et des intellectuels connus comme Élisée Reclus, Octave Mirbeau, Paul Adam ou encore Bernard Lazare vinrent à la barre témoigner en sa faveur. Il fut néanmoins condamné, le 24 février 1894, à deux ans de prison et à 1 000 francs d’amende pour « provocation au meurtre ».
Son animateur principal sous les verrous, La Révolte cessa de paraître le 10 mars. Jean Grave purgea sa peine à Mazas puis à Clairvaux.
Alors qu’il était en prison, Jean Grave dut de nouveau comparaître au « procès des trente » (voir Élisée Bastard), du 6 au 12 août 1894. La presse se vit interdire de reproduire ses paroles à l’audience, sous prétexte d’empêcher la propagande anarchiste. Défendu par Me Émile de Saint-Auban, il fut acquitté.
Jean Grave fut libéré de Clairvaux le 15 janvier 1895 et se remit aussitôt au travail. Le 4 mai sortait le premier numéro de son nouvel hebdomadaire, toujours sis rue Mouffetard, Les Temps nouveaux. Le jeune Amédée Dunois qui lui avait alors rendu une visite racontée dans une lettre du 15 février 1897 : « La rue Mouffetard, pittoresque avec ses boutiques pauvres, rangées sans alignement, une rue calme et provinciale, une rue de faubourg. Au bout en face d’une églisette et d’un jardin, est une vieille maison, d’aspect modique. J’entre, je grimpe plusieurs étages par un escalier tortueux et usé de cathédrale. Au faîte, une porte avec un papier : Les temps nouveaux, bureau. Je frappe et je pénètre dans une pièce absolument encombrée de journaux, de livres, de brochures multicolores. La fenêtre ouverte en plein ciel s’encadre poétiquement de roses en été. C’est le repaire du compagnon Jean Grave ; je le connais un peu et suis venu lui faire une visite d’amitié. Il est là, Grave, dans sa blouse noire d’ouvrier manuel, devenu à force d’un étonnant labeur un maître-ouvrier de la pensée. Sympathique et doux, ce féroce anarchiste. Modeste aussi ; ses livres de philosophie sociale, ses articles l’ont classé, et ne l’ignore que qui veut bien l’ignorer… Grave est un honnête homme ; pour moi, il est des rares dont l’amitié rende fier. Nous avons causé : sur les difficultés qu’aura l’idée à s’implanter dans mon pauvre et inculte Nivernais ; sur la façon dont je suis devenu anarchiste conscient, à seize ans ; sur le journal, qui bat la dèche et crie famine et qui ne vit qu’avec l’appui pécuniaires de ses fidèles. Il me prie de revenir le voir et je le quitte… »
La clôture de l’épisode terroriste — qu’il avait dès le départ désapprouvé — accentua le penchant « éducationniste » de Jean Grave. Le fait que les bombes n’aient pas réveillé les masses confirmait que la besogne révolutionnaire consistait bel et bien avant tout à « fourrer des idées dans la tête des individus », comme il l’écrivit dans Les Temps nouveaux du 12 décembre 1896. Faire de la propagande, telle devait être la besogne inlassable des militants, et Jean Grave se montra de plus en plus rétif vis-à-vis de tout ce qui pouvait en dévier le mouvement. Si parfois il s’engagea ou engagea son journal dans des combats politiques plus larges, il le fit toujours avec beaucoup de méfiance, inquiet des « déviances » que cela pouvait entraîner pour l’anarchisme.
Dans un rapport de 1897 le commissaire Moreau écrivait à propos de Grave : « …L’acte de reprise individuelle, les procédés extra violents qu’acceptent in petto certains compagnons d’une incontestable valeur intellectuelle, ont trouvé chez Grave, au point de vue des principes, un adversaire d’un sectarisme sans égal. Ce n’est pas, il faut bien le noter, qu’il repousse pour arriver au renversement de l’ordre social, la lutte énergique, l’acte brutal, mais il les comprend généralisés et condamne l’acte isolé qu’il juge infécond en résultat. Grave n’a jamais voulu admettre… que l’attentat individuel pouvait servir efficacement une cause et cette idée… En somme une tête mais pas un bras, un adversaire déterminé, intransigeant voulant aller droit au but, amoureux farouche du nivellement social, lais ayant la foi d’y parvenir sans faire emploi de la bombe ni du cambriolage. Et qui sait si in antagoniste de cette nature, convaincu, patient, ordonné, incapable d’un recul ni d’une capitulation de conscience, n’est pas plus redoutable au point de vue des résultats de la propagande que tous les Capitaines fracasse de l’anarchie ? ». (cf. Arc. Nat. F7/13053, L’anarchisme en France, 1897).
En juillet 1896, Jean Grave participa à l’opération antisocial-démocrate orchestrée par Émile Pouget et Fernand Pelloutier au Congrès socialiste international de Londres, où il était porteur d’un mandat des métallurgistes d’Amiens. En revanche, il se montra hostile au projet de fusion de l’anarchisme et du socialisme antiparlementaire prônée par Bernard Lazare.
En 1897-1898, aux cotés notamment de Ardouin, Degalves et Janvion, il participa activement au groupe d’initiative pour l’école libertaire qui publia notamment sous forme de brochure illustrée d’un dessin de Willaume, un appel de fonds.
Durant l’affaire Dreyfus, il maintint Les Temps nouveaux le plus longtemps possible dans la neutralité. « J’avoue qu’il y a des victimes plus intéressante que d’autres », y écrivit-il le 12 mars 1898. En octobre 1898, bien qu’il fut désormais convaincu de l’innocence du capitaine, et approuvant la campagne en sa faveur, il refusa de signer le manifeste de la Coalition révolutionnaire (voir Broussouloux) parce que des socialistes révolutionnaires y figuraient aux côtés des anarchistes. Et alors qu’il effectuait des piges pour L’Aurore, il refusa de collaborer, même contre rémunération, au Journal du peuple (voir Sébastien Faure). La manifestation de défense de la République à Longchamp, le 11 juin 1899, entraîna son retrait définitif de la cause dreyfusarde.
En février 1899, aux cotés de Paul Quillard, il inaugura à la salle des sociétés savantes, rue Serpente, l’École libertaire qui quatre soirs par semaine allait donner dans cette salle des cours gratuits pour adultes en histoire, mécanique, dessin, etc. Faute de fonds, les cours de l’École libertaire, cessèrent en juillet 1900 et seule la bibliothèque continua de fonctionner le temps de la location du local.
À l’occasion du congrès antiparlementaire international de septembre 1900 — qui fut interdit par les autorités — Jean Grave s’opposa au projet organisationnel des Étudiants socialistes révolutionnaires internationalistes (ESRI). Dans un rapport intitulé « Organisation, initiative, cohésion » (publié dans le Supplément littéraire des Temps nouveaux, n°25, 13 octobre 1900), il s’opposait à toute structuration fédérale de l’anarchisme, et préconisait à la place la floraison d’une variété de comités d’action spécialisés sur différents fronts de lutte (logement, répression, objection fiscale, etc.). Parallèlement il affichait de fortes convictions antimilitaristes, écrivant notamment : « L’armée n’est profitable qu’à ceux qui ont à gagner dans les conflits entre peuples ; qu’à ceux qui ont des privilèges à défendre. Tout homme qui a conscience de sa dignité ne peut que désirer et aider à sa disparition » (cf. Supplément littéraire des Temps nouveaux, n°27, 27 octobre 1900).
En 1902, Les Temps nouveaux quittèrent la rue Mouffetard pour s’installer à quelques mètres de là, au 4, rue Broca [aujourd’hui rue Édouard Quenu], à Paris 5e. La diffusion atteignait alors son apogée : 5 000 acheteurs hebdomadaires, dont 1 100 abonnés. En 1904, le journal passa de 4 à 8 pages. En 1905, l’équipe de rédaction entourant Jean Grave était composée d’André Girard, Charles Benoît, Charles-Albert, Marc Pierrot, Édouard Duchemin (dit Michel Petit) et Alfred Mignon (dit Max Clair). Paul Delesalle tenait la rubrique “Mouvement social”, où bientôt il cèderait la place à Pierre Monatte et à Amédée Dunois. Enfin, le journal accordait une bonne place à l’actualité internationale grâce à des plumes comme Christiaan Cornelissen, Kropotkine, les Reclus, Tcherkessof, Aristide Pratelle, Tarrida del Marmol et un réseau de correspondants de premier ordre.
Alors qu’il avait encouragé l’entrée des anarchistes dans les syndicats — Les Temps nouveaux eurent leur rubrique « Mouvement social » dès 1895 —, Jean Grave commença, à partir de 1902, à redouter l’absorption du mouvement anarchiste par le syndicalisme (lettre de Kropotkine du 3 juillet 1902). Après le congrès CGT d’Amiens et l’affirmation que le syndicalisme se suffisait à lui-même, il se montra critique envers le concept de syndicalisme révolutionnaire et, avec Marc Pierrot, défendit un point de vue proche de celui exprimé par Malatesta au congrès d’Amsterdam en août 1907.
Le congrès d’Amsterdam modifia d’ailleurs brièvement l’approche de Jean Grave sur l’organisation anarchiste. En octobre 1907, il constitua, avec René de Marmande, Charles Benoît, le Dr Pierrot et Christiaan Cornelissen un groupe chargé, dans l’esprit d’Amsterdam, de travailler à la création d’une fédération anarchiste en France. Dans Les Temps nouveaux du 21 juin 1908, il salua la naissance de la Fédération anarchiste de Seine et de Seine-et-Oise (voir Marceau Rimbault) mais déplora qu’elle ne se donne pas les moyens d’être une vraie organisation, et d’autre part qu’elle nourrisse en son sein un fort courant anti-syndicaliste.
A la mi-juin 1908, Jean Grave et Sazy Balsamo accusèrent Georges Roussel d’avoir fourni depuis 15 ans des informations à la police et à la demande de Grave, Delesalle, Grandidier et de Marmande, Roussel aurait été convoqué à une réunion pour s’y expliquer ; de son coté le préfet de police avait adressé en mai une note au Président du Conseil assurant que Roussel « n’est pas et n’a jamais été un indicateur à ma Préfecture » (Arc. Nat. F7/12723). Lors de cette réunion Roussel avait à son tour accusé Sazy d’avoir été le responsable de l’expulsion de plusieurs compagnons russes, mais aucune preuve matérielle n’avait pu être apportée contre l’un ou l’autre des protagonistes.
Les années 1908-1909 furent très dures pour Les Temps nouveaux, qui virent leurs ventes s’affaisser. En mai 1909, le journal passa bimensuel et devait le rester jusqu’en janvier 1911. Le 30 juin 1909, Jean Grave épousa une riche Anglaise que Kropotkine lui avait présentée, Miss Mabel Holland Thomas, ce qui le mit à l’abri du besoin, et lui permit de renoncer au salaire de 200 francs mensuels que Les Temps nouveaux lui versaient. Bientôt, le couple s’installa au 9, rue Edmond-About, au Plessis-Robinson, où Grave devait demeurer presque le restant de sa vie.
En 1910, Jean Grave et Les Temps nouveaux s’engagèrent à fond dans l’affaire Aernoult-Rousset(voir René de Marmande). Le 5 juillet 1910, il publia notamment un numéro spécial des Temps nouveaux pour dénoncer le bagne militaire de Biribi, illustré par Granjouan, Delannoy, Signac, Maurin, Ludovic Rodo et Luce.
À l’occasion des élections législatives du printemps 1910, il fit partie du Comité antiparlementaire qui mena la campagne abstentionniste (voir Jules Grandjouan), bien qu’a posteriori il déclara (lettre publiée dans Le Libertaire du 12 juin 1910) qu’il n’avait rejoint le Comité antiparlementaire, trop centraliste à son goût, que « pour ne pas être toujours en-dehors de tout, à seule fin de faire preuve de bonne volonté ». Puis, dans le débat qui s’ensuivit sur l’organisation des anarchistes, il publia une série d’articles, « L’entente pour l’action », s’opposant à la création d’une organisation anarchiste.
En juin 1912, il accepta d’être membre du comité de l’Entr’aide, une caisse de solidarité avec les militants emprisonnés et leurs familles, impulsée par la Fédération communiste anarchiste (voir Édouard Lacourte).
L’affaire des « bandits en auto » (voir Jules Bonnot) fournit aux Temps nouveaux une nouvelle occasion de partir en guerre contre l’individualisme. Derrière cet épisode, l’équipe de la rue Broca ne voulut voir qu’une manipulation policière. Jean Grave écrivit : « Une victime de l’anarchie, disent les journalistes policiers ; non, une victime des agents de la préfecture de police ou du ministère de l’Intérieur, qui, depuis trente ans, prêchent dans nos rangs le vol, l’estampage et le maquerellage. »
Le 9 décembre 1912, à la salle des Sociétés savantes, il présida le meeting international organisé à l’occasion du 70e anniversaire de Kropotkine et dans lequel prirent la parole A. Girard, M. Pierrot des Temps nouveaux, S. Faure, Ch. Malato, G. Yvetot, G. Durupt du Club anarchiste, C. Cornelissen, Armando Borghi, José Negre, I. Zielinska, Stoianov, M. Isidine, A. Kareline, K. Orgueani, Rochchtine et Vinaven.
En août 1913, Jean Grave participa au congrès national anarchiste, pour lequel il rédigea un rapport sur la guerre et le militarisme. Il y estimait que, face à la conscription, il était vain d’adopter un mot d’ordre systématique — désertion ou propagande à la caserne —, le plus judicieux étant que chaque militant agisse selon ce qu’il estimerait le plus opportun. Au terme du congrès, il devint adhérent de la Fédération communiste anarchiste révolutionnaire (FCAR), adhésion purement formelle dans la mesure où il était en conflit larvé avec l’équipe animatrice de la FCAR et notamment Pierre Martin. A l’issue du congrès où il s’était opposé à l’intervention de Mauricius (voir ce nom) et de ses amis individualistes, provoquant le retrait de ces derniers, il avait écrit : « Une première chose est à constater, c’est que nous, qui nous disons révolutionnaires, nous nous sommes, pendant un instant, laissé imposer la présence de gens que nous nous étins promis de ne pas supporter… Mais, quelle que soit la raison, il faut le constater, au point de vue du public nous avons été dominés par une poignée de dégénérés. Ceux ci se sont retirés à temps, lorsqu’ils ont vu que la salle se ressaisissait, et que ça allait tourner mal pour eux. Il n’en reste pas moins qu’ils n’ont pas reçu la correction qu’ils méritaient » (cf. Les Temps nouveaux, 23 août 1913).
A l’automne 1913, il fit partie du comité de parrainage de la coopérative Le Cinéma du peuple (voir Yves Bidamant).
Anarchiste d’union sacrée
Quand la guerre éclata, Jean Grave considéra qu’il n’y avait rien à faire pour s’opposer au déferlement chauvin. Les Temps nouveaux cessèrent de paraître le 8 août 1914.
Devant l’avance allemande, lui et son épouse quittèrent le Plessis-Robinson et, le 2 septembre, s’embarquèrent à Dieppe pour l’Angleterre. Ils devaient passer toute la guerre à Clifton, chez une de ses belles-sœurs. En novembre 1914, Jean Grave adhéra à l’Union of Democratic Control, un groupement initié par des députés socialistes et libéraux qui réclamait davantage de contrôle parlementaire sur la politique étrangère, et prônait une paix qui ne fut pas humiliante pour les vaincus.
Durant la guerre, il donna quelques articles au journal anarchiste anglais Freedom et envoya des articles à La Bataille syndicaliste puis à La Bataille, organe de la CGT d’union sacrée, ainsi qu’à La Libre Fédération, un journal libertaire anti-allemand créé à Lausanne par Jean Wintsch en octobre 1915.
La conférence pacifiste Zimmerwald entraîna une cassure politique au sein de l’ancienne équipe des Temps nouveaux. Après que Charles Benoît et André Girard eurent rendue publique leur adhésion à Zimmerwald, Jean Grave leur demanda, par courrier des 5 et 8 février 1916, de quitter le local de la rue Broca, où jusque là ils avaient continué à se réunir.
Le conflit s’envenimant avec Girard et Benoît, Jean Grave convainquit Kropotkine de rédiger ensemble un manifeste anarchiste par lequel, selon ses souvenirs, ils devaient affirmer « Le danger pour l’évolution humaine d’une tentative d’hégémonie allemande, du triomphe du militarisme allemand, et rien de plus ». Le manifeste une fois rédigé, il recueillit quinze signatures : Christiaan Cornelissen, Henri Fuss-Amoré, Jean Grave, Jacques Guérin, Pierre Kropotkine, Charles-Ange Laisant, François Le Levé, Charles Malato, Jules Moineau, A. Orfila, Marc Pierrot, Paul Reclus, Richard, Ishikawa Sanshirô et Warlaam Tcherkessof. Ce texte devait rester dans l’histoire sous le nom de « Manifeste des seize » parce qu’on avait pris Hussein Dey pour une personne, alors qu’il s’agissait de la localité d’Algérie où habitait l’un des signataires, Orfila. La parution du « Manifeste des seize » dans La Bataille du 14 mars 1916 puis, augmenté d’une centaine de signatures, dans La Libre Fédération du 14 avril, fut saluée par la presse bourgeoise, et provoqua une cassure irrémédiable dans le mouvement. Hormis la haute figure de Kropotkine, ses signataires, qualifiés d’« anarchistes de gouvernement » par Malatesta, devaient après la guerre être mis au ban de l’anarchisme.
De mai 1916 à juin 1919, Jean Grave collabora au petit Bulletin des Temps nouveaux, de tendance union sacrée, réalisé par Marc Pierrot et Jacques Guérin.
Jean Grave et son épouse restèrent en Angleterre jusqu’en juillet 1919, puis revinrent s’établir au Plessis-Robinson. Entre-temps, Jacques Guérin, Cornelissen et Marc Pierrot avaient préparé la parution d’une nouvelle série — mensuelle — des Temps nouveaux, dont le premier numéro sortit le 15 juillet 1919. Ne quittant plus le Plessis-Robinson, Jean Grave n’y collabora qu’avec réticence, s’estimant mis à l’écart par les autres membres de l’équipe. Ayant le sentiment qu’on lui avait volé « son » titre, il ne cessa de harceler l’équipe rédactionnelle de récriminations et, finalement, rompit avec elle en juillet 1920.
Vieux publiciste infatigable
À 66 ans, Jean Grave se retrouvait donc complètement isolé. Mis au ban du mouvement anarchiste pour ses positions défensistes, il se voyait de surcroît coupé de ceux qui avaient partagé ses idées durant la Grande Guerre.
Malgré tout, il entreprit d’éditer seul, depuis le Plessis-Robinson, une série de brochures de réflexion sous le nom de Publications du groupe de propagande par l’écrit. Les premières furent envoyées gratuitement à des correspondants, puis elles furent vendues sur abonnement. À partir de la brochure n°9, la série prit le nom de Publications de la Révolte et des Temps nouveaux. D’abord imprimée à Sceaux, elle le fut ensuite à Toulouse, chez les frères Antonin et Raoul Lion. Alors qu’il était désormais privé de toute influence dans le mouvement libertaire, et que ses brochures ne rencontraient qu’un public très limité, Jean Grave persévéra dans cette œuvre jusqu’en 1936, arrêtant définitivement la série au 99e numéro.
Son épouse, Mabel, mourut le 17 janvier 1929. Jean Grave lui dédia ses Mémoires, qui parurent en 1930 dans une version largement tronquée par l’éditeur Les Œuvres représentatives, sous le titre Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.
Le vieil anarchiste mourut à Vienne en Val (Loiret) le 8 décembre 1939, alors que la France était de nouveau en guerre, laissant derrière lui des archives d’une importance inestimable. Croyant les mettre à l’abri, il les avait cédées à des disciples chinois mais, emballées dans des caisses au moment de l’exode de 1940, on perdit leur trace. Sa volumineuse correspondance, léguée aux neveux et nièces de sa première épouse, est aujourd’hui conservée à l’Institut français d’histoire sociale. Quant à ses Mémoires, le manuscrit intégral en fut retrouvé en août 1969 par l’historienne Mireille Delfau dans les archives de Séverine. Publiées en 1973 sous leur titre original, Quarante ans de propagande anarchiste, elles constituent une pièce majeure pour la connaissance de l’histoire du mouvement anarchiste en France.
J. Grave a été enterré à Robinson.
Œuvre : La Société au lendemain de la révolution (sous le nom de Jehan le Vagre), publ. du groupe des Ve et XIIIe arr., s.d. (1882) — Organisation de la propagande révolutionnaire (sous le nom de Jehan le Vagre), publ. du groupe des Ve et XIIIe arr., Paris, 1883 — La Révolution et l’autonomie selon la science (sous le nom de Jehan le Vagre), Imp. Bataille, Paris, 1885 —La Société mourante et l’anarchie (préface d’Octave Mirbeau), P.-V. Stock, 1893 ― La Société future, P.-V. Stock, 1895 ― La Grande Famille, roman militaire, P.-V. Stock, 1896 ― L’Individu et la Société, P.-V. Stock, 1897 ― Le Machinisme, publ. des Temps nouveaux n° 6, 1898 ― La Panacée-révolution, publ. des Temps nouveaux n° 7, 1898 ― Enseignement bourgeois et enseignement libertaire, publ. des Temps nouveaux n° 14, 1900 ― La Colonisation [extrait de La Société mourante et l’anarchie], publ. des Temps nouveaux n° 15, 1900 ― L’Anarchie, son but, ses moyens, P.-V. Stock, 1899 ― Les Aventures de Nono, P.-V. Stock, 1901 ― Guerre-Militarisme, Publ. des Temps nouveaux, 1902 ― Si j’avais à parler aux électeurs, publ. des Temps nouveaux, 1902 ― Organisation, initiative, cohésion, publ. des Temps nouveaux n° 25, 1902 ― Malfaiteurs ! (roman), P.-V. Stock, 1903 ― Patriotisme, colonisation (préface d’Élisée Reclus), éd. des Temps nouveaux, 1903 ― Responsabilités !pièce en 4 actes, P.-V. Stock, 1904 ― Terre libre, aux Temps nouveaux, 1908 ― Le Syndicalisme dans l’évolution sociale, aux Temps nouveaux, 1908 ― Réformes, révolution, P.-V. Stock, 1910 ― L’Entente pour l’action, publ. des Temps nouveaux n° 45, 1911 ― Une des formes nouvelles de l’esprit politicien, publ. des Temps nouveaux n° 47, 1911 ― La Conquête des pouvoirs publics, publ. des Temps nouveaux n° 51, Paris, 1911 ― Les Scientifiques, publ. des Temps nouveaux n° 62, 1913 ― Contre la folie des armements, publ. des Temps nouveaux n° 63, 1913 ― Ce que nous voulons, publ. des Temps nouveaux n° 72, s.d. [1914] ― Temps nouveaux, méthodes nouvelles, Publ. des Temps nouveaux, 1917 ― La Société des nations, publ. des Temps nouveaux n° 9, 1918 ― Ce que l’on peut faire, publ. du Groupe de propagande par l’écrit n° 2, 1920 ― Pour préparer la société future, publ. de La Révolte et des Temps nouveaux, 1921 ― Kropotkine, publ. du Groupe de propagande par l’écrit n° 6, 1921 ― Association, organisation, publ. du Groupe de propagande par l’écrit n° 7, 1921 ― Encore la question d’organisation, publ. de La Révolte et des Temps nouveaux n° 13, 1922 ― À mes camarades, publ. de La Révolte et des Temps nouveau, n° 15, 1922 ― Un dernier mot, publ. de La Révolte et des Temps nouveaux n° 16, 1922 ― Ne nous illusionnons pas, publ. de La Révolte et des Temps nouveaux, 1922 ― Les Blanches Colombes de la paix, publ. de La Révolte et des Temps nouveaux n° 17, 1922 ― La Réaction en marche, publ. de La Révolte et des Temps nouveaux n° 18, 1923 ― Il n’y a pas plus de raisons de se décourager que de s’illusionner. La décomposition de l’anarchisme, publ. de La Révolte et des Temps nouveaux n° 28, 1924 ― La Faillite bolchevik, publ. de La Révolte et des Temps nouveaux n° 29, 1924 ― La Révolution peut-elle se faire par étapes ? publ. de La Révolte et des Temps nouveaux, n° 30, 1924 ― Ce que doit être la vraie Société des nations, publ. de La révolte et des Temps nouveaux, n° 32, 1925 ― Coordonnons nos efforts mais ne centralisons pas, publ. de La Révolte et des Temps nouveaux, n° 45, 1927 ― Ce que tout le monde devrait savoir, publ. de La Révolte et des Temps nouveaux n° 46, 1927 ― Un urgent travail de reconstruction, publ. de La Révolte et des Temps nouveaux n° 51, 1927 ― À propos d’une ânerie, publ. de La Révolte et des Temps nouveaux n° 54, 1928 ― Pour la paix, publ. de La Révolte et des Temps nouveaux n° 58, Robinson, 1929 ― Une saloperie gouvernementale, publ. de La Révolte et des Temps nouveaux n° 59, 1929 ― Ne mélangeons pas nos buts et activité (sic), publ. de La Révolte et des Temps nouveaux, n° 63, 1929 ― Le Mouvement libertaire sous la IIIe République, Les Œuvres représentatives, 1930 ― Les Coopératives. Amorces de la société future, publ. de La Révolte et des Temps nouveaux, n° 66, 1930 ― Changer le nom des façons d’agir n’est pas changer de méthode, publ. de La Révolte et des Temps nouveaux n° 67, 1930 ― Ce que devront être la révolution et la société future, publ. de La Révolte et des Temps nouveaux n° 69, 1931 ― Les Colonies agricoles, publ. de La Révolte et des Temps nouveaux n° 70, 1931 ― Les Erreurs du marxisme, suivi de « Question d’otages » (avec Eugène Dupont), publ. de La Révolte et des Temps nouveaux n° 71, 1931 ― Des arguments qui ne prouvent rien, publ. de La Révolte et des Temps nouveaux n° 72, 1931 ― Gardons-nous des exagérations, publ. de La Révolte et des Temps nouveaux n° 73, 1931 ― La Situation anarchiste actuelle. Que faire ? publ. de La Révolte et des Temps nouveaux, n° 74, 1932 ― La Situation anarchiste actuelle. Que faire ? (suite), publ. de La Révolte et des Temps nouveaux n° 75, 1932 ― Question de logique et de « surlogique », publ. de La Révolte et des Temps nouveaux n° 76, 1932 ― Toujours la question : « Que faire ? », publ. de La Révolte et des Temps nouveaux n° 77, 1932 ― À propos d’attentats (à M. de La Fouchardière, rédacteur à « L’Œuvre »), publ. de La Révolte et des Temps nouveaux n° 78, 1932 ― La Vie et la propagande, publ. de La Révolte et des Temps nouveaux n° 79, 1932 ― La Vie et la propagande (suite), publ. de La Révolte et des Temps nouveaux n° 80, 1932 ― En société anarchiste, comment se conduira l’individu ? Réponse à cette question du Dr Toulouse (« Demain », 1er février 1919), éd. Lucifer, s.d. [1932 ?] ― Aux camarades japonais, publ. de La Révolte et des Temps nouveaux n° 81, 1933 ― Un régime pourri, publ. de La Révolte et des Temps nouveaux n° 85, 1933 ― Soyons logiques, publ. de La Révolte et des Temps nouveaux n° 87, 1934 ― Un monde nouveau qui ne différerait guère de l’autre, publ. de La Révolte et des Temps nouveaux n° 90, 1934 ― Bases d’un programme anarchiste. Dans L’Internationale anarchiste (avec Max Nettlau), publ. de La Révolte et des Temps nouveaux n° 93, 1935 ― Le Conflit italo-éthiopien, publ. de La Révolte et des Temps nouveaux n° 96, 1936.