Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

MARTIN, Constant “Gabriel”

Né à Entrevaux (Basses-Alpes) le 5 avril 1839 — mort à Paris le 9 juillet 1906 — Crémier ; Employé — Paris — Londres
Article mis en ligne le 30 juin 2008
dernière modification le 6 août 2024

par R.D.
Constant Martin

Après sa participation à la Commune de Paris durant laquelle il avait été le secrétaire de la délégation à l’enseignement, Constant Martin, qui était membre des sections du Panthéon et du 13e arrondissement, avait été condamné par contumace à la déportation. Exilé à Londres où il fit partie du Conseil général de l’Internationale, il s’installa en Belgique en 1874 puis revint au début des années 1880 en France où il était toujours un actif militant blanquiste (voir sa notice complète dans le Maitron).

Sans que l’on sache exactement quand, il devint ensuite anarchiste, mouvement où il allait être très actif dans la décade des années 1890. Dès 1884 son nom apparaissait comme collaborateur de l’organe communiste anarchiste Terre et Liberté (Paris, 18 numéros du 25 octobre 1884 au 21 février 1885) fondé par Antoine Rieffel et dont le siège sera saccagé par la police.

En novembre 1884, avec Hemery Dufoug, H. Ferré, et Tony Graillat, il fut l’un des représentants des anarchistes au jury d’honneur constitué par les divers courants révolutionnaires pour dénoncer un certain nombre de mouchards, dont Druelle “Sabin” (voir ce nom) accusé par Le Cri du peuple, accusation ratifiée par le jury le 27 novembre. Toutefois, lors d’une réunion anarchiste tenue à la mi décembre, salle du Commerce, où Druelle avait été convié à se justifier, il avait déclaré que son opinion sur Druelle, n’avait pas « été faite sur des preuves matérielles, lesquelles n’existent pas, mais par une série de preuves morales accablantes », notamment du gaspillage d’argent de la Commission des détenus politiques dont Druelle était le secrétaire. (cf. Terre et Liberté, 20 décembre 1884).

En 1885, Constant Martin, dont la compagne était italienne, avait été chargé par Merlino, de former un groupe international réunissant les compagnons italiens et français de Paris.

En 1887 il était membre du groupe Terre et liberté avec notamment Gallais et Duprat.

En 1888, avec deux anarchistes dont Émile Pouget, il fonda Le Ça ira (Paris, 10 numéros du 27 mai 1888 au 13 janvier 1889) publié par le groupe éponyme avec lequel avait fusionné le groupe Terre et liberté… En septembre 188 les promoteurs du journal lancèrent l’idée de la création d’un quotidien anarchiste et fondèrent à cet effet une société anonyme à capital variable, Le ça ira, qui émit 10.000 obligations à capital variable. Bien que l’idée fut semble-t-il bien accueillie, elle dut être abandonnée suite aux poursuites engagées contre les responsables du journal suite à l’article « silence aux pauvres » paru dans le numéro 10 et dernier du journal. Il demeurait à cette époque à Montmartre, 3 rue Joquelet où avec sa compagne Ernesta Forti, il tenait une crémerie.

En janvier 1892 il était signalé dans les réunions du Groupe parisien de propagande anarchiste qui avait édité le numéro unique du journal Le Conscrit (voir Charveron).

Avec sa compagne Ernesta Forti il tenait une crèmerie au 3, rue Jocquelet (actuelle rue Léon-Cladel) dans le IIe arr.

Dans La Révolte, du 5-11 février 1892, il signa aux côtés de Malato, É. Pouget, Tortelier, É. Henry et autres une déclaration en faveur de la manifestation du 1er mai, s’opposant à Sébastien Faure qui estimait que les anarchistes n’avaient pas à prendre part à cette action en raison de ses origines et de son caractère légalitaire. Il collabora à cette époque au numéro unique du journal Le Gueux (Paris, 27 mars 1892) dont le rédacteur en chef était Michel Zévaco. Les attentats des années 1892-1894 — et notamment celui d’Auguste Vaillant à la Chambre des députés qui lui avait valu d’être arrêté en décembre 1893 comme plusieurs autres compagnons — lui valurent d’être impliqué dans le procès des Trente d’août 1894 et d’être condamné, par contumace, par les assises de la Seine, à vingt ans de travaux forcés. Constant Martin avait préféré reprendre le chemin de Londres, où, selon la police et pour survivre, il fabriquait des paniers en osier chez Marocco tandis que sa femme Ernesta était employée par le compagnon tailleur C. Sicard. Rentré en France à la mi-mars 1895, il fit appel de sa condamnation et fut acquitté.

A l’été 1896 il était l’un des responsables du Libertaire et logeait dans ses nouveaux locaux au 2e étage du 3 passage Briquet. Le journal disposait également dans la cour d’une pièce servant de bureau. Suite à la saisie du numéro 40 (12 aout 1896) et à l’arrestation de son gérant Guyard poursuivi pour « apologie du crime de Caserio », Martin fut à son tour l’objet d’une perquisition où avait été saisis une assez volumineuse correspondance et divers documents.

Fin 1897 il se lançait dans la campagne en faveur de Dreyfus et dénonçait notamment l’antisémitisme dans Le Libertaire (29 janvier 1898) das un article intitulé « Antisémitisme et anarchie : aux aveugles » où il concluait : « …N’existe il pas un prolétariat juif ? Devons nous le laisser lâchement massacrer devant nos yeux ? Faut il que nous assistions impassible à la fuite hors des frontières de pauvres et misérables familles juives ? Leurs vieillards, leurs bébés, leurs femmes sont ils des êtres inférieurs à nous ? Les anarchistes reconnaîtraient-ils comme les sectaires chrétiens et les papes une race maudite ? Pouvons nous rester indifférents ? En prenant parti, dès aujourd’hui pour les prolétaires juifs, les exploités de race juive, ne restons pas nous mêmes : anarchistes ! N’est il point habile de notre part d’affirmer notre solidarité avec les persécutés — contre les persécuteurs — qui sont aussi les nôtres ».

En 1897 il collabora au numéro unique de L’Incorruptible (Paris, février 1897) dont le gérant était Jules Regis et dont, selon Zisly (cf. Le Semeur, 3 février 1926) il aurait été l’initiateur.

L’année suivante, il fut le gérant du journal Le Droit de vivre (Paris, 9 numéros du 23 avril au 15 juin 1898) qui publia les défenses de Georges Etiévant devant les cours d’assises de la Seine et de Versailles. Puis avec Michel Zévaco et Jacques Prolo, il fonda L’Anticlérical (Paris, 7 numéros du 11 décembre 1898 au 22 janvier 1899) organe de la Ligue anticléricale. En 1899, il collabora au quotidien Le Journal du peuple (Paris, 299 numéros du 6 février au 3 décembre 1899) de Sébastien Faure qui prit une part très active à la campagne dreyfusienne.
Il collabora également au Libertaire et au journal Le Cri de révolte (Paris, 10 numéros du 20 août 1898 au 1er mars 1899) dont le gérant était M. Lamargue et qui diffusait sa brochure Inquisition et antisémitisme. Il était également membre de la Ligue anticléricale dont l’animateur principal était Pausader “Jacques Prolo”.

Selon un rapport de police de juin 1901, il était alors établi marchand de fruits dans les Basses-Alpes. En janvier 1902, selon le rapport d’un indicateur, il était paralysé du cité droit, à demi aveugle et demeurait alors 14 rue Berger à Paris.

Il est difficile de préciser l’état civil de Constant Martin. Certains documents le disent célibataire, d’autres marié, père de deux enfants, séparé de sa femme et vivant en concubinage. Au cours de sa vie militante, Constant Martin avait pris les pseudonymes de “Len Cromier”, “Georges Gasquet”, “Louis Gruny”, “Schmidt” — si l’on en croit du moins le dossier des Arch. PPo B a/1174.

Selon Sébastien Faure (cf. Le Libertaire du 12 juillet 1906) Constant Martin avait deux frères dont l’un fut receveur des finances (ou des douanes à Toulon) et l’autre commerçant. Comme un juge d’instruction faisait état de cette parenté, Constant Martin aurait répliqué : « Que voulez-vous, monsieur, que j’y fasse ? Puis-je empêcher mes frères d’être fonctionnaire ou commerçant ? C’est leur affaire ; et ne savez-vous pas que, dans les familles nombreuses, il y a toujours des enfants qui tournent mal ? Tant pis pour mes frères s’ils ont mal tourné ! »

A la fin de sa vie, il collabora à l’organe communiste anarchiste L’Ordre (Limoges, 40 numéros du 29 octobre 1905 au 28 avril 1907) dont le gérant était Léon Darthou.

Décédé le 9 juillet 1906, Constant Martin fut incinéré le 12 au Père-Lachaise. Les obsèques furent civiles et Édouard Vaillant y assista. Aucun discours ne fut prononcé. Les cendres furent déposées dans la case portant le n° 226. Avec lui disparaissait « un des derniers représentants du courant blanquiste au sein de l’anarchisme français » (cf. Les Temps nouveaux, 21 juillet 1906) écrivait Amédée Dunois qui ajoutait : « Je l’ai beaucoup connu, et jusqu’à la dernière heure, malgré la divergence certaine de nos points de vue, beaucoup aimé. J’aimais le bon vieillard, candide et pur qu’il était, et le révolutionnaire de la tradition classique, l’homme du coup de force quand même, l’insurgé irréductible qui avait vu ma Commune et qui, le fusil chargé, attendait les revanches du Grand Soir ».

Dans une longue nécrologie, Sébastien Faure écrivait dans Le Libertaire : « Bien que fréquemment malade depuis de nombreuses années et vieilli, cassé prématurément, Constant Martin avait gardé un cœur, un esprit et une imagination très jeunes… Il se plaisait particulièrement avec les jeunes… il se réjouissait de leur fougue, il se félicitait de leur impétuosité, il encourageait et stimulait volontiers leur ardeur… Plus une idée était audacieuse, plus une campagne était téméraire, plus un este étai hardi et nouveau, plus il prenait plaisir à discuter l’idée, à étudier la campagne, à examiner le geste. » (cf. Le Libertaire, 22 juillet 1906)

OEUVRE : — Inquisition et antisémitisme, résumé de l’histoire juive, commentaires sur le mouvement antisémite, publié avec la poésie “Le Rêve” de Louise Michel, s. d. (1898), 64 p. (on trouve cette brochure dans le dossier B a/1 274 des Arch. PPo., et à la Bibl. Nat., 8° H 1 728).


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