Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

PORTET TUBAU, Lorenzo « LAURENS »

Né à Vich (Barcelone) le 23 décembre 1866 – mort le 10 mai 1917 — Comptable – Barcelone (Catalogne) – Paris – Liverpool & Londres (Grande-Bretagne)
Article mis en ligne le 20 septembre 2024
dernière modification le 13 décembre 2024

par Marianne Enckell, R.D.
Lorenzo Portet

Petit-fils d’un Français, fils de paysans catalans (Joseph et Cecilia Tubau), Lorenzo Portet Tubau étudia le droit à Barcelone puis vécut quelques années à Buenos Aires où il fut enseignant. De retour à Barcelone en 1895, il s’engagea dans la lutte pour l’indépendance de Cuba.

Le 7 juin 1896, une bombe explosait dans la procession de la Fête Dieu, faisant douze morts. La répression qui s’ensuivit obligea Portet à fuir en France. A Paris il rencontra Francisco Ferrer, avec lequel il collabora étroitement jusqu’à la mort de ce dernier en 1909 ; il semble que c’est sous son influence que Ferrer devint anarchiste. Portet s’engagea aussi en faveur des anarchistes emprisonnés et torturés à la forteresse de Montjuich (Barcelone) et suscita d’importants mouvements de protestation à Paris en décembre 1896 et janvier 1897, qui s’en prirent notamment à l’ambassade d’Espagne.

A Paris il était en étroite relation avec l’ouvrière tailleuse Elisa Brun compagne du militant Mathurin Atffret établi comme imprimeur à Londres.

Le 31 décembre 1896 il avait été l’objet sous le nom de Laurens d’un arrêté d’expulsion de France. En janvier 1897 avait été arrêté à son domicile 14 rue de la Roquette où la police avait saisi plusieurs brochures de Kropotkine, Pelloutier ainsi que 4000 exemplaires du manifeste La Inquisición en Barcelona (voir portfolio) dénonçant les tortures et les procès de Montjuich et de divers appels aux soldats espagnols à déserter pour ne pas aller à Cuba. Il avait été transféré au Havre le 16 janvier pour être embarqué vers l’Angleterre

Lorenzo Portet

Portet s’établit alors comme une trentaine d’autres Espagnols à Liverpool, en 1897, où il enseigna l’espagnol à l’École de commerce, tout en poursuivant ses voyages clandestins en Espagne et en France. Les anarchistes anglais étaient alors très actifs dans le soutien aux Espagnols au sein du Spanish Atrocities Committee de Londres, avec nombre de réfugiés français et de socialistes anglais.

A Liverpool, Portet rencontra l’anarchiste James Dick, avec lequel il fonda une école du dimanche en 1908. Elle était affiliée à la Ligue internationale pour l’éducation rationnelle de l’enfance, fondée par Ferrer, et prit après sa mort le nom de International Modern School. C’est ainsi que Portet fit la connaissance de bien d’autres militants anarchistes, comme Charles Malato. A Liverpool, il fut aussi actif à l’International Club et au Direct Action Group, organisant des conférences et militant pour un syndicalisme d’action directe.

En Angleterre il fut soupçonné d’avoir aidé financièrement à des attentats en Espagne et notamment celui de Michele Angiolillo contre le Premier ministre Canovas, ainsi qu’un projet d’attentat contre la reine-mère. Fin novembre 1898, selon la police espagnole, il aurait fait un passage à Paris sous le nom de Jaime Busquet avec « l’intention de rentrer en Espagne pour y commettre un attentat » Il était également suspecté à la même époque de projeter un attentat contre le roi d’Italie avec Ciancabilla. En janvier 1899 il était signalé avec sa femme Germaine (de nationalité belge ?) et leur bébé âgé de 5 mois, chez Defendi à Londres. En octobre 1899 il était signalé à Cardiff où il travaillait comme employé dans les bureaux d’une mine de charbon.

En 1907 à Liverpool il recueillait des souscriptions pour subvenir aux frais de la défense de F. Ferrer à Barcelone.

Ferrer avait désigné Portet comme son exécuteur testamentaire. En 1909 il fut signalé à plusieurs reprise de passage à Paris où il avait des entretiens avec Charles Malato, Charles Albert et Soledad Villafranca pour mener campagne en vue de la révision du procès Ferrer. Fin 1911, les biens de l’École moderne saisis par les autorités furent libérés et Portet put s’en occuper. Il publia en volume des textes de Ferrer sous le titre La Escuela moderna (octobre 1912), avec une préface d’Anselmo Lorenzo. Dès avril 1912, avec une partie de l’héritage (estimé à 500.000 francs) il avait ouvert une succursale de l’École moderne à Paris, au 83 rue Denfert Rochereau.

L’arrêté d’expulsion ayant été rapporté le 25 juillet 1912, il résidait en 1913 à Paris, 31 rue de Dunkerque et en juillet, lors du voyage du Roi d’Espagne, il avait été mis sous surveillance spéciale.En 1915, il fonda à Paris La Casa Editorial, Publicaciones de la Escuela Moderna, qui publia des textes espagnols et des traductions pour les introduire clandestinement en Espagne, avec l’aide notamment de Charles Malato.

Il avait rencontré en 1914 la militante féministe américaine Margaret Sanger à Liverpool, où elle fuyait une condamnation pour propagande anticonceptionnelle ; ils voyagèrent ensemble en France et en Espagne pour y visiter les Écoles modernes et la tombe de Ferrer, surveillés en permanence par la police. Il proposa ensuite à Margaret Sanger de venir travailler à Paris, mais il mourut prématurément le 10 (ou le 13) mai 1917 avant qu’elle ne puisse le rejoindre. Elle écrivit qu’il « mourut sans voir la réalisation de son grand espoir, la libération des femmes espagnoles de l’ignorance et des dogmes de l’Église catholique ».

Les activités de la maison d’édition furent reprises par son collaborateur « Alfredo Meseguer » (un des nombreux pseudonymes de Fernando Vela).


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