On sait peu de choses de la formation politique de jeunesse d’Eugenio Defendi, si ce n’est qu’il avait répondu à l’appel de Garibaldi, pour venir combattre en France. Arrivé à Paris le 17 ou le 18 mai 1871 après avoir servi dans la Légion garibaldienne durant la guerre franco-prussienne, il fut arrêté après l’écrasement de la Commune. Le 27 avril 1872, il fut condamné, à 15 ans de détention pour sa participation au mouvement communard et fut envoyé au bagne de “Belle-Île” où sa détention dans une très petite cellule lui valut ensuite des difficultés à marcher. Sa peine fut commuée en 1879 en bannissement perpétuel. Il gagna alors l’Angleterre. Il adressa en octobre 1879, avec un groupe de communards exilés, ses encouragements aux participants du congrès ouvrier socialiste de Marseille.
A Londres il rencontra en 1880 Malatesta et Emilia Carolina Trunzio (Cosenza 9 juillet 1858 — Londres 17 Mars 1919) sœur adoptive de l’internationaliste Tito Zanardelli qu’elle était venue en 1879 retrouver à Londres et où elle exerçait le métier de couturière. Elle aurait été la compagne de Malatesta depuis les années 1870. Elle avait été adoptée par la famille Zanardelli (après avoir perdu ses parents morts du choléra) et il est donc probable que Malatesta l’ait rencontrée par l’entremise de son frère adoptif Tito Zanardelli.
Le 1er mai 1880, à l’occasion d’un grand banquet populaire au restaurant La Cloche auquel assistaient notamment Antoine Arnaud et Jean-Baptiste Clément, Giovanni Defendi et Emilia Trunzio annonçaient par la note suivante qu’ils se mettaient en union libre : « Les soussignés se font un devoir de vous annoncer que, le 1er mai 1880, ils contracteront une union libre, en présence de quelques amis socialistes invités et réunis tout simplement pour en recevoir communication.
Les raisons qui les ont déterminés à se passer du mariage juridique ainsi que du mariage religieux, c’est qu’ils les considèrent comme des institutions bourgeoises crées dans le seul but de régler les questions de propriété et d’héritage, n’offrant aucune garantie sérieuse aux prolétaires des deux sexes, consacrant l’assujettissement de la femme, engagent pour l’avenir les volontés et les consciences, sans tenir compte des caractères, et s’opposant à la dissolubilité, qui est la base de tout contrat.
La question des enfants sera réglée ultérieurement de la manière la plus conforme à la justice et selon la situation qui leur sera faite par la société bourgeoise.
Salutations fraternelles. Giovanni Defendi, Emilia Trunzio-Zanardelli. »
Tito Zanardelli, rédacteur à L’Égalité, prononça un long discours à cette occasion et. parmi les nombreuses lettres de félicitations figuraient celles de la rédaction de L’Égalité et de Benoît Malon, ainsi que celles de nombreux socialistes italiens.
Quant à Malatesta, il ira jusqu’à les aider à s’acheter une épicerie fine, (huile, fromage et vin) au 112 High Street à Islington où tous trois demeuraient ensemble. Malatesta accompagnait souvent Giovanni dans ses livraisons, et tous les deux étaient très connus dans la colonie italienne.
Le ménage amour-libriste Defendi-Trunzio-Malatesta éleva six enfants : Luigia appelée Virginia (mariée plus tard à l’anarchiste Giulio Rossi), Enrico né le 3 septembre 1883 (fils probable de Malatesta), Cocò (née vers 1887-88), Giulietta née vers 1890, connue sous le nom Giugiù (et qui plus tard sera la compagne de l’anarchiste Antonio Fabrizi), Adele née en 1892 (fille de Malatesta), et une dernière fille dont nous ne connaissons pas le prénom (peut-être, Giannetta).
A noter que Giovanni Defendi vouait à Malatesta une admiration qui “confinait à l’idolatrerie”.
Sous le nom de Jean Joseph Defendi il figurait en 1894 sur une liste d’anarchistes établie par la police des chemins de fer en vue d’une « surveillance spéciale aux frontières ».
Selon la police, c’était lui qui aurait logé Pouget à son arrivée à Londres en février 1894. La police notait que plusieurs réunions d’anarchistes italiens — dont Malatesta, F. Cini, Polidori et Tocci — se tenaient fréquemment à son domicile.
Le fils probable de Malatesta, Enrico (qui portait le nom de Defendi), fut un militant anarchiste actif dès la fin du siècle. En mars 1897 — il avait alors 14 ans — il avait accompagné Malatesta à Ancône pour y diriger L’Agitazione. A cette occasion, le jeune homme servait d’estafette à la rédaction du journal. Le 30 mai 1898, le tribunal d’Ancône le condamna, pour insubordination et propagande subversive, à six mois de prison. Le 28 novembre suivant, il fut libéré mais expulsé d’Italie et était reparti pour l’Angleterre.
Au fil des années, toute la famille Defenndi participa assidûment à toutes les initiatives organisées par les anarchistes italiens de Londres. Giovanni et le fils Enrico, s’occupaient des circulaires annonçant la publication des journaux L’Internazionale (Londres, 4 numéros du 12 janvier au 5 mai 1901) édité par G. Pietraroja et Silvio Corio et La Rivoluzione sociale (Londres, 4 octobre 1902 à 5 avril 1903) dont Enrico était responsable des abonnements. Le groupe éditeur de ce denier journal était formé de Carlo Frigerio, A. Galassini, Oietro Cappelli, Enrico Carrara, Sante Cenci, Silvio Corio, Gugliemo Cuccioli, P. Curetti, Giovani Defendi, Felice Felici, Antonio Folli, C. Goldoni, Carlo Magnoni, E. Malatesta, F. Mariani, Attilio Panizza, Alfredo Pierconti, G. Quarantini, Carlo Rossi et Giulio Rossi.
Giovanni Defendi, avec l’âge et après la mort de tuberculose de son “fils” le 8 novembre 1916 à Londres, puis de sa compagne Emilia en 1919, abandonna progressivement tout engagement politique. Il décéda à Londres le 10 octobre 1925.
Quand à Malatesta, qui selon l’informateur de police « Virgilio » aurait décidé de laisser tous ses biens aux enfants Defendi, il restera très discret sur sa relation avec la famille Defendi et avec Emilia en particulier, laissant entendre dans une lettre à Luigi Fabbri que tous les enfants étaient des Defendi, et que sa relation avec Emilia n’était que de la “camaraderie”. Certes, mais peut-être comme l’a défini plus tard E. Armand, de la “Camaraderie amoureuse” ?