Dictionnaire international des militants anarchistes
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ROUSSEL, Georges
Né à Paris le 13 mars 1865 - mort le 15 mai 1909 - Imprimeur ; marchand de journaux – CGT - Paris
Article mis en ligne le 30 mars 2016
dernière modification le 2 mars 2024

par Guillaume Davranche, ps

En 1883, le jeune ouvrier imprimeur Georges Roussel faisait partie des anarchistes connus sur la place parisienne, tenant des discours incendiaires dans les meetings. Il était alors membre de la Jeunesse Révolutionnaire. Il s’agit sans doute du Roussel signalé dans les réunions du groupe La Panthère des Batignoles fondé en octobre 1882 par notamment Ritzerfeld et Clément Duval.

Le 5 décembre 1883 il fut l’un des douze signataires - avec Leperchey, Lecourtier, Millet, Thibaut, Duplessy, G. Testart, Esnay, Boucher, Garrouste, Cottin et Lecoeur - d’un Manifeste anarchiste appelant les ouvriers sans travail à manifester le 7 décembre Place de la Bourse. Ce manifeste publié notamment dans Le Cri du Peuple, lui valut d’être arrêté, inculpé de provocation directe à attroupement non armé non suivi d’effet et poursuivi le 21 décembre avec Esnay, Thibault, Garrouste, Lecoeur, Millet, Cottin, Levinard, Mivielle (gérant du Cri du Peuple), Raoux, Lalande et les frères Bourdin. Lors de la perquisition à son domicile, la police avait également trouvé divers matériaux pouvant servir à la fabrication d’explosifs, il avait également été inculpé de fabrication ou détention sans autorisation de machines ou engins meurtriers. Lors de l’interrogatoire au procès, il fit une profession de foi résolument anarchiste et se déclara en "veine de récidive". Il fut finalement condamné à 6 mois de prison et 50 francs d’amende. Les autres inculpés avaient été condamnés aux peines suivantes : Miviielle (6 jours), Millet (4 mois), Esnay, Thibot, Garrouste, Cottin et Lecoeur (3 mois), les frères Bourdin et Lalande (15 jours). Seul Raoux avait été acquitté.

En mai 1884, lors de l’hommage à la Commune au cimetière du Père Lachaise, il avait pris la parole avec Druelle et Denechere devant un groupe important de compagnons dont ceux de la chambre syndicale des cordonniers et leur bannière noire et le groupe Les Insurgés portant aussi “un magnifique drapeau noir surmonté d’une cocarde rouge” (cf. L’Affamé)

En août 1884 il avait fondé un groupe dont la première réunion avait eu lieu chez lui, 59 rue de la Villette, et auquel avaient adhéré entre autres Thomas, Lecourtier et les italiens Cova et Ronchetta.

En janvier 1885, soupçonné de mouchardage, il fut traduit devant un jury d’honneur du groupe italien de Paris, parce qu’on aurait trouvé sur lui une liste des noms et adresses des principaux membres du groupe. À la même époque, il aurait participé au journal Terre et Liberté de Dénéchère. A l’automne 1885 il aurait été avec Louiche le fondateur du groupe Le Combat à La Villette. Son frère cadet Gaston était membre du groupe de La Jeunesse anarchiste du XXe arrondissement.

Il s’agit sans doute du Roussel qui à l’automne 1885 était également signalé dans les réunions du groupe La Vengeance dans le Ve arrondissement.

Georges Roussel fut à l’époque, avec Pierre Martinet (voir ce nom), un des leaders de la mouvance anarchiste de la salle Horel, rue Aumaire. « Ce fut lui, selon Jean Grave, qui déjà à l’époque le tenait pour un mouchard, qui inaugura l’habitude d’“engueuler” l’auditoire. »

Avant que l’individualisme n’existe comme doctrine, il professa des pratiques individualistes dans le militantisme. Selon un rapport de police du 10 février 1886, lors d’une réunion des groupes anarchistes salle Horel, Roussel « a prétendu que les anarchistes avaient le droit, s’il leur en prenait la fantaisie, de provoquer toute réunion, de prendre les noms de tous groupes et de conserver par-devers eux toute somme sans jamais avoir à rendre compte à qui que ce soit de leurs actes. Des dénégations violentes ont accueilli ces paroles. Godar a protesté et déclaré que pour son compte personnel, s’il faisait partie d’un groupe, il ne permettrait pas qu’on agît au nom du groupe sans l’autorisation de ses membres. Roussel lui a répliqué : “Alors vous n’êtes plus anarchiste, vous êtes autoritaire.” »

En 1888, il était membre, semble-t-il, du groupe anarchiste de Belleville avec entre autres Pennelier, Diamisis et Boutin avec lesquels il préconisait les déménagements "à la cloche de bois".

Le 4 mars 1888, aux cotés notamment de Louise Michel, il avait été l’un des orateurs au meeting tenu salle du commerce en faveur de Cyvoct et de Gallo envoyés au bagne. Il avait terminé son discours en ces termes : “L’heure de la vengeance est arrivée ; il faut passer de la parole à l’action ; il faut que chaque travailleur se révolte contre son exploiteur, contre le gouvernement, contre toute autorité, contre le code qui nous condamne, en mettant le feu au Palais de justice. Il faut enfin que la masse prolétarienne se soulève immédiatement et que, par la poudre, la dynamite et autres moyens que la science peut lui procurer, elle raie la bourgeoisie aux cris de Vive la révolution sociale ! Vive l’anarchie !” (APpo BA 75).

Ce même printemps 1888, aux cotés notamment de Gouzien, Espagnac et Louvet, il participait activement à la campagne contre les bureaux de placements et aux réunions organisées par la chambre syndicale des hommes de peine à la Bourse du travail. Lors de l’une de ces réunions, il avait notamment déclaré : “… Vous avez épuisé toutes les voies légales pour obtenir justice : il ne vous reste plus qu’à vous débarrasser vous mêmes de ceux qui vous exploitent, et pour cette cause, qui est la nôtre à tous, le meurtre, le pilage, l’incendie, tous les moyens sont bons".

Le 9 août 1888, aux cotés de Louise Michel, Tennevin, Espagnac, Malato, Pausader, Lutz, Tortelier et Gouzien, il avait été l’un des orateurs de la réunion organisée par les groupes anarchistes du XXe arrondissement au profit des victimes de la police lors de la journée du 8 août, enterrement d’E. Eudes où il y avait eu de nombreuses bagarres avec les forces de l’ordre.

En 1889, Roussel quitta Paris et disparut complètement de la scène militante. Que fit-il pendant ces années ? Il restait évasif sur la question. En 1892, dans une note de police, il était noté comme ne paraissant plus dangereux et étant domicilié 27 rue de Romainville aux Lilas. Début 1893 un indicateur signala sa présence lors d’une réunion tenue le 23 février rue de Belleville avec Baudelot, Barthelemy et Louis Brossard dans laquelle il avait proposé de profiter des élections pour faire de la propagande, déclarant notamment : “C’est pourquoi moi qui, depuis 4 ans ne s’est mêlé activement à aucun groupe, je convoquerai les compagnons des 10, 11, 14 et 20e arrondissements pour le samedi 4 mars… afin de savoir s’ils veulent faire de la bonne besogne".. Selon un indicateur, il ne jouissait plus d’aucun prestige chez les militants et était même soupçonné “d’être de la police, vu sa manière de vivre”.

Il fit sa réapparition en juillet 1902, quand il cofonda le périodique Le Réveil de l’esclave, qui s’éteignit au n°9 en juin 1903. Roussel le fit reparaître tout seul, d’octobre à décembre 1903. L’administration était alors basée au 82, rue de Belleville, à Paris 20e, sans doute son domicile.

Au printemps 1906, dans un article paru dans L’anarchie (14 juin) soutenant l’Avenir social de Madeleine Vernet, il critiquait vivement La Ruche de Sébastien Faure, craignant qu’elle ne devienne “une ruche à frelons”, estimant que “nous ne pourrons jamais attendre de bons résultats d’expériences tentées, ou de propagande faite par des bourgeois venus à l’anarchie”.
Début 1907 il aurait été licencié semble-t-il de son emploi au Petit Journal.

A l’automne 1907, selon une note de police, il avait une "santé très ébranlée" et, ne trouvant plus de travail à cause de ses opinions, était alors employé comme homme de peine à la CGT pour un salaire de 5 francs par jour.

En mars 1908, il cofonda à Paris le Groupe international, qui selon la police comptait une douzaine d’adhérents de diverses nationalités dont un certain Caballero, et qui édita le périodique Terre et Liberté (n°1, mai 1908), imprimé à Bruxelles, qui n’aurait eu que 5 numéros et dont le gérant était Eugène Deniau-Morat. Son siège était 64, rue de Romainville, à Paris 19e, au domicile que Roussel occupait depuis environ un an. Le militant, marié, tenait un éventaire de journaux dans le même arrondissement, au 25, rue du Pré-Saint-Gervais. Il aurait également disposé en parallèle d’un second domicile, 33, rue de Blois. Il aurait également été candidat abstentionniste dans le quartier de Bel Air lors des élections municipales de 1908.

À l’époque, il fréquentait assidûment, avec ses deux frères et sa jeune sœur Henriette Roussel les Causeries populaires d’Albert Libertad.

Avant de cofonder le Groupe international, Roussel avait milité à la CGT. Travaillant à l’expédition chez Hachette puis au Petit Journal, il avait fondé un syndicat de porteurs de journaux. Son activité d’agitateur lui valut d’être licencié. Dix-huit mois plus tard, il fut embauché pour quelques temps à l’imprimerie confédérale de la CGT. L’anarchiste Tennevin ainsi que les militants de la CGT comme Dubéros ou Beausoleil le soupçonnaient d’être un mouchard.

Le 9 avril il fut arrêté par la police à la gare de Maisons-Alfort avec François Kuhn et Melchior Roux, en possession de dix cartouches de dynamite, trois mètres de cordon Bickford et six détonateurs. Roussel était en outre porteur d’un révolver chargé, de factures du journal Terre et liberté, d’une lettre de Janvion et d’une autre de M. Vernet. Lors de son interrogatoire il prétendit avoir donné rendez vous à Roux et Kuhn pour y prendre livraison d’un numéro de Terre et liberté. Lors de son arrestation, Roussel qui était cardiaque avait été victime d’un malaise et avait été conduit à l’infirmerie de la Santé. La presse du 18 avril annonça que Roussel et Kuhn avaient été relâchés, mais pas Roux. Il avait été condamné à 15 jours de prison pour "port d’arme prohibée" tandis que Kuhn avait été l’objet d’un arrêté d’expulsion et que Roux avait été condamné à un an.

Après qu’il ait bénéficié d’un non-lieu, il fut accusé à la mi-juin par notamment Jean Grave et Sazy Balsamo d’avoir fourni depuis 15 ans des informations à la police et à la demande de Grave, Delesalle, Grandidier et de Marmande il aurait été convoqué à une réunion pour s’y expliquer ; de son coté le Préfet de police avait adressé en mai une note au Président du Conseil assurant que Roussel “n’est pas et n’a jamais été un indicateur à ma Préfecture” (Arc. Nat. F7/12723). Lors de cette réunion Roussel avait à son tour accusé Sazy d’avoir été le responsable de l’expulsion de plusieurs compagnons russes, mais aucune preuve matérielle n’avait pu être apportée contre l’un ou l’autre des protagonistes.

Début août, suite à l’arrestation de Marceau Rimbault (qui était un indicateur) après la fusillade de Villeneuve-Saint-Georges, Roussel avait tenu des propos pour le moins provocateurs appelant à “faire sauter les bourgeois de Paris” et déclarant notamment “Défendons nous avec énergie et, au lieu de jouets d’enfants, comme nos revolvers à 7 ou 8 francs, employons des procédés capables de semer la terreur parmi ces brutes assoiffés d’or et de sang”.

Fin août 1908, la police signalait qu’il préparait le n°6 du Terre et liberté, qui deviendrait alors l’organe officiel de la fédération anarchiste.

La Guerre sociale du 19 mai 1909 annonça que Roussel venait de mourir « après une longue maladie ». Il fut incinéré le jour même à l’hôpital Tenon, à Paris 20e.


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