Dictionnaire international des militants anarchistes
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CONTENT, Julien, Claude, Marcel
Né le 26 septembre 1892 à Mehun-sur-Yèvre (Cher) - mort le 15 juillet 1927 - Ouvrier tailleur ; vendeur de journaux ; camelot ; épicier - FCA - FCAR - UA – CGT - CGTU - Paris – Caen (Calvados) – Joigny (Yonne)
Article mis en ligne le 26 janvier 2007
dernière modification le 26 janvier 2024

par R.D.

Âgé d’une dizaine d’années, Julien Content vendait, pour vivre, des journaux à Paris. Plus tard, sensible à la propagande antimilitariste que menaient les anarchistes, il fut d’abord hervéiste puis subit l’influence de Pierre Martin collaborateur du Libertaire que Sébastien Faure avait fondé en 1895. En 1912-1913, il fut secrétaire de l’Union de la région parisienne de la Fédération communiste anarchiste où il fut remplacé par Cuisse Roy. Il était également membre du Foyer populaire de Belleville dont les responsables étaient Vigneau et la demoiselle Boudet et membre du groupe Les amis du Libertaire fondé en avril 1912. Exempté du service militaire, mais craignant sans doute d’être mobilisé en 1914, il partit pour l’Angleterre.

De retour en France, il tirait, le 8 septembre 1916, une circulaire tract, Aux lecteurs du Libertaire pour annoncer la mort le 6 août précédent de Pierre Martin et dire pourquoi la reparution du Libertaire était momentanément impossible. Dans ce tract, Content, opposant farouche à la guerre, écrivait : “Deux sombres années de meurtres s’égrènent péniblement et le monde des travailleurs enregistre des pertes considérables et cruelles. La folie de carnage, loin de s’apaiser, poursuit partout son œuvre de haine… Nous avons également la douleur de constater que la tourmente a emporté l’esprit de révolte d’un certain nombre de nos vieux compagnons, et non des moindres, qui se font même les complices des crimes de nos gouvernants. D’autres ont disparu, fusillés dans les fossés de quelque forteresse pour expier la faute d’être restés logiques avec eux-mêmes… en refusant toute participation au carnage…” ; puis il expliquait que refusant de se soumettre à la censure, le journal ne pouvait reparaitre que clandestinement at qu’il fallait “absolument savoir sur quels dévouements… compter le cas échéant”. Le 22 septembre 1916, il diffusait un nouveau tract Notre attitude (voir Portfolio), tiré à 12.000 exemplaires, qui dénonçait la guerre et réclamait “le droit pour l’individu de disposer de lui-même”. En décembre 1916, il fut arrêté avec Lecoin et Ruff pour distribution d’un tract intitulé Imposons la paix et condamné à six mois de prison.

Libéré en juin 1917, il fut arrêté quarante-huit heures plus tard avec Le Meillour, Berthot Lepetit qui en était le gérant, Barbé Peckers, Grossin et Ruff pour avoir transporté un numéro clandestin du Libertaire titré “Exigeons la paix” et condamné en octobre à quinze mois de prison. La police qui surveillait Content depuis sa sortie de prison était parvenue à saisir quelques 10.000 exemplaires du journal.

En février 1918, il devint secrétaire de la Fédération anarchiste et le demeura deux ans. Il collaborait à l’époque au journal individualiste La Mêlée (Deols & Paris, 39 numéros du 15 mars 1918 à février 1920).

Le 16 décembre 1918, la police avait saisi à l’imprimerie de Fabre une épreuve d’un tract intitulé Appel au peuple français et signé de Julien Content ainsi que plusieurs centaines de brochures Les gouvernements alliés contre les soviets.

Le 26 janvier 1919, grâce à Content, le premier numéro du Libertaire paraissait. Arrêté en février comme gérant du journal pour avoir publié dans le n° 2 un manifeste Au peuple français (reproduction du tract) où il disait sa reconnaissance à la Révolution russe, Content, qui avait été remplacé au journal par Bidault, fit pendant sept jours la grève de la faim pour être mis au régime politique ; il comparut les 9 et 10 avril 1919 - avec J. Beranger, Fabre et Rigault - devant le 6e conseil de guerre. Lors de l’audience, où il bénéficia notamment du témoignage de Séverine, Georges Pioch, Péricat et Genold entre autres, il revendiqua la responsabilité de l’article incriminé et déclara notamment : “Je continueri à propager ce que je crois être la vérité. Hier j’étais anarchiste, je le suis aujourd’hui et je le serai demain, espérant ainsi rester toujours avec les sots, puisque d’après M. le Commissaire du Gouvernement, il n (y a que les sots qui ne changent pas de convictions” (cf. Le Libertaire, 20 avril 1919). Il fut finalement acquitté avec l’imprimeur Fabre tandis que Béranger était condamné à 1 an de prison et Rigault à 3 mois avec sursis.

En 1919 (ou 1920 ?), il avait été candidat abstentionniste et l’un des signataires de l’affiche Voter c’est faire le jeu de la réaction
.
Il collabora régulièrement au Libertaire où il s’affirmait pour la scission dans la CGT (juillet 1919), s’opposait à l’entrée des anarchiste au parti communiste et où il assuma les fonctions d’administrateur jusqu’au 26 septembre 1920. Le 1er mars 1920, lors de la grande grève des cheminots du PLM, il fut arrêté pour “incitation au vol et au pillage” suite à un article de Loreal paru dans Le Libertaire. En juin, il fut condamné par défaut ave Loreal à 18 mois de prison et 1500 francs d’amende tandis que Journet était condamné à 1 an et 1000 francs d’amende.

Pour propos subversifs tenus en réunion publique –il avait fait l’apologie de l’attentat de Cottin lors d’un meeting pour l’amnistie à Clichy -, il fut arrêté le 28 septembre 1920 avec Coussinet et Letourneur, et condamné, le 28 octobre, par la 11e Chambre correctionnelle à six mois de prison et 50 F d’amende ; en décembre, comme responsable du Libertaire, il se vit infliger quatre mois de prison (Loréal un an), peine confirmée en appel, mais confondue avec la précédente condamnation ; il fut libéré le 13 février 1921. Pour des raisons d’ordre sentimental, il laissa à Lecoin et à Nadaud le soin de s’occuper du journal : “pendant quelques mois je fus en dehors de toute propagande” écrira-t-il plus tard dans le n° du 15-22 septembre 1922 quand il eut repris ses fonctions au journal.

Il partit pour Caen en novembre 1921 où il travailla comme camelot. Malade, il fut hospitalisé pendant deux mois à l’hôpital de cette ville, ce qui l’empêcha d’assister au IIe congrès de l’Union anarchiste qui se tint à Villeurbanne, 26-27 novembre 1921. Le 8 janvier 1922, il anima le congrès de l’Union départementale CGT du Calvados et y apparut comme un arbitre ; aussi fut-il élu secrétaire, « non appointé » et délégué au Comité confédéral national. Avec Barbé, il assurait depuis novembre 1921, la direction du journal régional Le Populaire normand qui appartenait, dit Le Libertaire du 15-22 septembre 1922, “moitié aux syndicats et moitié à la Fédération communiste du Calvados”.
Avec des militants et responsables communistes, Content anima alors plusieurs meetings, notamment à Caen et Honfleur. Dans le Populaire normand, il dénonça les conditions de travail faites aux salariés : “les bagnes du travail, féodalité industrielle et esclavage moderne” (3 février 1922) ou attira l’attention des travailleurs sur certains maux : “un péril ! l’alcoolisme et ses conséquences” (27 janvier 1922). Ce qu’il voulait surtout, l’unité étant préservée, c’était rendre le syndicalisme plus dynamique, plus conquérant, programme qu’il esquissa dans un article du 20 janvier intitulé “où nous en sommes”.
Il faut, écrivait-il, “recréer les syndicats disparus, rendre forts ceux qui existent encore, reconstruire solidement l’UD” afin de refaire “cette force syndicale qui fut puissante, en un temps, qui nous permettra demain de relever la tête, de nous opposer aux prétentions de nos maîtres et de travailler en commun accord à notre libération”.
En février, comme mission lui en avait été confiée, il se rendit à Paris pour y défendre, à la réunion du CCN la cause de l’unité syndicale. Il s’y heurta à l’intransigeance des majoritaires et exprima sa déception dans un article du 24 février. “Mon mandat rempli, mon devoir accompli, mes appels à l’Unité étant restés vains, je suis parti de ce comité, n’attendant pas la fin de ses travaux, complètement écoeuré de la sale besogne qui venait de s’y perpétrer”. De retour à Caen, Content convoqua, pour le 26 février, un nouveau congrès extraordinaire avec comme ordre du jour : scission, autonomie ou division. Il y déclara qu’il considérait son mandat comme terminé. Ses camarades prirent acte de sa décision et, le même jour, la scission était réalisée dans le cadre local.
Dès lors, avant de quitter le Calvados, et sans abandonner ses idées, Content prit ses distances à l’égard des militants locaux. En avril 1922, Il écrivit, avec Barbé, un article dans le Populaire normand, afin d’expliquer leur décision d’abandonner la direction du journal. La raison en était que les communistes voulaient en faire “un organe de parti”, alors que lui et ses amis libertaires, en accord avec les syndicalistes révolutionnaires, voulaient qu’il soit “un journal d’éducation et d’action révolutionnaire qui inviterait les travailleurs à ne compter que sur eux-mêmes”.
Content participa, cependant, en août 1922, à un meeting tenu à Caen, meeting de soutien aux grévistes du Havre.

En juin 1922 il avait participé au congrès de la CGTU à Saint-Étienne, où lors de l’arrivée à la tribune de Lozovski le délégué de l’ISR il s’était écrié “Vive la commune de Kronstadt !”.

Puis il revint à Paris et reprit sa place dans le mouvement anarchiste. Administrateur du Libertaire(tiré fin 1922 à 12500 exemplaires et comptant près de 2500 abonnés) et de La Revue anarchiste (tiré in 1922 à 2000 exemplaires et comptant un peu plus de 1300 abonnés) publiée par l’Union anarchiste, il rendit compte de son activité au IIIe congrès de l’Union qui eut lieu à la Maison du Peuple de Levallois les 2-4 décembre 1922 (voir Haussard) ; Soustelle le remplaça alors dans ses fonctions d’administrateur.

A l’automne 1922, suite à une circulaire supprimant le régime politique pour les anarchistes emprisonnés et à la grève de la faim déclenchée par L. Lecoin et G. Vidal, il rédigea avec Lecoin et Delecourt un article qui leur valut d’être poursuivi en février 1923 avec Braye le gérant du Libertaire. Il fut condamné à six mois de prison et à une amende avec ses camarades à l’exception de Braye condamné à 4 mois.

En février 1923, il fit avec Férandel une tournée de propagande dans le sud de la France (La Grand-Combe, Alés, Montpellier, Béziers, Nîmes, Narbonne, Coursan… etc). Le mois suivant il était arrêté et incarcéré à la Santé pour y purger sa peine.

En juin 1923, suie à ses absences répétées au Comité d’nitiative de l’UA, avec Planche où tous deux représentaient la Fédération de la Somme, ils avaient été remplacés par Saintomer et Meunier.

Il fonda, avec A. Barbé et Émile Poulain, Le Semeur de Normandie (Caen & Falaise) dont le n° 1 est daté du 15 octobre 1923 et le dernier, le n° 281, du 28 novembre 1936. Content collabora également à l’Idée anarchiste, organe anarchiste dont il avait été l’un des fondateurs avec Louis Andreson, Lucien Haussard et Kléber Nadaud (Paris, 11 numéros, dont 2 doubles, du 13 mars au 15 novembre 1924) ; le journal qui se voulait “une tribune où, librement, tous les points de vue, toutes les tendances de l’anarchisme pourraient s’exprimer”, avait été tiré à 7.500 exemplaires. Il y eut bientôt désaccord entre Content et ses amis du Libertaire ; dans son n° du 7 mai 1924 le journal l’attaqua parce que Barbé et lui se faisaient “les champions électoraux du Bloc des Gauches” en vue d’obtenir l’amnistie. Dans les numéros qui suivirent le désaccord s’accentua et ce fut la rupture. Il collaborait également à la La Revue internationale anarchiste (Paris, 8 numéros du 15 novembre 1924 au 15 juin 1925) dont le gérant était Férandel.

En 1926, Content eut un grave accident d’automobile en allant avec Bauchet tenter l’enlèvement de Bévent du pénitencier militaire d’Albertville. Il exploitait alors une épicerie à Joigny (Yonne) avec sa femme Valentine et l’ami Bauchet. Après six mois d’hospitalisation, Content réintégra son logis mais infirme incurable. Devint-il gêneur ? On le retrouva un jour, mort d’un coup de revolver ; c’était le 15 juillet 1927. Suicide, affirme Lecoin dans "Le Cours d’une vie". Il fut “enterré à Mehun-sur-Yèvre, sa ville natale” (Contre-Courant, juillet 1952). A. Barbe écrivit à cette occasion : “Nous ne reverrons plus son grand corps penché, son regard si doux et si fraternel ; nous ne sentirons plus sa loyale poignée de main, pour ma part, je perds plus qu’un ami, un véritable frère. Ce mot dit ma peine”. Le Libertaire (22 juillet 1927) écrivait : “Durant ces derniers mois de campagne active en faveur de nos camarades victimes de la réaction, nous l’avons toujours eu à coté de nous, dans la rude bataille contre toutes les forces mauvaises de la société. Ce n’est jamais en vain que nous faisions appel à son courage et à sa générosité. Il laissera un vide profond en nos coeurs et dans nos rangs”.


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