Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

HAUSSARD, Lucien, Eugène “HOUSSARD”

Né le 11 juillet 1893 à Saint-Quentin (Aisne) — mort le 3 décembre 1969 — Correcteur ; marchand forrain — UA — SIA — CGT — Alfortville (Val-de-Marne) — Paris 20 — Barcelone (Catalogne) — Brive-la-Gaillarde (Corrèze)
Article mis en ligne le 17 juin 2009
dernière modification le 28 août 2024

par R.D.
Lucien Haussard (vers 1921)

Apprenti ébéniste, Lucien Haussard quitta Saint-Quentin en 1912 et vint à Paris où avant guerre il fut membre du groupe d’éducation révolutionnaire d’Ivry et adhérent à la Fédération anarchiste. En 1913 il était, semble-t-il, domicilié chez Guyot, 19 avenue Parmentier à Maison-Alfort et était le secrétaire du groupe d’Alfortville, adhérent à la Fédération communiste anarchiste révolutionnaire (FCAR) et dont faisaient entre autres partie Charles Putois, Ballot, Perrachon, Labreche, Foucher, Isabelle Moreau, Jollivet et Jules Guyot. Il était également, semble-t-il, le secrétaire du Groupe d’éducation révolutionnaire d’Ivry. Il fut candidat abstentionniste lors des élections législatives en 1914.

A la déclaration de guerre, sans travail, il retourna à Saint-Quentin où il était membre du groupe dont le secrétaire était Jules Commine et où il fut fait prisonnier lors de l’avance allemande, puis réformé après son rapatriement.

Après la guerre, il repartit pour Paris et devint correcteur d’imprimerie. Il fréquenta les milieux libertaires et devint très vite un militant influent du mouvement anarchiste. Il a raconté dans Le Libertaire (n°55 du 8 février 1920), que c’est en décembre 1918 que quelques compagnons et lui songèrent à regrouper les éléments libertaires en dehors de la simple lutte pacifiste. Il fut le premier trésorier de la Fédération anarchiste reconstituée. Le Meillour en étant le secrétaire (cf Le Libertaire, 3 et 7 août 1919) et fut cette même année 1919 le fondateur du groupe d’entraide Les bons bougres. L’année suivante, Haussard, qui demeurait alors 38 rue de Belleville, était toujours trésorier de la Fédération.

En février 1921, Haussard, en tant que délégué de l’Union anarchiste (UA), accompagna à Berlin la veuve de Lepetit, pour tenter d’y récupérer de Krassine le chargé d’affaires du gouvernement des soviets, les documents que Lepetit avait confié à la voie diplomatique avant son départ de Russie et qui étaient, parait-il, restés en souffrance dans la capitale allemande. Ces documents, qui avaient été déjà vainement réclamés, auraient contenu la preuve que Lepetit et Vergeat, tous deux noyés lors de leur voyage de retour, revenaient de Russie en anti-bolchéviques convaincus.

Il collaborait au Libertaire depuis sa reparution le 26 janvier 1919 et où, au cours de l’année, il remplaça Content lors de sa détention à l’administration du journal. Au printemps 1921 il fut candidat abstentionniste avec Fister lors de la campagne antiparlementaire de l’Union anarchiste. Il assista au IIe congrès de l’UA qui eut lieu à Villeurbanne les 26 et 27 novembre 1921, au congrès anarchiste international à Berlin, 25 décembre 1921-2 janvier 1922 avec Fister, Berteletto et Mauricius.

Faisant part de son impression sur le congrès de Villeurbanne, il s’était réjoui que « sitôt l’ouverture du congrès, tant par les propositions de solidarité effective envers les anarchistes russes qu’au sujet de « la dictature du prolétariat », on s’aperçut que chez ls anarchistes sérieux, l’engouement passager pour les méthodes dictatoriales et autoritaires avait disparu. Par un unanime accord, lers anarchistes entendaient se séparer d’avec les « rigolos » qui tout en réclamant la liberté pour eux, trouvent logique et rationnel de vouloir la férule pour les autres » (cf. Le Libertaire, 9 décembre 1921).

Il fut le principal organisateur du 3e congrès de l’UA tenu à la Maison du peuple de Levallois les 2-4 décembre 1922 auquel avaient participé des délégués des Fédérations du Nord (2 délégués), de la Somme et l’Oise (3), du sud-est (1), du sud (1), des groupes de Béziers (1), Rouen (1), Roubaix (2), Maubeuge (1), Lille (2), Agen (2), Narbonne (1), Lens (2), Bordeaux (1), Nimes (1), Croix (2), Villeurbanne (2), Lyon (3), Romans (1), Oullins (1), Saint-Étienne (1), Creil (1), Marseille (1), Auchel (1), Méru (1), Paris XIII (2), Pris XVII & XVIII (5), Paris X & XIX (1), Paris XX (3), Bezons (3), Levallois (2), Ivry (2), Pré-Saint-Gervais (2), Drancy (1), Puteaux (1), Aubervilliers (1), Boulogne-Billancourt (2), Bruxelles (1), Espagne (1), Jeunesses anarchistes (2), groupe anarchiste chinois en France (1) et de nombreuses individualités dont Sébastien Faure, Peyroux, Beylie, Michaud et Zisly entre autres.

Au IVe congrès de l’UA, à Paris, les 12 et 13 août 1923, Haussard, qui représentait le XXe arr. de Paris, fut élu membre du conseil d’administration du Libertaire dont il fut décidé qu’il deviendrait quotidien et dont les secrétaires étaient S. Férandel (voir ce nom) et P. Lentente. Il était aussi membre du Comité d’initiative de l’UA.

À l’issue du congrès international anarchiste tenu à Paris les 9 et 10 octobre 1923 il accéda à la fonction de secrétaire international de l’Union anarchiste universelle et publia plusieurs circulaires (novembre 1922, début 1923) où il était question de publier un bulletin international de langue française dont nous ne savons s’il est paru, aucun numéro n’ayant été retrouvé. Ce congrès, auquel plusieurs délégués étrangers — dont Björklund (Suède), Manus (Norvège), Bertoni (Suisse) et d’autres — ne purent assister ayant été expulsés dès leur arrivée en France, avait réuni des représentants de l’Union anarchiste hollandaise (2 délégués), le Bureau international antimilitariste (1 délégué), l’Union anarchiste italienne (2 délégués), la Chine (1 délégué), la Suisse (2 camarades à titre individuel) et l’Union anarchiste (2 délégués et quelques individuels).

Haussard fonda avec Louis Anderson, Kleber Nadaud et J. Content et administra L’Idée anarchiste, présentée comme une « tribune où, librement, tous les points de vue, toutes les tendances de l’anarchisme pourraient s’exprimer » ; cette publication bi-mensuelle compta treize numéros, (le n° 1 parut le 13 mars 1924, le dernier, le 15 novembre 1924) imprimés sur 4 à 6 p. de format 28x38 cm., tiré à 7.500 exemplaires (dont 5.000 envoyés en province) et auxquels collaborèrent entre autres A. Barbé, L. Bertoni, Anatoli Gorelik, Gaston Leval, E. Malatesta, Marc Mratchny, Arthur Lehning, Max Nettlau, Rudolf Rocker, D. Abad de Santillan, A. Schapiro et S. Schwartzbard. Le groupe à l’initiative de ce nouveau périodique comprenait également les compagnons Barras, Bott, Digo, Dubreuilh, Guérin, Gutesman, J. Hérache, Jeanson, Maillard, Mollot, Nicol, Plaisance, Saintomer, Soubervielle, Stevens, Eugène Tranchet et Veber.

En janvier 1924, avec entre autres Lucien Guérineau, il soutint au nom de l’Union anarchiste la création du Groupement de défense des révolutionnaires emprisonnés en Russie dont le secrétaire était Jacques Reclus. Le 27 juillet 1924 il fut aux cotés de J. Boot (président du BIA), Schermerhorn, B. de Ligt, Emma Goldman, Constandse et P. Ramus, l’un des orateurs au meeting tenu à la Mison du peuple de La Haye pour le 27e anniversaire de la fondation du Bureau international antimiitariste (BIA).

L. Haussard, E. Goldman, P. Ramus (La Haye, janvier 1924)

En 1925, suite à un désaccord survenu avec les dirigeants de l’UA et du Libertaire, il cessait d’assister aux réunions et n’intervenait plus que dans les réunions du Comité de Défense Sociale. Il était également membre à cette époque du groupe de l’Œuvre des éditions internationales anarchistes.

En 1926, il s’occupait des dépositaires de la revue Plus loin que dirigeait M. Pierrot et dont le premier numéro avait paru le 15 mars 1925 ; il en devint le gérant à la place de Desplanques à compter du n° 73 de mai 1931, et fut à son tour remplacé à ce poste par Pierrot à partir du n° 166 d’avril 1939 ; le n° 169, dernier numéro de la revue, est daté juillet-septembre 1939. Haussard collabora également au Libertaire, organe hebdomadaire de l’Union anarchiste, notamment pour la période 1936-1939.

En 1930, il avait dû, pour raisons de santé, interrompre ses activités et était devenu marchand forain. Il était alors membre du Comité fondé en 1928 pour venir en aide à Nestor Makhno et fréquentait le groupe éditeur de La Revue anarchiste. Il demeurait 38 rue de Belleville à Paris 20e et figurait en 1935 sur la liste de vérifications de domiciles d’anarchistes.

Pendant la guerre d’Espagne il fut l’un des responsables du Comité l’Espagne Libre (26 rue de Crussol) et dont, de janvier à mai 1937, il fut l’envoyé, ainsi que de l’Union anarchiste et du Libertaire à Barcelone où il réalisa à l’époque de nombreux entretiens (dont Gaston Leval, Joaquin Ascaso, etc.) publiés dans Le Libertaire et participa aux émissions de radio de la CNT-FAI. Après les évènements de mai 1937 et les affrontements avec les staliniens, il avait été arrêté et n’avait du son salut qu’après avoir détruit tous les papiers prouvant son appartenance au mouvement libertaire et grâce à l’appui d’un militant communiste arrêté en même temps que lui. A sa sortie de prison, une somme de 18.000 francs, destinée au Libertaire, lui aurait été confisquée. Revenu aussitôt à Paris, il fut le 27 mai, l’un des orateurs avec Frémont, Émilienne Morin, Fidel Miro, Bernardo Pou et Cortes, du grand meeting de soutien à la révolution espagnole tenu à la salle de la Mutualité à Paris, organisé par l’Union anarchiste et auquel assistèrent environ 4000 personnes.

Puis il prit part au congrès de l’UA, à Paris, 30 octobre-1er novembre 1937, où il représentait le groupe interlocal de Thiérache ; ce congrès vit la naissance, par transformation du Comité pour l’Espagne libre que Lecoin, Faucier et Odéon, avait créé, en section française de la Solidarité internationale antifasciste (SIA) ; Haussard, qui demeurait 38 rue de Belleville, en fut un actif militant et déploya également une grande activité au sein du Comité d’aide et de défense de la révolution espagnole. Lors de la Retirada de janvier-février 1939, il fut, avec Chazoff, l’envoyé spécial de la Solidarité Internationale Antifasciste (SIA) à Port Vendre où il aida de nombreux réfugiés espagnols à échapper à l’internement dans les camps. Arrêté début février par la police mobile de Perpignan, après avoir fait passer en auto des réfugiés sans papiers et dont l’un possédait une arme, il fut inculpé de « trafic d’armes et munitions » et fut condamné le 15 mars 1939 à 4 mois de prison pour « aide à immigrants illégaux » et resta emprisonné deux mois.

A l’automne 1939, Haussard qui résidait à Grougis (Aisne) avec sa femme Jeanne (née Bertault, le 8 avril 1899 à Paris), avait été dénoncé comme l’auteur d’un sabotage des fils téléphoniques d’un État-major et fut assigné à résidence. Puis, accusé en mars 1940 « d’espionnage et de menées communistes », il fut arrêté à Mennevret (Aisne) et interné à Montignac (Dordogne), au château du Sablon ; il fut libéré en avril 1941, date à laquelle selon le témoignage de Louis Dorlet (2 décembre 1984) « il aurait établi une filière pour faire passer les « suspects » en Espagne ».

À partir de 1944, il reprit à Brive son métier de marchand forain et devint président de la Libre Pensée ; il présida également l’association des marchands forains de la Corrèze. Il fut conseiller municipal de Brive du 26 mars 1965 à juillet 1966. Lucien Haussard, qui à la fin de sa vie collaborait à l’hebdomadaire franco-espagnol de la CNT Espoir (Toulouse) est mort le 3 décembre 1969 à Brive-la-Gaillarde (Corrèze).


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