Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

VIARD, Pompée, Auguste, Vincent “l’Éponge” ; “Gagin” ; “Tavin”

Né le 9 juillet 1836 à Lachapelle-aux-Pots (Oise) — mort le 17 janvier 1892 — courtier de commerce et marchand de vernis et couleurs — AIT — Paris — Londres.
Article mis en ligne le 7 juillet 2013
dernière modification le 1er novembre 2024

par ps

Auguste Viard, marié en 1861, veuf en 1862, remarié en 1864, fit deux fois faillite à Paris : le 31 janvier 1862 et le 6 novembre 1866. Il habitait, 8, rue des Vertus, dans le IIIe arr. et avait été pendant l’Empire fabricant et marchand de vernis.

C’es en octobre 1870 qu’il serait venu au mouvement révolutionnaire et qu’il se serait affilié à l’Internationale. En tant que délégué des vingt arrondissements il fut un des signataires de l’Affiche rouge du 6 janvier 1871, proclamation au peuple de Paris pour dénoncer la « trahison » du gouvernement du 4 septembre et pour mettre en avant trois mots d’ordre : Réquisition générale, rationnement gratuit, attaque en masse. Elle se terminait par ces mots : « Place au peuple ! Place à la Commune ! ». Garde à la 7e compagnie du 88e bataillon, il appartint à la Commission exécutive provisoire du Comité central de la Garde nationale désignée le 3 mars, mais ne fit pas partie du Comité central élu le 15 mars. Arrêté le 18 mars, sur ordre du préfet de police, il fut libéré dans la journée. Il fut élu à la Commune le 16 avril par 6368 électeurs du XXe arr. (sur 9 204 votants, cf. P.V. Commune, t. I, p. 306 — 6 968 selon t. II, p. 541). Le 20 avril, il fut délégué aux subsistances et le même jour à la Commission exécutive. C’est lui qui, notamment lorsque les marchands de bœufs de la Villette avaient traîné les pieds « Les collait au clou, avec menace de les coller au mur s’ils n’exécutaient pas les marchés, d’autan, t plus qu’il les payait en beaux billets de mille » (cf. Le Père Peinard). Il se prononça pour la formation d’un Comité de salut public. Du 18 avril au 2 mai, Viard fut délégué par la Commission exécutive de la Commune à la Sûreté générale, non sans discussions et menaces de démission de Raoul Rigault (cf. P.V. Commune, séance du 18 avril).

Après la Semaine sanglante, il parvint à se réfugier d’abord en Suisse. Par contumace, le 3e conseil de guerre le condamna, le 27 décembre 1872, à la peine de mort. Viard qui était ensuite parti à Londres où, avec deux autres proscrits dont G. Ranvier, installa dans cette ville une maison de vente de tableaux, puis il revint à la fabrication et à la vente de couleurs et vernis. Il appartenait à la franc-maçonnerie et à la Société des réfugiés.

Avec le groupe blanquiste « la Commune révolutionnaire », il signa à Londres, en juin 1874, la brochure Aux Communeux, déclaration athée, communiste, révolutionnaire.

Viard fut accusé à plusieurs reprises d’avoir emporté plusieurs centaines de milliers de francs et des diamants qu’il se serait appropriés pendant la Commune, et il passait pour riche même à la fin de sa vie. Il semble bien, en réalité, qu’il vécut souvent dans la gêne et que cette accusation n’a pas plus de fondement que bien d’autres du même genre.

Viard revint en France après l’amnistie, mais son fils se fixa à Londres et plaça les couleurs et vernis que son père fabriquait à Saint-Ouen. Il adhéra alors au mouvement anarchiste et participa aux réunions tenus dans le bistrot du « père » Rousseau au 131 de la rue Saint-Martin et, en 1887, dans celles du groupe de la Goutte d’or, rue Myrha. où il faisait l’apologie de Duval. Le 1er octobre lors d’une réunion publique du groupe, il aurait déclaré, selon la police, que « Lui, avec ses collègues, avaient été trop bêtes en 1870, car ils auraient dû piller les coffres forts des bourgeois ».

En 1888 il était membre de la Chambre syndicale des hommes de peine dont l’animateur principal était Jean-Baptiste Louiche. Le 5 mai 1888 il avait été l’un des orateurs de la réunion organisée salle du commerce par la Ligue cosmopolite où il avait dénoncé le parlementarisme « une invention des bourgeois contre laquelle les orateurs révolutionnaires n’ont cessé de prévenir les prolétaires », avait dénoncé le général Boulanger comme « L’écume du pot au feu parlementaire qu’on nous sert depuis 18 ans », ajoutant « Les membres de la Ligue cosmopolite qui ont combattu toute leur vie pour la Révolution, vous demandent encore aujourd’hui si vous laisserez confisquer vos libertés et si vous aimerez mieux être dépossédés ou fusillés par un Boulanger quelconque plutôt que de descendre dans la rue et de faire des barricades. » A l’issue de la réunion qui avait réuni environ 250 personnes et où avaient également pris la parole Gouzien, Leboucher et Pausader, l’ordre du jour suivant avait été adopté à l’unanimité : « Les citoyens réunis salle du commerce protestent contre le maintien du parlementarisme, en même temps qu’ils flétrissent toute candidature boulangiste. Ils proclament comme la seule règle républicaine la devise révolutionnaire : Ni Dieu ! Ni maître ! ».

Il participa les 1er et 8 septembre 1889 au congrès anarchiste international tenu salle du Commerce à Paris. En 1890-1891, il fut l’un des visiteurs réguliers de Charles Malato et de Gégout lors de leur incarcération à Sainte-Pélagie.

En 1890 il était marchand de vernis à Saint-Ouen, rue des Rosiers, où il logeait et employait Gustave Mathieu (voir ce nom) et où, fin août la police veut arrêter ce dernier mais ne le trouva pas.

A l’été 1891, lors du procès de Léveilé, Descamps et Dardare poursuivis pour les incidents du 1er mai à Clichy, il avait fait l’apologie de ces compagnons et avait invité les anarchistes « à se débarrasser à la première occasion venue de tous ces faux socialistes qui s’intitulent boulangistes ou guesdistes, tout en étant au fond que des lâches et des traitres ». En septembre il visita les compagnons Decamps et Dardare à la prison de la Roquette où ils avaient été d’abord incarcérés. Il participait également aux réunions du Groupe parisien de propagande anarchiste et était membre, semble-t-il, de la Ligue contre le travail des prisons dont J. Alibert était le secrétaire.

Viard, « célèbre par sa verve oratoire et sa générosité », était propriétaire d’une petite fabrique de couleurs, 37 rue des Rosiers à Saint-Ouen, qui était un véritable phalanstère où les compagnons « pouvaient frapper à sa porte, l’huis était toujours ouvert et ils trouvaient la nourriture et logement » (cf. L’Estafette, 7 février 1892). Il employa plusieurs compagnons dont Gustave Mathieu et Charles Simon. C’est au domicile de Viard à Saint-Ouen que Simon dit Biscuit aurait résidé puis aurait rencontré Chaumartin et Ravachol.

Lorsque Viard mourut le 17 janvier 1892, il habitait, rue des Rosiers, à Saint-Ouen. A son enterrement au cimetière de Saint-Ouen participèrent plusieurs milliers de personnes dont les anciens communards Mortier, Martelet, Maljournal, Frankel, Constant Martin et Champy qui fut l’un de ceux qui prononcèrent un discours. Gustave Leboucher s’était également exprimé pour saluer ce « vaillant compagnon anarchiste, membre de la Commune » et dénoncer ceux qui s’intitulant « révolutionnaires, envoient des anciens membres de la Commune au Palais Bourbon et pactisent avec la bourgeoisie : ils se nomment des chefs, ils ont besoin de gouvernants ; ce n’est pas là le chemin que leur a montré Viard ; révolutionnaire en 1871, il est mort anarchiste, il a marché dans la voie du progrès, mais malheureusement mal secondé par se anciens camarades de la Commune, il est mort mais ses idées restent. Il est à souhaiter que ceux qui sont ici présents, les étudient et apprennent à les connaître, ces vrais prncipes de la liberté tels que nous les défendons. A bas la bourgeoisie ! Vive l’anarchie ! ».

Après la mort de son mari, Madame Viard, ayant constaté la disparition d’un certain nombre de marchandises, déposa en février une plainte pour vol qui aboutit à l’arrestation de G. Mathieu (voir ce nom) et C. Simon (voir ce nom).


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