Le père d’Achille Légeret était receveur buraliste et sa mère sage-femme. Celle-ci louait également des chambres meublées et gardait des enfants, en particulier ceux des militants anarchistes de Bourges.
Légeret avait fréquenté l’école nationale professionnelle de Vierzon et possédait une « excellente instruction primaire supérieure ». Dès 1901, nous trouvons un Légeret — le même ? — parmi les militants de la Libre pensée qui refusaient que l’organisation anticléricale prenne position dans les conflits entre socialistes du Cher. Un rapport de police du 6 mai 1904, le signalait comme « L’antimilitariste le plus violent et le plus dangereux de notre ville ». Son logement de la rue Bouillet à Bourges, était la plaque tournante des activités libertaires dans la ville. Il y accueillit, entre autres, Almereyda de passage dans le Cher les 17 et 18 août 1905.
En juillet de la même année, Légeret avait créé un journal anarchiste bimensuel : Les Semailles (Bourges, 3 numéros, 20 juillet — 1er octobre 1905) dont le gérant était Jean Pages et dont la parution cessa en octobre. Il militait activement à l’Association internationale antimilitariste (AIA) fondée entre autres par Ernest Girault. Il organisait des réunions publiques avec ce dernier, apposait des affiches, distribuait des tracts. Il collabora également à la même époque à L’anarchie.
Légeret travaillait dans la métallurgie (vraisemblablement aux usines de Mazières) et participait activement à la vie syndicale. À partir de 1906, il semble avoir privilégié l’action syndicale, peut-être en raison de l’échec des Semailles. La même année, les militants de la Bourse du Travail de Bourges l’élirent secrétaire, une militante libertaire, Eugénie Giraud, étant portée à la vice-présidence. Il entretenait d’assez bons rapports avec les militants socialistes (vaillantistes) de la Bourse du Travail, surtout avec le secrétaire général. Pierre Hervier, mais il n’abandonnait rien de ses idées. Ainsi le 7 juillet 1907, il porta une virulente contradiction à Jean Jaurès : « Avec le régime que propose Jaurès, il y aura aussi des gouvernants et des gouvernés. Et vous verrez encore, camarades, les gouvernants faire appel à la gendarmerie pour mater les gouvernés.… » « Camarades, quittez les caboulots pour fréquenter les bibliothèques et vous apprendrez à faire vos affaires vous-mêmes. Plus de maîtres, quels qu’ils soient. Vive l’anarchie ! » (Arch. Nat. F7/12498).
L’activité militante de Légeret fut interrompue par son incorporation au 4e régiment d’artillerie d’Héricourt (Haute-Saône) en octobre 1907. La préfecture l’inscrivit au Carnet B. L’ouvrier métallurgiste fut libéré des obligations militaires fin 1909 et ne fit pas parler de lui pendant les deux années suivantes. Nous savons seulement que la loge maçonnique Travail et Fraternité de Bourges refusa à l’unanimité de l’admettre dans ses rangs, le 8 octobre 1911. Elle donna pour motif sa « notoriété plutôt fâcheuse ». Faisait-elle allusion à sa vie privée, très agitée — à l’automne 1911, lors d’une violente dispute avec le compagnon Marius Truchard qui le soupçonnait de courtiser sa compagne, il avait saisi un révolver et avait tenté de se suicider, mais s’était raté — comme d’ailleurs celle de beaucoup de militants libertaires de Bourges ? Ou seulement à ses idées anarchistes qui effrayaient la majorité radicalisante de la loge ? Légeret fera une nouvelle demande neuf ans plus tard, le 24 juillet 1920, mais semble-t-il sans résultat.
En 1912, il prit la parole dans de nombreuses réunions publiques contre la guerre à Bourges, à La Guerche. Il intervenait au nom de la Fédération communiste révolutionnaire, du syndicat des métallurgistes de Mazières ou des Jeunesses syndicalistes révolutionnaires. Légeret fut l’objet d’une perquisition en juin 1913. Il était inscrit au Carnet B.
En 1913 et 1914, il était secrétaire adjoint de la Bourse du Travail et à ce titre eut des responsabilités dans la campagne contre la loi des trois ans. La police perquisitionna à son domicile le 26 mai 1913, mais ne saisit que des ouvrages signés Péricat, Paul Lafargue, Ernest Girault, A. Bouchet, Charles-Albert. Pierre Hervier, secrétaire général de la Bourse du Travail, ayant été emprisonné en juillet et août 1913 pour participation au « Sou du soldat », Légeret assura la permanence de la Bourse du Travail. Pour montrer sa solidarité avec Pierre Hervier, il accepta de voter le 3 août 1913, pour sa candidature d’amnistie au conseil d’arrondissement.
Celui qui criait « Vive les deux ans ! » au passage des défilés militaires, resta fidèle à son pacifisme. Le 31 juillet 1914, prenant la parole aux côtés des socialistes dans un meeting contre la guerre, il s’écria : « Y’a-t-il un patriote dans la salle qui puisse venir à cette tribune soutenir l’idée d’une guerre ? », personne ne vint, mais quelques jours après, les autres orateurs se rallièrent à la nécessité de la défense nationale.
Quant à Légeret, il déclara en janvier 1918 « qu’avant la guerre, il était internationaliste, qu’il le serait encore après, et que pendant, il l’était également » (Arch. Nat. F7/13358). Il avait rejoint son régiment (le 1er RI) en mars 1915, avant d’être détaché aux Établissements militaires de Bourges en 1917. Le militant pacifiste trouva un terrain favorable à la diffusion de ses idées. Son influence devint prépondérante au sein du syndicat (dit syndicat Lucain) : ainsi le 28 avril 1918, il fit voter à l’unanimité la grève pour le 1er Mai. Il fut l’un des organisateurs de cette journée mémorable pendant laquelle près de vingt mille personnes manifestèrent aux cris de « À bas la guerre ! Vive la Paix ! » et au chant de L’Internationale. Le soir, il s’adressa à la foule, de la terrasse de la Bourse du Travail, donna l’ordre de dispersion et invita les grévistes à pique-niquer le lendemain à Saint-Germain-du-Puy. Six cents ouvriers et ouvrières s’y rendirent pour manger, chanter, danser et écouter Légeret réciter un monologue de sa composition « Ce que c’est qu’un soldat ». La grève continua pendant plusieurs semaines, Légeret croyait en une issue victorieuse et déclarait le 19 mai que « Le mouvement prenait de plus en plus d’ampleur et que d’ici quelques jours, il allait gagner la France entière ». Aussitôt après, il partit au congrès minoritaire de Saint-Étienne (19-20 mai 1918) mais la grève s’épuisait. Malgré ses efforts, la reprise du travail fut votée le 22 mai. Par mesure disciplinaire, les autorités militaires le mutèrent au 85e régiment d’infanterie de Cosne puis l’envoyèrent au front.
Revenu à la vie civile en 1919, Légeret reprit un rôle actif dans l’Union départementale CGT. Le 28 novembre 1919, il présida un meeting contre l’intervention en Russie. Lors d’une réunion publique du 21 mars 1920 « Légeret qui, comme toujours, se montra le plus violent, soutint les théories bolchévistes » affirmait un rapport de police. En fait, il était resté fidèle à ses idées anarchistes malgré sa collaboration avec l’aile gauche du Parti socialiste. Au congrès départemental de juillet 1920, Légeret signa avec Venise Gosnat l’ordre du jour minoritaire. Son nom disparut ensuite de la presse et des archives.