Dictionnaire international des militants anarchistes
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BASTIEN, Georges, Gaston “Mordine”
Né le 21 décembre 1885 à Abbeville (Somme) - mort en juin 1940 - Ouvrier du textile ; employé aux assurances sociales - AIA - UA - CGT - Amiens (Somme)
Article mis en ligne le 24 janvier 2007
dernière modification le 22 mars 2024

par R.D.

Militant anarchiste actif, Geoges Bastien fut l’un des principaux rédacteurs du journal anarchiste amiénois Germinal fondé en novembre 1904. De 1905 à 1907, il fut secrétaire de la section d’Amiens de l’AIA (Association internationale antimilitariste) et collaborait à son bulletin L’AIA (Paris, n°1, octobre à n°3, décembre 1906) publié sous la responsabilité de Miguel Almereyda et Eugène Merle. Il milita également à la « Jeunesse libre d’Amiens », groupe libertaire dont il fut un des animateurs les plus en vue avec J. Lemaire.

En 1905, il fut condamné à neuf mois de prison pour son article : L’antimilitarisme et l’antipatriotisme, paru dans Germinal du 31 mai. Auteur de la brochure antimilitariste “Aux conscrits” (Ed. de l’AIA), il fut poursuivi avec Jules Lemaire et condamné le 21 février 1906 à quinze mois de prison et dut interrompre sa collaboration au journal. Lemaire avait été condamné à 18 mois et 100 francs d’amende.

En octobre 1907, il partit comme conscrit après avoir rédigé sa profession de foi : “À mes camarades conscrits” (cf. Germinal, 18 octobre 1907). Quarante jours après avoir rejoint son corps, il déserta du 14e Régiment de Ligne et passa en Belgique (novembre 1907). Il envoya des articles à Germinal, justifiant sa conduite (cf. 12 décembre 1907 et 2 janvier 1908). Il fut condamné par contumace, le 23 janvier 1908, à trois ans de prison et 500 F d’amende, pour son article À mes camarades conscrits. En mai 1908, il fut expulsé de Belgique et se réfugia en Angleterre d’où il continua à collaborer au journal qui ne cessa sa parution qu’en novembre 1913.

Après la guerre, G. Bastien put revenir en France le 29 août 1919 et devint secrétaire du syndicat du Textile d’Amiens. Il était alors membre du groupe Association des amis de Germinal qui allait être à l’origine de la Fédération Communiste libertaire du Nord créée le 19 septembre 1920 à Amiens en présence d’une vingtaine de délégués (Amiens, Corbie, Montdidier, Vimeu, Beauvais, Creil) - les résolutions adoptées au congrès ont été publiées dans Le Libertaire du 3 octobre - et devenait le gérant d’ une nouvelle série de Germinal (Amiens, 723 numéros du 29 août 1919 au 1er juillet 1933). Le journal qui comptait 980 abonnés en décembre 1921 était tiré en décembre 1924 à 4.500 exemplaires e comptait plusieurs éditions régionales.

Il était redevenu l’âme des anarchistes d’Amiens : en 1920, alors qu’il était à nouveau directeur de Germinal, depuis août 1919, Bastien entreprit de réorganiser les groupes anarchistes de la capitale picarde en fondant la Fédération communiste libertaire d’Amiens. Cet intitulé traduisait en fait les rapports de bon voisinage politique que Bastien entretenait avec le Parti communiste alors balbutiant dans la Somme. En effet, comme la plupart des anarchistes amiénois, il avait vigoureusement soutenu la Révolution russe : “Vivent les Soviets. Vive la Russie” écrivait-il dans Germinal le 14 août 1920 et, en tant que secrétaire du comité d’action contre la guerre d’Amiens, il avait organisé plusieurs meetings de solidarité avec les mutins de la Mer Noire. Ce fut donc logiquement que, grâce au front commun constitué par les anarchistes et les communistes, Georges Bastien fut élu secrétaire adjoint de l’Union départementale CGT de la Somme lors du congrès du 10 avril 1921.
Les 14 et 15 novembre 1920, il fut le délégué d’Amiens au congrès national anarchiste tenu à Paris. Il y avait notamment expliqué le fonctionnement de la Fédération du Nord “alimentée par un système de cotisation facile à contrôler par la carte que possède chaque adhérent” (cf. Le Libertaire, 28 novembre 1920). Au 2e congrès de l’UA tenu à Villeurbanne les 26-7 novembre 1921 (voir Raitzon), il avait défendu les mêmes positions. Se basant sur l’expérience de Germinal (tiré à 5000 exemplaires) il avait également insisté sur le rôle utile d’une presse provinciale “le journal régional [étant] la goutte de vérité qui tome chaque semaine sur le lecteur et finit par l’influencer”. Donnant ses impressions sur le congrès il écrivit : “Depuis vingt ans j’ai vu un mouvement anarchiste désordonné, tiraillé par des personnalités, par des propagandes, sur des sujets tout à fait extérieurs à la lutte contre l’autorité et l’exploitation. L’anarchisme n’était qu’une idée défendue par des éléments disparates. J’ai rapporté de Lyon l’impression que cette idée allait devenir action. Il m’a semblé que le mouvement anarchiste venait de naître, pour de bon cette fois” (cf. Le Libertaire, 9 décembre 1921).

L’évolution de Bastien vers les rangs du PC fut alors brutalement interrompue par l’annonce des événements de Cronstadt. Contrairement à la majorité de ses camarades libertaires d’Amiens, il refusa de s’intégrer aux organisations communistes, préférant conserver son autonomie tout en acceptant des actions communes. Cette attitude apparut clairement sur le plan syndical : ainsi, après avoir mené les mouvements de chômeurs à Amiens au cours de l’année 1921, il refusa le choix de la scission syndicale (CGT ou CGTU) en entraînant son syndicat dans l’autonomie. Conscient de l’affaiblissement des forces syndicales provoqué par l’affrontement de deux centrales concurrentes, il tenta de recimenter l’unité au niveau départemental lors du congrès de l’UD confédérée tenu à la Bourse du Travail d’Amiens le 15 août 1923. Bastien parvint à susciter une réunion à laquelle assistaient, sous sa présidence, Mullier, secrétaire de l’UD unitaire et Sellier, secrétaire de l’UD confédérée. À l’issue de cette réunion, fut votée à l’unanimité une motion demandant la reconstitution de l’unité syndicale au niveau des Unions locales et départementales. Cette déclaration, signée par Bastien pour les autonomes, par Buignet, Morel et Sellier pour les confédérés et par Aubry, Beaurain et Dupuis pour les unitaires ne fut suivie d’aucun résultat concret. Germinal que Bastien dirigeait, comptait à cette époque (1923) 280 abonnés dans la Somme et 540 dans l’Oise.

Le 11 novembre 1922, il avait été arrêté avec 33 autres manifestants - dont François Rose, Raymond Barbet, Loius Radix - lorsque à la cérémonie officiel tenue sur le parvis de l’Hôtel de ville, les manifestants, disséminés dans la foule, avaient bruyamment crié "Amnistie ! Amnistie !". Après contrôle d’identité tous furent relâchés.

Les 2-4 décembre 1922, il avait été avec notamment Narbet, l’un des délégués de la Somme au 3e congrès de l’Union anarchiste tenu à la Maison du peuple de Levallois (voir Haussard) où il proposa notamment l’adoption d’une cotisation minimum fixe et de cartes d’adhérents, proposition à laquelle adhérèrent plusieurs délégués - dont Wastiaux - mais à laquelle s’opposèrent plusieurs autres délégués dont Fister, Le Meillour, Reynaud Colomer, Mualdes…

Lors du congrès extraordinaire de l’UA tenu les 12-13 août à la Maison des syndicats et présidé par S. Faure, il fut l’un ds rapporteurs sur la nécessité de publier Le Libertaire quotidiennement et dont en août 1924 il fut nommé secrétaire de rédaction.

En 1925 il était membre de la Commission administrative de l’Union Anarchiste (UA). En juin, il démissionnait de son pposte de rédacteur au Libertaire - où ill fut remplacé par Chzoff - pour se consacrer uniquement au journal Germinal et regagner Amiens.

Les 12-14 juillet 1926, il fut le délégué du groupe d’Amiens au congrès de l’UA tenu à Orléans, où l’organisation prit le nom d’Union anarchiste communiste (UAC).

Les 15-16 novembre 1926, il avait été le délégué des syndicats autonomes de la Somme (à l’exception du syndicat des coiffeurs) au congrès de Villeurbanne où il s’était prononcé contre la création de la CGTSR et avait opté pour rester dans l’autonomie.

En décembre 1926 il fondait le premier comité de chômeurs d’Amiens et faisait appel à l’unité des trois organisations ouvrières (Autonomes, CGT et CGTU). En février 1927 un nouveau comité était formé avec Bastien comme représentant des autonomes, Sellier pour la CGT et Leclercq comme trésorier.

Après deux candidatures — abstentionnistes — aux élections législatives de 1924 et de 1928, Georges Bastien fut amené à se rapprocher des syndicats confédérés, cette évolution s’expliquant vraisemblablement par les attaques multiples provenant des communistes après l’élimination des éléments anarchistes au sein des organisations contrôlées par le PC. Après avoir affilié son syndicat à la CGT, il présida le congrès de l’UD de la Somme le 24 juin 1928 et assista comme délégué d’Amiens au XXe congrès de la Fédération du Textile du 16 au 18 septembre de la même année. Devenu membre de la commission administrative de l’UD, Bastien fut délégué au Comité confédéral des 20 et 21 février 1934 où il fit une déclaration remarquée dans le contexte de la tentative des Ligues le 6 février, invitant les UD à imiter celle de la Somme en constituant des milices syndicales pour répondre aux attaques des groupes fascistes. Porté au secrétariat de l’UD au congrès de 1934, il s’opposa au front unique préconisé par la CGTU.

Sur le plan national, G. Bastien joua également un rôle important et participa, de 1920 à 1930, à presque tous les congrès anarchistes.
Convaincu de la nécessité pour les anarchistes de s’organiser, il écrivait, un an environ après le congrès constitutif de l’Union anarchiste des 14-15 novembre 1920 : “Nous n’obtiendrons notre maximum de rendement au point de vue propagande et action que par l’organisation” (Le Libertaire, 16 septembre 1921). Quelques années plus tard, partisan de la Plateforme organisationnelle des anarchistes russes (dite Plateforme d’Archinov) il qualifiait ainsi, dans un article intitulé “Il faut parler net” (Le Libertaire du 2 octobre 1925), ceux des anarchistes adversaires de toute forme d’organisation : “Ils ont tous peur de voir mutiler leur moi dans une organisation. C’est pourquoi ils la rejettent d’une façon catégorique ou détournée en chicanant sur chaque minuscule détail. Tout leur être répugne à l’association régulière.”

Sur le plan syndical national, Bastien fut de ceux qui s’opposèrent à la création d’une troisième CGT que préconisait l’anarcho-syndicaliste P. Besnard : lors de sa constitution à Lyon, les 15 et 16 novembre 1926, où il était le délégué des syndicats d’Amiens et de l’union locale autonome, il se prononça, ainsi que Guigui et Le Pen notamment, contre la nouvelle centrale ouvrière qui prit le nom de CGTSR (syndicaliste révolutionnaire). A ce congrès de fondation étaient représentés 88 syndicats dont 30 du bâtiment.

Le 16 octobre 1927, il représenta le journal Germinal au 7e congrès de la FCL du Nord et du Pas-de-Calais qui se tint à Croix et où étaient représentés les groupes de Lille, Tourcoing, Roubaix, Wasquehal, Croix, Wattrelos, Marcq-en-Barœul et Dunkerque pour le Nord et les groupes de Lens, Béthune, Sallaumines, Calonne Liévin et Hénin Liétard pour le Pas-de-Calais.

Outre Germinal, Bastien collabora au Libertaire en 1920, 1922 ; au congrès de l’UA à Paris les 12-13 août 1923 il avait été nommé au conseil de rédaction du Libertaire ; à partir du 19 août 1924 il remplaça Colomer au secrétariat de la rédaction du journal devenu quotidien ; Chazoff lui succéda dans ces fonctions à compter du n° du 4 juillet 1925.

Les 12-15 août 1928, il avait présidé le congrès d’unité anarchiste communiste tenu par l’UACR à Amiens où, partisan de l’organisation, il avait notamment déclaré en ouverture : “Depuis neuf ans le mouvement anarchiste se débat entre les partisans de l’organisation et de ses adversaires. J’ai visité diverses contrées de la France et j’ai pu constater que beaucoup de ceux qui se disent anarchistes sont victimes d’un individualisme outrancier et étroit qui empêche toute organisation… Il faut que le mouvement anarchiste s’oriente vers les réalisations, sorte de l’individualisme exacerbé, pour devenir un un mouvement positif et réaliste, atyant une base populaire” (cf. Le Libertaire 31 août 1928).

Les 19-21 avril 1930 il avait été le délégué d’Amiens au congrès UACR tenu à Paris.

Comme orateur, Sébastien Faure avait souligné ses qualités en disant de lui qu’il était “en état d’exposer fort bien nos idées” (Le Libertaire, 19 juin 1931). Le 16 janvier 1933 il participait comme orateur au grand meeting organisé salle Wagram par le Comité pour l’amnistie des militants politiques, mais aussi des militants néo malthusiens et de tous ceux qui avaient été condamnés pour des avortements provoqués. Le comité avait publié à cette occasion le journal L’Amnistie (Paris, 14 janvier 1933) tiré à 120.000 exemplaires.

Après la réunification syndicale de 1935, Georges Bastien ne conserva aucune fonction syndicale, Lenglet lui succédant au secrétariat de l’UD et il se consacra essentiellement au journalisme : toujours rédacteur de Germinal où il écrivait sous le pseudonyme de Mordine, il accrut sa participation à la revue Plus loin où il intervenait depuis 1925, et ce jusqu’à la disparition en 1939 de cette publication animée par le docteur Pierrot.

Employé aux Assurances sociales, il fut nommé directeur de la Caisse départementale de Sécurité sociale « Le Travail » à Amiens. Bastien, qui demeurait 12 Place Fauvel et était inscrit au Carnet B, figuraot sur la liste des anarchistes de la Somme établie le 29 avril 1935.

Georges Bastien est mort en juin 1940.

OEUVRE : Collaboration à divers journaux et revues anarchistes dont, l’AIA (Paris, 1906), La Brochure Mensuelle (Paris, n°74), Germinal, Le Libertaire (1931-1933), L’Émancipaateur (Flémalle-Grande, Belgique, 1928-1936), La Revue anarchiste (Paris, 35 numéros de janvier 1922 à août 1925), La Revue Internationale Anarchiste (Paris, 8 numéros en français-italien-espagnol de novembre 1924 à juin 1925), Plus loin (Paris, 169 numéros de mars 1925 à juillet 1939), La Voix libertaire (1932) et participation à l’Encyclopédie anarchiste (1925-1934) de Sébastien Faure.
Publication de plusieurs brochures : La Société libertaire, Ed. De Germinal, Amiens, 1926, 32 p. — Anarchisme et coopération, Paris, 1929, 36 p. — Pour la rénovation du syndicalisme.


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