Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

RECLUS Paul, André “GUYOU, Georges”

Né à Neuilly-sur-Seine (Seine), le 25 mai 1858 — mort le 19 janvier 1941 — ingénieur et professeur — Paris — Besseges (Gard) — Londres & Edinbourg (Grande-Bretagne) — Bruxelles (Belgique) — Domme (Dordogne)
Article mis en ligne le 5 février 2013
dernière modification le 18 octobre 2024

par ps
Paul Reclus (photo de Nadar)

Paul Reclus était le fils d’Élie Reclus. En 1871, après la Commune, il suivit ses parents à Zurich et fit dans cette ville ses études secondaires ; en 1877, il revint à Paris et, l’année suivante, entra premier à l’École centrale, d’où il sortit ingénieur trois ans plus tard. Il fit une année de service militaire, puis occupa, de 1882 à 1894, plusieurs postes d’ingénieur. Après son mariage contracté en 1885, et dont il eut quatre enfants (deux filles mortes en bas âge et deux fils), il entra aux soudières de Varangéville (Meurthe-et-Moselle) où il fit embaucher plusieurs compagnons — dont Antoine Perrare, Pauwels, Louis Albert Prudhomme, C. David — et qu’il dut quitter après avoir soutenu un ouvrier qui faisait de la propagande socialiste. A cette époque (1892), il participait, avec notamment Prud’homme, David et Lapigne aux réunions anarchistes tenues à Nancy au domicile de Paul serrure. Il fut ensuite ingénieur à Bessèges (Gard) et se livra à la propagande anarchiste et syndicaliste. Il était jugé d’après une note de police « d’autant plus à craindre qu’il est plus intelligent ».

Au printemps 1890 c’est Paul Reclus qui aurait loué rue des trois Bornes le local où avait été installée une mprimerie clandestine dont Cabit était le responsable. Il avait été à l’été 1890 l’un des signataires, aux cotés de Cabot, Coudry, Bernhart, Courtois, Dufour, Millet, Siguret et Tortelier d’un appel en vue de la création d’un quotidien anarchiste (cf. Le Révolté, 6 septembre 1890).

Paul Reclus fut, aux côtés notamment de Sébastien Faure et d’Élisée Reclus, partisan de la reprise individuelle. Dans un article « Le Travail et le Vol », publié dans La Révolte, n° 9, 21-27 novembre 1891, il justifiait ainsi sa position :

« … Dans notre société actuelle, le vol et le travail ne sont pas d’essence différente. Je m’élève contre cette prétention qu’il y a un honnête moyen de gagner sa vie, le travail ; et un malhonnête, le vol ou l’estampage.

« … Comme producteur, nous cherchons à obtenir le plus possible de notre travail ; comme consommateur, nous payons le moins cher possible, et de l’ensemble de ces transactions, il résulte que tous les jours de notre vie, nous sommes volés et que nous volons.

« … L’activité de la vie que nous rêvons est également éloignée de ce qu’on nomme aujourd’hui le travail et de ce qu’on nomme le vol : on prendra sans demander et cela ne sera pas le vol, on emploiera ses facultés et son activité et cela ne sera pas le travail. »

C’est à son domicile parisien, 21 rue Meynadier où il résidait avec sa femme Madeleine Wapler, que le 21 juillet 1891 avait été arrêté Désiré Pauwels revenu le mois précédent de Londres.

En novembre 1892, il s’installait à Nancy comme ingénieur de la nouvelle usine de soude de Varengeville et en profitait pour faire embaucher plusieurs compagnons qui allaient y developper la propagande et ce qui lui valut d’être licencié en janvier 1893.

En 1894, après l’attentat de Vaillant qui lui adressa son « journal de mon explosion », Paul Reclus fut inculpé dans le procès des Trente (voir Sébastien Faure). Il était alors réfugié en Angleterre (depuis décembre 1893 ?) où il devait rester neuf ans. Avant de quitter la France, il avait emprunté les papiers de son ami Georges Guyon et pendant plusieurs années ne fut connu que sous le nom de Georges Guyou (N changé en U) qui resta son pseudonyme. À Londres Paul Reclus fréquenta notamment Kropotkine, Malatesta, Tcherkesoff. Son nom figurait en 1894 sur une liste d’anarchistes établie par la police des chemins de fer en vue de la « surveillance aux frontières ». Il y était décrit « 1m67, cheveux et barbe noirs, nez grand, teint pâle, figure maigre, yeux bruns, aspect énergique, souvent coiffé d’un chapeau noir ».

En 1896, il se fixa en Écosse avec les siens ; il y collabora avec un ami de sa famille, Patrick Geddes, qui avait fondé à Édimbourg l’« Out-look Tower », sorte de musée régional de géographie humaine. En 1898-1899, Paul Reclus entra comme professeur à la High School de Peebles, petite ville située à cinquante kilomètres d’Édimbourg.

Avec son oncle Élisée, il fut l’auteur du rapport “L’anarchie et l’église” (cf. Supplément littéraire des Temps nouveaux, n°24) présenté à l’occasion du Congrès international antiparlementaire (voir Delesalle) qui devait se tenir à Paris en septembre 1900 et qui fut interdit par les autorités.

En 1903, Élisée Reclus, établi en Belgique, demanda à son neveu de venir l’aider pour l’édition de son ouvrage L’Homme et la Terre. Paul et sa famille vinrent s’installer à Ixelles, faubourg de Bruxelles. Élisée mourut en juillet 1905 ; Paul mit alors la dernière main à l’œuvre de son oncle, se consacra à son édition et lui succéda à la direction de l’Institut géographique de l’Université libre. En 1908, il entra comme professeur au lycée français de Bruxelles. Il fit partie comme son oncle de la Loge maçonnique Les élus d’Hiram.

Début 1909, lors des débats sur la désertion dans les colonnes des Temps nouveaux, il ne s’y montrait pas favorable et écrivait : “…A mon avis, les conseils de désertion rendent plutôt mauvais service à l’individu et à l’humanité nouvelle…à moins qu’on ait à faire à un héros » (cf. Les Temps nouveaux, 23 janvier 1909)

Paul Reclus

Autorisé à revenir en France par Clemenceau avec lequel il avait un ami commun, Nadar, P. Reclus fit de fréquents séjours à Paris. En 1913, il dut quitter le lycée de Bruxelles, après avoir, au cours d’un voyage scolaire à Londres, emmené plusieurs de ses élèves chez Kropotkine. A l’été 1913 c’est lui qui avait hébergé à Bruxelles le théoricien anarchiste japonais Sanshiro Ishikawa lors du passage de ce dernier en Belgique. En 1916 il hébergera à nouveau Ishikawa cette fois en France dans sa maison de Dordogne et ce cernier l’accompagnera en novembre 1919 lors d’un voyage au Maroc.

P. Reclus rentra en France en 1914 ; il fut l’un des signataires du « Manifeste des Seize », qui condamnait l’agression allemande. Il fut employé, durant la guerre, à la poudrerie de Sevran (Seine).

Il se fixa en 1919 à Domme en Dordogne où sa femme mourut en 1927, et où il installa un musée régional. Après la mort de sa femme, il partagea son temps entre des travaux de bibliographie scientifique et des occupations pédagogiques au collège des Écossais fondé par son ami Patrick Geddes à Montpellier.

Mais Paul Reclus n’abandonna pas la propagande anarchiste. En janvier 1924 il fut l’un des membres du Groupe de défense des révolutionnaires emprisonnés en Russie dont Jacques Reclus avait été à l’initiative. En mai 1924 le groupe de défense l’avait désigné avec Broutchoux, Guiraud, Hubert, Jouve, Savoie et Yvetot comme membre d’une commission d’enquête pour se rendre en Russie pour y enquêter dans les prisons et les camps.

De 1926 à 1939, il collabora régulièrement à la revue Plus loin du Docteur Pierrot. Certains de ses articles nous permettent de connaître ses idées. Dans le n° 25, d’avril 1927, sous le titre « Congrès international contre l’impérialisme et la colonisation », février 1927, il écrivait :

« Citons seulement, en conclusion, cette phrase de Barbusse, qui exprime bien notre opinion personnelle : " Il n’en reste pas moins que l’indépendance nationale est la première étape de l’indépendance humaine » et Paul Mualdès commentait ainsi dans Le Libertaire du 20 mai 1927 : « Il y a des anarchistes qui restent fidèles à leurs idées… de 1914. "

Toujours dans Plus loin, à une enquête de Mas Lejos, groupe anarchiste de Barcelone, sur l’abstentionnisme électoral, Paul Reclus, comme le Dr Pierrot, répondit que ce n’était pas un principe intangible (cf. n° 132, avril 1936).

En 1937, Paul Reclus fit partie du comité de patronage de la section française de la Solidarité internationale antifasciste, SIA (cf. Le Libertaire, 18 novembre 1937).

Dans un article de Plus loin, n° 156, avril 1938, intitulé « Synthèse d’un inconnu », Paul Reclus définissait son communisme libertaire « réunissant ainsi le communisme des choses avec la liberté individuelle des hommes. Nous comprenons par là une organisation efficiente dès la cellule initiale, une mise en commun du matériel, une coopération dans le travail, une répartition des produits selon les besoins et les disponibilités, un développement de la personnalité. En somme, un déplacement de la lutte pour la vie vers une sphère plus élevée. Au lieu de menacer les sources mêmes de l’existence, la lutte s’engagera dans l’artisanat, l’art, la littérature, la science et la pensée. »

Paul Reclus est mort à Montpellier le 19 janvier 1941.

Oeuvre : P. Reclus, Les Frères Élie et Élisée Reclus ou du protestantisme à l’anarchisme, Paris, 1964. — Plus loin, n° 156, avril 1938, « Synthèse d’un inconnu », par P. Reclus. — Collaboration à l’Encyclopédie anarchiste.


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