Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

CAHN, Berthold

Né à Langenlonsheim (Rhénanie Palatinat) le 28 mai 1871 – assassiné en déportation le 28 mai 1942 – Ouvrier emballeur ; domestique – FKAD - FAUD - Berlin
Article mis en ligne le 20 décembre 2024
dernière modification le 23 janvier 2025

par Nick Heath, R.D.
Berthold Cahn & Fritz Scherer (1932)

Berthold Cahn, né dans une famille juive travaillait comme ouvrier emballeur dans un magasin et comme domestique.

Il fut dénoncé pour la première fois dans un rapport de police en 1903 et rejoignit un an plus tard le mouvement anarchiste. Il devint membre de l’Anarchistische Föderation Deutschlands (AFD) fondée en 1904. Il adopta dès le début une approche anarchiste communiste de lutte des classes et, lors d’une conférence à Halle le 16 mai 1910, dénonça la politique du groupement autour de Gustav Landauer et du journal Der Sozialist, qui rejetait la lutte des classes. Il critiquait vivement l’idée de Landauer de créer des colonies rurales et son encouragement aux travailleurs urbains à déserter les villes, affirmant que de telles colonies pourraient en fait renforcer économiquement le capitalisme.

Cahn a collaboré au journal Der Freie Arbeiter de la FDA et en a été le rédacteur en chef pendant un certain temps. Il a purgé sa première peine de prison pour avoir écrit un article dans le numéro 17 du Freie Arbeiter que les autorités ont interprété comme « un appel à la désobéissance à la loi et une incitation à la haine de classe ». Ce numéro du journal avait été confisqué et Cahn, se présentant comme le rédacteur en chef responsable, s’eétait défendu devant le tribunal. Il a purgé une peine de deux mois de prison pour cela à Tegel à partir d’août 1912. La prison était dure et Cahn en était sorti en mauvaise santé.
Il avait purgé une autre peine de prison de trois mois pour un article dans le journal plus tard dans l’année, et de nouveau en décembre 1912, il avait été condamné à trois mois de prison pour un discours qu’il avait prononcé, dans les deux cas pour i"ncitation à la haine de class"e. Il avait finalement été libéré le 26 septembre 1913.

Pendant la Première Guerre mondiale, il était sous surveillance policière, ne recevant du courrier qu’après une première censure et une autorisation. Le 2 mars 1915, il fut arrêté sans inculpation et placé en « détention préventive » pendant 21 mois, jusqu’au 2 novembre 1916. Il purgea sa peine à la prison de Moabit à Berlin. C’est là qu’il rencontra le socialiste américain Edward Holton James, lui-même emprisonné comme étranger indésirable. James devait écrire sur Cahn dans les pages de The Word, le journal de Guy Aldred après la Seconde Guerre mondiale, où il se souvenait des moments passés à Moabit et rapportait la mort de Cahn par le biais d’informations reçues de Rudolf Rocker.

Le jour de sa libération, il parla des conditions de détention épouvantables lors d’une réunion secrète convoquée par son camarade anarchiste Rudolf Oestreich, des punaises de lit, de la gale et des conditions glaciales. À la suite de son emprisonnement, il souffrit d’une grave maladie pulmonaire et ne put à nouveau être actif politiquement qu’en février 1917.

Cahn était un orateur accompli et prononça des discours lors de réunions anarchistes et d’assemblées populaires à partir de 1908, devenant ainsi l’un des principaux militants du mouvement anarchiste allemand.

Après la Première Guerre mondiale, il rejoint le successeur de l’AFD, la Föderation Kommunistischer Anarchisten Deutschlands (FKAD) – Fédération communiste anarchiste d’Allemagne. Il en devint le principal orateur, donnant des conférences sur l’antimilitarisme, contre le racisme et l’antisémitisme, pour l’éducation gratuite, contre l’exploitation capitaliste et pour une société communiste anarchiste.

Il donna des conférences pour la FKAD, le syndicat anarcho-syndicaliste FAUD et pour l’Anarchistische Vereinigung Berlin (Association anarchiste de Berlin) d’Erich Muhsam et était respecté par ces trois groupes. Bien que critique envers l’anarcho-syndicalisme, il avait une approche plus conciliante envers la FAUD que son collègue de la FKAD, Rudolf Oestreich.

Les activités politiques de Cahn pendant les années de l’entre-deux-guerres lui valurent de longues périodes de chômage et davantage de peines de prison.

Les 15 et 16 mai 1921, il avait été le rapporteur de la motion “Anarchisme et syndicalisme” lors du congrès tenu à Berlin par la Fédération anarchiste communiste allemande. (FKAD)
En mars 1923 il participait au Congrès anarchiste allemand qui, du 30 mars à la matinée du 1er avril, avait réuni 26 délégués — dont Rocker, Oestreich, Fraenkle, Buttner — à la Maison des syndicats de Berlin.

Le 1er mai 1924, Cahn fut l’un des orateurs, avec Emma Goldman et Rudolf Rocker, dans la salle de l’Association des enseignants de Berlin, pour protester contre la persécution des anarchistes en Union soviétique. Il tenta d’organiser les domestiques et les emballeurs au sein du Verband der Hausdiener, Packer, Packerinnen und Geschäftskutscher Berlin (Association des domestiques, emballeurs et commerçants de Berlin).

Après l’arrivée au pouvoir des nazis, Cahn et son colocataire, l’anarchiste Fritz Scherer, furent arrêtés le 2 décembre 1933. Scherer fut libéré au bout de 12 jours mais Cahn fut condamné à 18 mois de prison pour possession de tracts anti-étatiques et préparation de trahison et fut envoyé à la prison de Berlin-Plötzen jusqu’au 4 avril 1935. Quelques jours après les pogroms de novembre 1938, Cahn fut de nouveau arrêté. On pensait à l’origine qu’il avait été assassiné cette année-là, mais en fait, il fut abattu au camp de concentration de Sachsenhausen avec 250 autres Juifs les 28 et 29 mai 1942, après l’incendie criminel perpétré par le groupe de résistance juive d’Herbert et Marianne Baum contre l’exposition de propagande nazie sur le "Paradis soviétique". Ces exécutions furent personnellement ordonnées par Goebbels et Hitler.

Le 3 septembre 2018, une pierre commémorative a été posée au 3 Wadzeckstrasse, près de l’Alexanderplatz à Berlin, à la mémoire de Cahn.

Berthold Cahn (pierre du souvenir)

Œuvre : — Sollen sich Anarchisten organisieren ? Sollen sich Anarchisten organisieren ?(Berlin, Der Freie Arbeiter, 1923).


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