Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

RUFF, Pierre, Jules « EPSILON »

Né le 19 août 1877 à Alger — mort en déportation en 1945 ? — Professeur puis Correcteur — FRC — UA — CGT — Paris 5 & 20
Article mis en ligne le 22 juin 2009
dernière modification le 5 août 2024

par R.D.

Pierre Ruff, de famille bourgeoise et israélite, rompit avec sa famille et, bien que licencié ès mathématiques, exerça le métier de correcteur d’imprimerie. Il avait auparavant donné des cours comme professeur libre et demeurait 10 rue de l’Epée de Bois (5e arr.). Son frère Paul sous le nom de Charles Lussy fut un militant du parti communiste puis socialiste.Un autre de ses frères Ernest était fiché comme “antimilitariste”.

Ruff, qui dès 1903 fut signalé dans les réunions du groupe Les Iconoclastes animé par Libertad, collabora en 1904 à la revue Libre Examen (Paris, au moins 6 numéros de juin à décembre 1904) d’Ernest Girault puis en 1906 à L’anarchie, subit pendant sa vie militante de nombreuses condamnations pour propagande anarchiste ou antimilitariste.

Il fut condamné le 14 septembre 1907, à trois ans de prison par la cour d’assises de la Seine, pour avoir, avec Goldsky, Josse, Moucheboeuf, Molinier, Picardat et Tafforeau entre autres, rédigé et placardé le manifeste Aux crimes répondons par la révolte où les signataires s’élevaient contre la fusillade de Raon-l’Étape. Dans cette localité, une grève de chaussonniers durait depuis plusieurs semaines. Au cours d’une manifestation organisée par les grévistes le 28 juillet 1907, gendarmes et soldats firent usage de leurs armes ; il y eut deux morts et plusieurs dizaines de blessés. Lors de son interrogatoire par le Président d la cour, il avait revendiqué être l’auteur de l’affiche : « En ma qualité de professeur, je sais la valeur des mots et j’ai pesé tous les termes que j’ai signés. J’entends n’en rien retrancher, au contraire » (cf. Le Libertaire, 22 septembre 1907)

En novembre 1910, il prit part à la fondation de la Fédération révolutionnaire communiste (FRC). Il habitait alors au 27, avenue de Lutèce, à la Garenne-Colombes, avec sa compagne Mathilde Guillemard (née Trémulot le 16 mai 1871 à Schlestadt, actuelle Sélestat dans le Bas-Rhin).

Le 14 juillet 1910, il fut arrêté pour avoir crié des slogans antimilitaristes au passage d’un régiment de cuirassiers, et fut condamné le 1er août à un mois de prison.
En 1911 il était membre du Club anarchiste communiste dont le siège se trouvait au 25 rue de Clignancourt (XVIIIe arr.) adhérent à la Fédération révolutionnaire communiste (voir Albert Goldschild) à la fondation de laquelle il avait participé le 13 novembre 1910 avec notamment Beaulieu, Combes, Peronnet et Goldsky.

Membre de la Fédération communiste révolutionnaire et gérant de la revue Le Mouvement anarchiste (Paris, 7 numéros d’août 1912 à février 1913), il fut arrêté ainsi que Lecoin, secrétaire de la Fédération communiste anarchiste, en novembre 1912, et condamné en mars 1913 à cinq ans de prison pour provocation au meurtre, à l’incendie et au pillage. A la sortie de l’audience, Ruff, menotté, ayant protesté contre la brutalité avec laquelle les agents le conduisaient, avait été frappé à coups de poing, jeté au bas de l’escalier ; « il reçut des coups de talons sur tout le corps et la face ; les agents allèrent même jusqu’à lui tordre les testicules » provoquant son évanouissement (cf. Les Temps nouveaux, 15 mars 1913). Ruff fut notamment interné à la centrale de Beaulieu.

En décembre 1916, alors que Ruff était libéré depuis un mois et Lecoin depuis quinze jours, ils furent arrêtés à nouveau « pour publication et distribution dans la rue d’un manifeste du Libertaire intitulé « Imposons la paix ». L’année suivante, le 11 octobre 1917, la 10e chambre correctionnelle condamnait Ruff, ainsi que Bertho, Content, Le Meillour, Barbé et autres, à quinze mois de prison pour la publication sans autorisation, le 15 juin 1917, d’un numéro du Libertaire intitulé « Exigeons la paix ». En août 1915, Pierre Ruff avait signé l’appel « Aux anarchistes, aux syndicalistes, aux hommes » avec Louis Lecoin. Il avait notamment été interné à Clairvaux dont il fut libéré à l’automne 1919.

A l’issue de la Première Guerre mondiale, il adhéra, selon A. Barbé, au Parti communiste pendant quelque temps.

Après la guerre, Ruff continua sa collaboration au Libertaire et travailla comme correcteur (il adhéra au syndicat le 1er août 1920). Arrêté le 4 octobre 1930 et incarcéré à la Santé, il sera libéré après six mois de prison pour avoir écrit sous la signature d’Epsilon un article sur le décès de Clemenceau intitulé “Un sinistre vieux est mort” (cf. Le Libertaire, 24 avril 1930). En janvier 1930 il avait écrit au juge d’instruction chargé des poursuites contre le gérant du Libertaire pour revendiquer cet article. Il fut jugé à la mi-mars avec Ribeyron, le gérant du Libertaire. Il fut condamné à 5.000 francs d’amende pour avoir récusé un magistrat. En appel devant la 13e chambre correctionnelle en juillet, il fut condamné avec Ribeyron à 6 mois de prison. Arrêté en octobre il fut interné en droit commun à la Santé. Il fut libéré à l’expiration de sa peine au printems 1931.

Dans les années 1930 il demeurait 18 rue Vilin (20e arr.).

A l’automne 1935 il avait été nommé à la commission administrative de l’UA où il avait remplacé P. Dhermy.

Au congrès de l’Union anarchiste, Paris, 12-13 avril 1936, Ruff présenta un rapport sur le fascisme. Il fut réélu membre de la commission administrative. Il demeurait à cette époque 18 rue Vilin (20e arr.) et figurait sur la liste de vérification de domiciles d’anarchistes en région parisienne. Fin 1936 il rompait avec l’UA et tentait de constituer un nouveau groupement appelé Alliance libertaire et dont Liberté Neyrand aurait été nommé secrétaire.

Pendant l’Occupation allemande, il participa aux assemblées générales du syndicat des correcteurs. Il fut arrêté le 24 août 1942, interné en octobre, puis déporté en Allemagne, et interné sous le matricule 30.574 (Block 6) au Camp de Neuengamme où selon L. Louvet il aurait été envoyé au crématoire la veille de l’arrivée des Américains.

Œuvres : — L’Île des Cyprès ; — les Hétérodoxes.


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