Dictionnaire international des militants anarchistes
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GOMEZ PELAEZ, Fernando
Né le 22 février 1915 à Torrelavega (Cantabrie) – mort le 15 juillet 1995 -Journaliste ; correcteur - MLE – CNT – CGT - Torrelavega (Cantabrie) – Paris
Article mis en ligne le 22 décembre 2008
dernière modification le 26 octobre 2023

par Freddy Gomez, R.D.
Fernando Gomez Pelaez

Né le 22 février 1915 à Torrelavega (Cantabrie, Espagne), Fernando Gómez Peláez appartenait à une famille de petits commerçants. De sensibilité de gauche, son père, Fernando Gómez Selaya, et sa mère, María Peláez Gónzalez, tenaient un café-épicerie sur la place Baldomero Iglesias, lieu de rencontre des républicains, libres penseurs et socialistes de Torrelavega.

Après des études primaires et secondaires, Fernando Gómez Peláez s’intéressa vite à la politique. Au lendemain de l’instauration de la Seconde République, le 14 avril 1931, il adhéra à l’Avant-Garde fédérale, association locale rattachée au Parti républicain démocratique fédéral (PRDF), organisation républicaine fédéraliste à forte connotation ouvrière et libertaire. Dans le même temps, il fut élu secrétaire de l’Athénée ouvrier de Torrelavega. En 1934, il devint correspondant local du « journal de classe » La Región – édité à Santander et dirigé par le socialiste indépendant Luciano Malumbres –, dont le tirage avoisinait les 5000 exemplaires. C’est ainsi que Fernando Gómez Peláez apprit sur le tas le métier de journaliste, qu’il pratiqua souvent au cours de son existence.

En 1935, il adhéra à l’Union générale des travailleurs (UGT, de tendance socialiste) et présida la Bourse du travail de Torrelavega. Dans ces régions du nord de l’Espagne (Cantabrie, Asturies), le mouvement ouvrier avait la particularité – unique en Espagne – d’être résolument unitaire. Pour ne pas diviser la classe ouvrière, on adhérait au seul syndicat existant localement. Ainsi, selon les circonstances, des militants anarcho-syndicalistes pouvaient se retrouver à l’UGT et des militants socialistes à l’anarcho-syndicaliste Confédération nationale du travail (CNT). Sur mandat de l’UGT, Fernando Gómez Peláez se fit embaucher, la même année, à l’usine allemande de pneumatiques La Continental, de Torrelavega, où il fonda le Syndicat de l’industrie du caoutchouc.

La guerre civile venue, le décret de syndicalisation obligatoire changea la donne. De nombreux syndicats de l’UGT passèrent alors à la CNT, comme ce fut le cas du très puissant Syndicat des dockers de Santander. À La Continental de Torrelavega, il en alla de même. Désormais affilié à la CNT, Fernando Gómez Peláez rejoignit les Milices confédérales sur le front de Burgos. À la chute de Santander, le 26 août 1937, il se replia, avec son bataillon, sur les Asturies. Pour fuir l’irrésistible avancée franquiste, il embarqua, à Avilès, le 26 octobre, et débarqua à Saint-Gilles-Croix-de-Vie (Vendée), d’où il repartit, quatre jours plus tard, en direction de la Catalogne. Intégré à l’école de la DCA de Gérone, il termina la guerre sur le front de l’Èbre.

Abandonnant l’Espagne le 9 février 1939, Fernando Gómez Peláez partagea le sort des centaines de milliers de réfugiés républicains espagnols. Il se retrouva interné dans les camps de Saint-Cyprien, Agde et Barcarès. Pour quitter cet enfer, il accepta d’intégrer une de ces compagnies de travail – la 4/414 –, qui fournissaient de la main-d’œuvre bon marché à qui en réclamait. Envoyé à Fontenay-le Comte et Luçon (Vendée), puis à Cognac, Floirac et Mérignac (Charente), il se retrouva à Paris, en mai 1941, où il rencontra Consuelo Tourman, qui deviendra la compagne de sa vie. Vivotant comme il le pouvait, il s’adonna à quelques pratiques illégalistes qui le conduisirent à être arrêté en 1942, puis incarcéré au Fort du Hâ (Bordeaux).

Après la Libération, la CNT en exil le nomma directeur de Solidaridad obrera, hebdomadaire au respectable tirage de 20 000 exemplaires et où, en février 1946, il remplaça Francisco G. Montuenga. Il exerça cette fonction de février 1946 à 1954. En 1954, il dota l’hebdomadaire d’un Supplément littéraire mensuel de belle qualité. Comptant sur des collaborateurs aussi prestigieux que Salvador de Madariaga, Luis Araquistain, Juan Andrade, Chicharro de León, Bosh Gimper et Albert Camus, son audience dépassa rapidement le cadre du lectorat strictement « cénétiste » pour acquérir une belle renommée dans les milieux de l’intelligentsia espagnole exilée. De cette époque date la fraternelle relation que Fernando Gómez Peláez entretint avec Albert Camus, ce compagnon des jours difficiles qui rendit tant de services aux libertaires espagnols. « En vérité, dira de lui Fernando Gómez Peláez, il nous aida comme on aide des membres d’une famille dans le besoin, sans compter et de diverses façons, de la plus visible à la plus discrète : sur les tribunes, par l’écrit, mais aussi en nous ouvrant son carnet d’adresses, en nous prodiguant ses conseils, en nous cédant des droits sur ses textes, en nous soutenant financièrement quand manquait le nerf de la guerre. »

Après avoir travaillé un temps à l’Unesco, Fernando Gómez Peláez fut embauché, en 1954, comme correcteur de langue espagnole chez Larousse, entreprise où il restera jusqu’à sa retraite, en 1980. Adhérent du Syndicat des correcteurs CGT de Paris, il y exerça la fonction de délégué du personnel de 1965 à 1970.

de g.à d. : Dueso, Tellez, Gomez Pelaez, José Muñoz, Molinos (1958, routage d’Atalaya)

Avec quelques amis en désaccord avec les instances dirigeantes de la CNT, il fonda, en 1957, avec Mariano Aguayo, José Dueso et Antonio Tellez, entre autres, le mensuel Atalaya, (Paris, 7 numéros de décembre 1957 à juillet 1958), sous-titré « tribune confédérale de libre discussion », qui militait pour la réunification de la CNT, divisée depuis la Libération en deux entités concurrentes. À la faveur de sa réunification, en 1961, il fut chargé par son secrétariat intercontinental de la coordination de la presse clandestine en direction de l’Espagne. En cette même année, il fut l’un des membres fondateurs du Centre d’études sociales et économiques (CESE), dont le local – situé 79, rue Saint-Denis, à Paris – abritait une bibliothèque. Fonctionnant sur le mode des anciens Athénées libertaires, le CESE dispensait des cours d’alphabétisation ou des cours techniques et organisait des cycles de conférences, des colloques, des galas et des sorties culturelles et champêtres. Créé dans le but d’attirer la nouvelle génération de l’émigration économique des années 1960, le CESE fut très actif une décennie durant et poursuivit son action culturelle jusqu’à la mort de Franco.

Parallèlement à ces activités militantes, Fernando Gómez Peláez se lança, en ces années 1960, dans un vaste travail bibliographique sur la guerre d’Espagne, qui l’occupa de nombreuses années. Ce projet de bibliographie générale, qui reçut l’agrément de l’Institut international d’histoire sociale (IISG) d’Amsterdam et son accord préalable pour publication, ne fut malheureusement pas mené à terme par manque de disponibilité. De 1958 à 1965, il participa aux activités de la Commission internationale de liaison ouvrière (CILO) – initiative lancée par son grand ami Louis Mercier Vega et par Helmut Rüdiger – et collabora à l’édition espagnole du Bulletin CILO. En même temps, il maintint des liens très proches avec le « noyau » de La Révolution prolétarienne, le Cercle Zimmerwald et l’Union des syndicalistes. Par ailleurs, il noua une fraternelle relation avec Pierre Monatte, fréquenta Henry Poulaille, Maurice Joyeux et Gaston Leval.

Au début des années 1970, dans une période de forte tension interne au sein de la CNT en exil qui se solda par de nombreuses expulsions – dont celle de Fernando Gómez Peláez –, les opposants aux instantes dirigeantes de l’organisation, regroupés au sein des Groupes de présence confédérale et libertaire, lancèrent le mensuel Frente libertario. Fernando Gómez Peláez en eut la charge rédactionnelle de juillet 1970 à mars 1977. Parallèlement, il fut membre du Comité Espagne libre, organisme de défense fondé conjointement par Frente Libertario et l’Alliance syndicaliste, et participa, de 1974 à 1976, au collectif d’édition de la revue internationale de recherches anarchistes Interrogations, initiative lancée par l’entreprenant Louis Mercier.

Après la mort de Franco, en novembre 1975, il suivit de près le processus de reconstruction de la CNT en Espagne, où il effectua plusieurs voyages. De 1977 à 1982, Fernando Gómez Peláez fut responsable de Confrontación, bulletin interne de discussion et d’information des Groupes confédéraux et d’affinité libertaire de l’extérieur, supplément à Solidarité ouvrière, organe de l’Alliance syndicaliste. Lors de l’éclatement de l’organisation au Ve congrès de la CNT (Madrid, 8 au 16 décembre 1979) – auquel il assistait comme délégué de l’extérieur –, il prit fait et cause pour les partisans d’une « CNT rénovée », qui deviendra par la suite CGT.

Le temps de la retraite venu, il vécut entre Santander et Montrouge, consacrant ses dernières énergies à la rédaction de souvenirs de jeunesse. Inédit, ce manuscrit – Aquellos años, Torrelavega – fait aujourd’hui partie des Archives Fernando Gómez Peláez, déposées à l’Institut international d’histoire sociale (IISG) d’Amsterdam, qui constituent, sans aucun doute, le fonds de documentation le plus complet concernant l’exil libertaire espagnol.

En 1985, il ressentit les premiers symptômes de la maladie d’Alzheimer. Dix ans plus tard, le 15 juillet 1995, il décéda à Avon (Seine-et-Marne).

ŒUVRE : Très nombreux articles dans la presse libertaire espagnole (sous son nom et sous les pseudonymes de Fergope, Don Lope et Cristobal Barcena).– Articles dans La Révolution prolétarienne, Le Monde libertaire, le Bulletin CILO, Interrogations.– « Leyenda y realidad », CNT-AIT, Paris, 1952.– « Santiago Carrillo ou l’histoire falsifiée », Genève-Annecy, Éditions Noir-Groupe 1er Mai, s. d.

Freddy Gomez


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