Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

GIRAULT, Ernest, Louis, dit Émile, “ANGILLERAS” ou “ANGELLERAS”

Né le 15 juin 1871 (Paris, Xe) — mort le 15 ou le 16 décembre 1933 — Ouvrier typographe — AIA — CGT — Paris — Bezons (Val-d’Oise)
Article mis en ligne le 27 août 2007
dernière modification le 6 août 2024

par R.D.

C’est au moment de l’Affaire Dreyfus qu’Ernest Girault — dont le père, Alexandre Girault, fut militant blanquiste, —, fit ses premières armes et collabora à L’Aurore de Clemenceau. De 1895 à 1899, il écrivit dans Le Libertaire. Il y défendait alors une position hostile au mouvement syndical : « C’est la masse des sans-travail et des affamés qui doit servir de point de départ aux revendications anarchistes », écrivait-il dans Le Libertaire des 3-9 juin 1897.

Le 11 mars 1897 il avait participé à la perturbation d’une réunion à l’église Saint-Ambroise où des coups avaient été échangés avec les les Suisses et les cléricaux présents, ce qui lui avait valu d’être arrêté avec entre autres Mary Huchet, Letrillard, Sadrin, Carré, Ebner et Lebrun puis d’être condamné le 16 mars à 15 jours de prison. Lors de son arrestation il avait été trouvé porteur d’un exemplaire du Libertaire et de plusieurs affiches du Père Peinard. Il était alors, semble-t-il, membre du groupe L’Internationale scientifique.
Dans Le Libertaire (1er avril 1897), il témoigna de cette arrestation et de brutalités policières : « Pendant dix sept jours, le secret auquel nous avons été soumis, l’interception de nos correspondances, le refus de nous laisser voir quelque parent, avaient laisser peser un morne silence sur les horreurs et les infamies que nous avons subis. Pour mon compte j’avais trois blessures à la jambe gauche, deux à la jambe droite et la têt littéralement couverte de plaies sanguinolentes… A la Grande Roquette, ce fut la suppression de la cantine, l’interception des lettres, le pain sec, le cahot, les insolences les poussées jusqu’à ce que, affaibli, les jambes ne pouvant plus me supporter, je tombai à la porte d’un atelier. Transporté à l’infirmerie, j’échappai pour quelques jours aux tourments des cachots… Vingt fois durant ma détention, je e suis juré de river un poignard à la main, et sans faire un pas de plus dans la rue, d’attendre à la porte de la prison le premier sergot venu et de le frapper…. »
Le 29 janvier 1898 il avait tenu à Chalon-sur-Saône la réunion « Sabre et goupillon » où il avait vivement protesté contre le huis clos de l’affaire Dreyfus, contre l’armée, le clergé et le capital et qui avait été interrompu à plusieurs reprise par des cris de « Vive l’armée ».

A cette époque, il aimait à la fin des réunions déclamer ou chanter quelques vers, et notamment la poésie Germinal dont l’une des strophes disait : « Pour changer l’ordre social, — Il faut de vastes funérailles — Plus on en tuera, mieux ça vaudra — Hardi les gars ! — C’est Germinal qui fera pousser les semailles ». Typographe au journal L’Aurore, il était également le responsable du Comité de soutien à la révolution italienne, dont le siège se trouvait 15 rue Lavieuville (siège du Père Peinard) et qui avait été formé à l’initiative, semble-t-il de Malatesta et du journal L’Agitazione. Ce comité avait organisé au moins deux réunions, en mai et juin 1898, à Paris avec la collaboration de Girault, Butaud et Louise Michel et à l’issue desquelles avaient été collecté plus de 150 francs dont 100 furent envoyés en Italie au compagnon Enrico Ferri, 30 remis aux réfugiés italiens de Paris et 10 à Louise Michel pour ses frais de déplacement le solde restant pour l’édition d’une brochure sur la révolution italienne.

En 1899 il collaborait au journal Le Camarade (Paris, au moins 2 numéros en janvier), tentative de quotidien fondé par des compagnons du 18e arrondissement qui avaient acheté une presse et des caractères d’imprimerie mais qui se séparèrent rapidement, peut être à cause de l’imprimeur-gérant E. Lefevre dit Le Chatouilleux qui était fort « susceptible » (cf. Zisly in Le Semeur, 10 février 1926).

Au printemps 1899 il avait fait quelques conférences pour tenter de publier un nouvel organe L’Anarchiste, titre qui fut finalement.abandonné pour celui de l’hebdomadaire L’Homme libre (Paris, 11 numéros du 24 juin au 1er décembre 1899) fondé avec Janvion et dont le rédacteur principal était Francis Prost. Il avait rompu avec Sebastien Faure dont il jugeait que le dreyfusisme faisait par trop le jeu du gouvernement. et avec la fondation de ce nouvel organe voulait incarner un dreyfusisme purement révolutionnaire. Les principaux collaborateurs en étaient alors Henri Dagan, Antignac, Manuel Devaldés, Charles Malato, Urbain Gohier, Sartoris et Henri Zisly. En août 1899, lors de l’affaire du Fort Chabrol des antisémites, il appela les compagnons à entrer en action « pour faire disparaître cette armée d’escarpes soudoyés par la réaction » et en employant tous les moyens et « s’il le faut les procédés que vous connaissez ».
A cette même époque il participait également aux réunions du groupe Les Iconoclastes animé par Janvion.

Le 4 janvier 1900, il avait participé aux cotés de Prost, Louise Reville, Pflug, Regis et Libertad à un meeting de protestation contre les condamnations de militants arrêtés lors de la manifestation en août 1899 contre le Fort Chabrol et accusés d’avoir pillé l’église Saint-Joseph.

Au début des années 1900 il était membre du Comité fédéral des Bourses du travail.

A l’été 1902, il effectua une grande tournée d’agitation (Auxerre, Bourges, Montceau-les-Mines, Macon, Villefranche, Lyon, Saint-Étienne, Nîmes, Arles, Montpellier, Marseille, Alger, Narbonne, Toulouse, Bayonne, Bordeaux…) sur le thème de la grève générale.

En 1903 il demeurait 36 rue de la Montagne-Sainte-Geneviève, Paris 5, puis 13 rue de Montparnasse et publiait une nouvelle série de L’Homme libre (Paris, 20 numéros du 14 novembre 1903 au 2 janvier 1904) dont le n° 14 (13 février 1904) est un numéro spécial consacré à Louise Michel. Dans le n°20 et dernier le journal annonçait sa disparition en ces termes : « Aujourd’hui, malgré les efforts inouïs que nous avons fait pendant cinq mois, nous, sommes tout à bout de ressources ».

Il participa en juin 1904 au congrès antimilitariste d’Amsterdam qui aboutit à la formation de l’Association internationale antimilitariste (AIA) et dont il fit un compte rendu (cf. n°2) dans la revue Libre Examen (Paris, 6 numéros de juin à novembre 1904) dont il était le secrétaire de rédaction et dont Porchet était le gérant. La revue dont « un service gratuit de 2.000 exemplaires » avait été effectué pour le n°1, revendiquait 103 abonnés dans son numéro 3. Une nouvelle série de ce titre, sera publiée en 1913 par Girault ; seul le n°1 (novembre 1913) réalisé à l’imprimerie communiste de Louis Sorin, a été retrouvé, mais selon Zisly, quelques numéros seraient parus en 1914 (cf. le Semeur, 19 mai 1926).

Excellent orateur, Girault effectua de nombreuses tournées de conférences, notamment avec Louise Michel dont il aurait été le pupille, et au début des années 1900 à une grande tournée en faveur de la grève générale. Ses discours lui valurent à plusieurs reprises arrestations (en particulier fin 1897) voire condamnations. La conférence anti-tsariste qu’il tint à Cannes le 21 février 1905 entraîna l’intervention du grand-duc Michel auprès du maire de la ville pour faire arracher les affiches annonçant la dite conférence. Le 9 mars suivant il fut l’orateur du meeting de la Jeunesse syndicale tenu à la Bourse du travail devant 200 personnes dont plusieurs militaires où il appela à la grève générale pour le 1er mai et la journée de huit heures et à la manifestation du 12 mars organisée par l’AIA contre les brutalités policières et précédée d’une conférence de Girault, Cosmao, Leblond et Busquère sur le thème « A bas le Tsar, Vive la Révolution russe ».

En 1906 il avait projeté une tournée de conférences antimilitaristes en Suisse mais il avait été arrêté à la frontière et expulsé du territoire helvétique.

En octobre 1906, Girault participa à la fondation de la colonie communiste de Saint-Germain-en-Laye, établie dans une ferme. Cette colonie comprenait outre Girault et sa compagne Victorine Triboulet, Scajola, Lorulot, E. Lamotte, Goldsky et la famille Augery. On envisageait d’y faire culture, élevage, d’y installer une imprimerie pour la propagande et de fonder une école libertaire. En janvier 1907 la colonie comptait 15 participants et 6 enfants suivaient les cours de l’école. Des tournées de conférences de Lorulot, Girault et Eugènie Lamotte étaient alors prévues pour soutenir le projet. Le 30 janvier 1907, la police signalait que Girault avait paru découragé après la causerie “Socialisme et anarchie” à Pont-à-Mousson à laquelle n’avaient participé que 25 personnes. Les désaccords et les disputes ne tardèrent pas à éclater. En avril 1907, Lorulot, en tournée dans le Nord, fut arrêté et emprisonné jusqu’à février 1908. Quand il revint à Saint-Germain, Girault était parti. L’expérience prit fin à l’automne de 1908.

En novembre 1907 Girault était allé faire une tournée de conférences en Algérie (Alger, Blidah, Oran, Bougie, Constantine, Souk Ahras où il échappa à un guet apens) et en Tunisie sur la thème “Nous tuerons dieu et la guerre”.

Suite à un discours antimilitariste à Epernay en septembre 1907, il fut arrêté en janvier 1908 à la gare de Limoges en provenance de Brive ; avec l’aide de sa compagne, qui fut jetée à terre, il avait tenté de s’échapper mais avait été rattrapé par les policiers aidés par des passants, cf. Le Libertaire (12 janvier 1908). Il fut conduit à Reims et condamné le 8 février à 8 mois de prison et aux frais du procès. Il fut remis en liberté conditionnelle en mai 1908, puis définitive le 17 juillet suivant.

En octobre 1908 il fondait le groupe Les causeries libertaires d’Argenteuil, où il résidait avec sa compagne Victorine 80 route de Pontoise, puis entamait une nouvelle longue tournée de conférences dans le Nord, le Midi et l’Algérie (novembre-décembre 1910), contre les bagnes militaires et Biribi dans la Somme, Pas-de-Calais, Nord (juillet-aout 1910), à Paris, Marseille et la Tunisie (novembre — décembre 1910), le sud-est (janvier 1911), l’Ouest et sud ouest (avril 1911), Bretagne et Normandie (mai-juin 1911).

En 1910, après avoir été expulsé de son logement 80 rue de Pontoise à Argenteuil, Girault s’était installé à Bezons (Seine-et-Oise) dans un immeuble lui appartenant et dénommé « Cité communiste de Bezons ». A l’automne 1913 il fut le fondateur de l’organe de la Cité communiste Libre examen (Bezons, n°1, novembre 1913 et sans doute le seul paru ??) dont l’imprimeur gérant était Louis Sorin. En juin 1914, à la veille de la guerre, lors d’une ballade organisée à la colonie communiste de Saint-Maur par les Causeries populaires du XVe arrondissement et le Groupe féminin, il avait annoncé avoir commencé des pourparlers avec le journal La Vie anarchiste en vue de la fusion de ces deux titres.

Pendant la guerre, inscrit au Carnet B, il fut très surveillé. Il travailla à partir du 22 juillet 1915 comme aide-chimiste aux essais des usines de la Ville de Paris à Colombes et paraissait avoir renoncé pour l’instant, dit un rapport du 6 janvier 1917, à toute propagande anarchiste et n’utilisait plus la petite imprimerie installée chez lui et qui lui servait, avant la guerre, à imprimer ses brochures, conférences et tracts anarchistes et antimilitaristes. Pendant la guerre il aurait écrit aux Amis du Libertaire, qu’il se “retirait pour toujours du mouvement social”’cf. Le Libertaire, 21 janvier 1921).

Il sera, en 1919, l’instigateur du groupe « Le Soviet d’Argenteuil » et gérant de son organe Le Soviet (13 numéros du 21 mars 1920 au 14 mai 1921) auquel collaborèrent plusieurs anarchistes ralliés à la Fédération communiste des soviets, tels Lebourg, Jean Jermite et Justin Olive. Il collaborait également au bulletin L’Internationale communiste.

Girault se rallia à la Révolution russe et, dès 1920, devint membre du 30e rayon communiste de la région parisienne. Le 8 janvier 1921, au Club du Faubourg, il se définissait ainsi, selon le compte rendu de L’Humanité du 14 janvier : « J’ai toujours été un communiste-anarchiste et un ennemi acharné de la propagande dissolvante et monstrueuse de l’individualisme-anarchiste […] Nos fins sont fédéralistes et antiétatistes ; mais à moins, comme l’a dit Lénine, de vouloir faire accoucher une fillette de quatre ans, la guerre et la révolution russe nous ont fait comprendre qu’il faudrait inévitablement accepter la dictature provisoire ». Girault collabora à L’Humanité et à La Voix paysanne, ce qui lui valut à plusieurs reprises les attaques du Libertaire (cf. en particulier le n° du 10 septembre 1926) dans lequel il est traité de Girault-Girouette. (voir sa notice complète dans le Maitron en ligne).

A l’été 1927, lors de l’enquête publiée dans Le Libertaire (3 juin 1927) sur “La répression en Russie”, il avait notamment répondu : « En résumé, après l’enquête que j’ai faite en Russie, je pense que la persécution des anarchistes est une pure légende »

Ernest Girault mourut le 15 ou le 16 décembre 1933 à l’hôpital Tenon (Peis 20) et fut incinéré (cf. L’Idée libre, janvier 1934).

Avant la première guerre mondiale Ernest Girault avait collaboré outre ceux cités ci-dessus à plusieurs autres titres de la presse libertaire francophone dont : Le Droit de Vivre (Paris, 9 numéros du 25 avril au 15 juin 1898) de Constant Martin, L’Effort Eclectique (Bruxelles, 6 numéros d’octobre 1900 à mars 1901) de G. Thonar et E. Chapelier, L’Émancipation (Bruxelles, 12 numéros du 13 juillet 1901 au 5 janvier 1902) également publié par Thonar et Chapelier, Réveil de l’Esclave (Alger, au moins 2 numéros en juin 1904), La Torche (Moulins, 2 numéros en décembre 1909 et janvier 1910) de Jules Vignes et Le Trimard (Paris, au moins 6 numéros de mars à juin 1897) dont le gérant était Bontrond.

OEUVRES : (Cotes de la Bibl. Nat.) : — Travailleur tu ne voteras pas ! Soldat tu ne tireras pas (1902) — La Grève générale et la révolution, Paris, 1903, 55 p. — Au lendemain de la grève générale. Organisation communiste du travail, Puteaux, 1903, 35 p. — Science et nature, Puteaux, 2e édit., 1903, 19 p. — La Crosse en l’air, Paris, 1905, 8 p., édit. de Roubaix, 1905, 8e R Pièce 10 659. — Un Grand fléau. Étude sociologique de l’alcoolisme, Paris, 1905, 41 p. — À bas le czar ! Vive la révolution russe, Toulon, 1905, Fol M Pièce 153. — À bas les morts ! Alfortville, 1906, 22 p. — La bonne Louise, psychologie de Louise Michel : sa physionomie, son caractère, son tempérament, sa mentalité, les dernières années de sa vie, Paris, 1906, IX-222 p., Bibl. Nat. 8e Ln 27/52 801. — Prenons la terre ! Communisme expérimental, s.d., 1907, 24 p., 16e R Pièce 1 112. — Collectivisme ou communiste, Bezons, 1911, 30 p. — La Femme dans les Universités populaires et les syndicats, s.d., 31 p. (Petite bibliothèque de la Vie Ouvrière, paru en feuilleton dans Le Libertaire en 1901)— Un problème poignant. L’aliénation mentale et les séquestrations arbitraires s.d., 39 p. (Petite bibliothèque de la Vie Ouvrière)— Travailleur, tu ne voteras point ! Soldat, tu ne tireras pas ! Puteaux, s.d. 16 p. — Pourquoi les anarchistes-communistes français ont rallié la 3e Internationale, Paris, 1926, 24 p., 8e R 34 344. — Paysans ! À bas les partageux, préface de Jean Renaud, Paris, 1927, 31 p., 8e S Pièce 14 032. — Une Colonie d’enfer (190 ?) —Mon professeur (191 ?) — Grève générale réformiste et gréve générale révolutionnaire —


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