Fils d’un mégissier, Pierre-Valentin Berthier, avant d’avoir passé son Brevet, quitta le collège pour ne pas affronter le conseil de discipline qui s’apprêtait à l’exclure. Il fut, de 1926 à 1936, ouvrier mégissier dans l’entreprise familiale à Issoudun : son père, artisan, travaillait seul ou, parfois, employait un compagnon. En 1932, il fonda à Issoudun une section des Combattants de la Paix, et en 1934, passant par Paris, prit part au “lancement” du journal de Fernand Planche La Conquête du pain (Boulogne-Billancourt, 45 numéros du 13 octobre 1934 au 13 décembre 1935). En 1932 il fut poursuivit suite à un article paru dans Le Semeur de Normandie et « en 1932-33 eut des démêlés avec l’autorité militaire » en tant qu’objecteur de conscience : bien qu’ayant été exempté de service le 31 mars 1932 pour “débilité mentale”, il avait été en octobre déclaré bon pour le service et convoqué au 95e Régiment à Cosmes. Le 23 décembre suivant, alors qu’il faisait sa promenade quotidienne, recommandée par le médecin, il fut arrêté par 4 gendarmes, mené en voiture à Vierzon puis convoyé par train au 32e Régiment d’infanterie de Tours où il ne tarda pas à être hospitalisé. Très faible il « ne faisait pas la grève de la faim, mais son état lui interdit toute nourriture » (cf. La Voix libertaire, 7 janvier 1933).
En 1936, P.-V. Berthier devint journaliste, détaché à Issoudun pour le quotidien de Châteauroux, Le Département de l’Indre. Ce journal où Berthier n’avait qu’une fonction de localier, fut libéral avant la guerre, vichyssois sous l’Occupation (il s’appelait alors Le Département), et communiste après la Libération (il prit à cette époque pour nom La Marseillaise du Berry). En septembre 1951, Berthier fut licencié et remplacé par un militant du Parti communiste.
Pendant la guerre d’Espagne il organisa à Issoudun un meeting de soutien à la CNT-FAI avec comme orateur Aristide Lapeyre.
Sur la période de la guerre et de l’occupation, P. V. Berthier a laissé le témoignage suivant : « … La guerre suspendit mon activité de militant et de publiciste libertaire, mais je conservai des rapports épistolaires avec des camarades comme Fernand Planche, Gérard de Lacaze-Duthiers et un correspondant américain [1]… J’ai maintenu aussi des contacts permanents avec les amis de la région tels que Marius Jacob et Louis Briselance. J’ai correspondu avec Fernand Planche tout le temps qu’il fut incarcéré à la Santé puis interné au camp de Maisons-Laffitte. À la débâcle, lorsque le 10 mai 1940 le camp fut évacué en colonne par la route, Planche s’échappa et se réfugia chez moi ; il s’y trouvait à l’arrivée des Allemands et put regagner Paris avant la fermeture de la ligne de démarcation (Issoudun était en zone dite libre)… Durant les hostilités je n’ai cédé à aucune pression ; j’ai même refusé aux agents de Vichy d’utiliser la vitrine de mon bureau pour y présenter des objets de propagande… Mes collègues… m’apprirent aussi, la guerre finie, que j’avais failli être arrêté par les Allemands à cause d’un article où j’avais laissé entendre le peu d’empressement de la jeunesse à déférer au STO ; la censure l’avait par inadvertance laisser passer… Sur le moment je ne me suis pas douté du péril. Mais enfin tout cela n’est que bagatelle, mon itinéraire 1939-1945 n’a absolument rien d’héroïque ; il est simplement conforme à ma vision des choses, qui stipule que, lorsque les hommes sont fous, la seule sagesse consiste à rester vigilant et à passer inaperçu. »
Grâce à Louis Louvet et après son licenciement en septembre 1951, il put, dès décembre 1951, travailler comme correcteur à l’imprimerie Lang et l’imprimerie La Renaissance. Au bout de trois mois, il entra chez Amiot-Dumont, maison d’édition disparue en 1956. Membre du syndicat des journalistes (autonome) après la guerre, il fut admis au syndicat des correcteurs de Paris le 1er mars 1953 et travailla dans les divers journaux édités à Paris, dont Le Monde à partir de janvier 1957 et diverses imprimeries. En 1956, il fut correcteur (du 2 août au 30 novembre) à l’ONU-Genève. Parallèlement, de 1951 à décembre 1956, il assuma également la gérance d’une librairie qui avait été achetée par Rémy Désiré un ami d’enfance.
A l’automne 1952 il fut aux cotés de Charles-Auguste Bontemps, Louis Chauvet, Robert François, Georges Glazer, René Guillot, Maurice Joyeux, Gérard de Lacaze-Duthiers, Pierre Lentente, Louis Louvet, André Prudhommeaux et Georges Vincey, membre du comité d’initiative fondant le groupe anarchiste de libre discussion Centre de recherches philosociales qui allaient chaque samedi organiser des débats à la salle des sociétés savantes de Paris.
Depuis 1952 ou 1953, P.-V. Berthier assurait la rédaction d’un billet hebdomadaire dans La République du Centre, à Orléans. Il écrivait également dans le journal hebdomadaire de la CNT en exil Espoir (Toulouse, n°1, 7 janvier 1962), et fournissait des reportages à divers autres journaux (voyage en Laponie, voyage au Canada, etc.). À partir de janvier 1957, il travailla au Monde où il fut titularisé fin 1958 et resta jusqu’à sa retraite le 31 octobre 1976.
A l’automne 1969, il fut le cosignataire aux cotés notamment de J. Rostand, Jeanne Humbert, M. Lime, René Dumont, Théodore Monod, Léo Campion, Bernard Clavel, Émile Beauchet, Michel Ragon, Alphonse Barbé et Henry Poulaille d’une protestation contre les manifestations officielles prévues pour le bicentenaire de Napoléon (cf. Espoir, 23 novembre 1969).
Écrivain, il a publié plusieurs plaquettes de vers, de nombreux romans — dont Sitting Bull (1952), Mademoiselle Dictateur (1956), La citadelle de Kouang-Si, etc.— et s’est vu décerner des prix, citons celui des Coopérateurs, en 1958, pour On a tué M. Système (1957). Il est également l’auteur avec J.-P. Colignon de 9 ouvrages sur les particularités de la langue française ce qui lui valut de collaborer également sur les questions de linguistique à la revue Lettre (s) l’organe de l’ASSELAF. Son témoignage sur sa vie de journaliste pendant la guerre, “la cité dans le tunnel” (2003, lui a valu le prix de la ville de Chateauroux.
Il collabora, comme militant, outre les titres cités à un grand nombre de journaux et revues : Almanach de la Paix pour 1934, Ce Qu’il faut Dire (1944-1948) de Louis Louvet, La Conquête du pain (Boulogne-Billancourt, 1934-1935) de Fernand Planche, Contre-courant (Paris, 1950-1968), Contre Poison (Saint-Céré, 1932-1933), C.P.C.A. (Villeneuve St Georges, 1978-1983), Défense de l’homme (1948-1976) de L. Lecoin et L. Dorlet, l’En-Dehors (avant 1939), L’Homme et la vie (Paris, 1946), Le Libertaire (1944-1953) organe de la FA, Le Libertaire (Le Havre, 1978-199 ?), Liberté (Paris, 1958-1971) de Lecoin, Le Monde libertaire organe de la FA à partir de 1954, La Patrie humaine (Paris, 1931-1939), Pensée et action (Bruxelles, 1945-1952) de Hem Day, Le réfractaire (Paris, 1974-1983) de May Picqueray, La Rue (Paris) revue du groupe Louise Michel, Le Semeur de Normandie (Caen, entre 1932 et 1939), Sources Libres (Nantes, 1953), Terre libre (1936-1939), L’Union Pacifiste (à partir de 1966, L’Unique (Orléans, 1945-1956), La Voix libertaire (Limoges, 1929-1939).), la Voie de la Paix.
P.-V. Berthier, qui s’était marié à Issoudun en 1945 et était père d’un enfant, est décédé à Paris le 6 mai 2012.
Il est également l’auteur de la mise en forme d’un tapuscrit des Mémoires de Vandamme dit Mauricius qui a été déposé à l’Institut français d’histoire sociale et dont une copie est également consultable à l’Institut international d’histoire sociale d’Amsterdam (IISG).
Une plaquette de Céline Beaudet “Rencontre avec Pierre-Valentin Berthier, court récit d’une vie et de rencontres d’un anarchiste individualiste” a été publiée par La Question sociale (Rimogne).
Œuvres : Outre les ouvrages cités, P.V. Berthier est également l’auteur de plusieurs brochures dont : — Les Républicâneries (1933) ; — Ceux qui vont mourir te saluent (1934) ; — Vingt mille lieues sous les gaz (1933) ; — de plusieurs biographies de libertaires : — Gaston Couté, la vérité et la légende (Brochure mensuelle, 1936) ; — Vie et portrait d’un anarchiste : Fernand Planche (publié dans Espoir du 9 mars au 6 juillet 1975) ; — Mauricius et la calomnie (publié dans Espoir, du 11 juin au 29 juillet 1979). Il a collaboré à l’édition de “E. Armand. Sa vie, sa pensée, son œuvre” (Paris, 1964, 498 p.) — et de recueils de poésies dont “La passion de l’Olympe” (Ed. Eole, 1979) ; — Les plumes, parcours d’un esprit libre dans un monde étrange (Sutton Ed., 2018, autobiographie).