Dictionnaire international des militants anarchistes
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BARBÉ, Alphonse, Joseph “Lefrançois”, “Peckers”
Né à Vannes (Morbihan) le 17 décembre 1885 - mort le 21 novembre 1983 - Meunier ; marin ; triporteur ; forain - Paris – Caen & Falaise (Calvados)
Article mis en ligne le 23 mai 2007
dernière modification le 22 mars 2024

par R.D.

Aîné d’une famille de six enfants, Barbé, après avoir obtenu son CEP, dut gagner sa vie. Il travailla au côté de son père comme ouvrier meunier et son salaire aida à faire vivre la famille. À dix huit ans, il s’engagea dans les Équipages de la Flotte, et, après son service militaire qu’il termina à Alger, il revint en Bretagne où il reprit un temps son ancien métier ; puis il trouva à Cancale un emploi de représentant pour la vente à crédit. À l’occasion d’une grève, dans cette ville, des pêcheurs de morues, il entra en relation avec les milieux syndicalistes de Saint-Malo dont la fréquentation décida de son destin.

En 1912, il alla à Paris et obtint une place de triporteur pour le compte d’un magasin. Après avoir assisté à une conférence de Sébastien Faure, il adhéra au mouvement libertaire. Il se lia d’amitié avec l’anarchiste Émile Poulain ; tous les deux se firent marchands forains, mais l’entreprise n’eut pas le succès escompté. Barbé osa alors avec l’un de ses frères une nouvelle tentative qui cette fois réussit ; les deux frères se fixèrent à Caen. Mais la guerre approchait. En compagnie d’Eugène Jacquemin militant anarchiste, A. Barbé partit pour Paris, persuadé que l’insurrection des ouvriers empêcherait la mobilisation. Déçu dans ses espérances, il rejoignit à Vannes son centre mobilisateur. Il fut blessé sur le front de Champagne en septembre 1915 puis fut affecté au 116e Régiment d’infanterie. Il déserta le 18 septembre 1916, vint à Paris et y vécut pendant un an sous un nom d’emprunt et milita au syndicat du bâtiment. Accusés d’avoir fait paraître le 15 juin 1917 un numéro clandestin du Libertaire, Barbé ainsi que Bertho Lepetit, Content, Ruff, Le Meillour, Grossin et Klauss, imprimeur, comparurent du 4 au 11 octobre devant le tribunal correctionnel de Paris et furent condamnés, Bertho Lepetit à deux ans de prison, Barbé, Content et Ruff à quinze mois de la même peine, Le Meillour à un an, Grossin à quatre mois, Klauss à 3.000 F d’amende. Barbé qui avait été condamné “pour propos alarmistes et usurpation d’état civil” vit sa peine portée à trois ans de prison le 3 décembre 1917 par la cour d’appel de Paris ; il resta un an à la Santé puis un an à Clairvaux, fut amnistié mais transféré le 23 octobre 1919 à Nantes pour y répondre de sa désertion ; le 23 janvier 1920 il fut alors condamné à un an de prison. Lors de l’audiene devant le Conseil de guerre et à laquelle avaient témoigné en sa faveur Content, Peache Joret et Marie Mayoux et pa écrit Georges Pioch et Louis Lecoin, invité à s’expliquer sur sa désertion, Barbé avait déclaré : “Je n’ai pas l’intention de renouveler les déclarations de principe qui m’ont déjà valu trois ans de prison en correctionnelle, pour la raison bien simple que vous ne permettriez pas de les développer… J’ai déserté pour sauver ma vie, car l’existence est pour l’individu le premier des biens.…” Puis après avoir dénoncé la guerre et fait le procès de la société il avait ajouté : “Mais à quoi bon vouloir expliquer mon geste, puisque vous ne pouvez me comprendre, car malgré que nous soyons du même pays, que nous parlions le même langage, nous sommes séparés par de causes plus profondes que celles qui, hier, dressaient les peuples les uns contre les autres… Vous ne pouvez, Messieurs, vous rallier à ces idées qui feraient de vous de simples hommes et en même temps vous enlèveraient vos odieux privilèges, dont le droit, au nom d’une entité hypocritement invoquée, d’envoyer crever au bagne des malheureux qui n’ayant rien à défendre, n’ont rien voulu sacrifier……” (cf. Le Libertaire, 1er février 1920)

À sa libération en juillet 1920, il retourna à Caen où vivait sa compagne et reprit son métier de forain. Le 23 janvier 1921 le congrès fédéral communiste du Calvados le désigna comme membre de la commission de propagande. Durant l’année 1921 il écrit plusieurs articles où il montrait ses réticences par rapport à la Russie soviétique. Administrateur du Populaire normand en novembre 1921, il semble avoir quitté rapidement le PC et en 1924 il collaborait au journal L’Idée Anarchiste (Paris, 13 numéros du 13 mars au 15 novembre) publié par Lucien Haussard.

En mars 1921, prenant prétexte de l’arrestation de son frère Paul pour distribution de tracts antimilitaristes, la police perquisitionna son domicile et l’arrêta : “Dimanche matin, on est venu perquisitionner chez nous. Le commissaire en a profité pour prendre divers papiers, notamment tout ce qui concernait Lepetit. Alphonse a protesté disant que tout cela lui était personnel. Pou faire l’inventaire. le commissaire et lui sont allés au commissariat central. Alphonse n’en est pas revenu et le voilà arrêté, sans avoir rien fait, parce que son frère distribuait des tracts, pour complicité…." (témoignage de sa compagne in Le Libertaire, 11 mars 1921). Il avait été remis en liberté provisoire quelques jours après tandis que son frère Paul était maintenu en détention à Caen.

C’est à Caen d’abord, à Falaise ensuite où il résida à partir de 1927 (et où il se maria en 1933 et en 1953), qu’il fit paraître Le Semeur de Normandie, organe de libre discussion et de culture individuelle puis de défense des objecteurs de conscience, dont le premier numéro sortit le 15 octobre 1923 et le dernier, le n° 281, le 28 novembre 1936 (à partir de novembre 1925, le titre devint Le Semeur contre tous les tyrans) dont les principaux gérants furent outre Barbé, Émile Poulain, E. Grégoire, Lucien Bernizet et Émile Beauchet. Il collaborait à la même époque à Germinal (Amiens, 1919-1933, puis 1938) de Georges Bastien, à l’organe libre penseur Germinal (Toulon, 1930-1932) et aux organes pacifistes La Patrie humaine (Paris, 1931-1939) et Le Réfractaire (Paris, 1927-1932).

Après l’incendie du Reichstag (28 février 1933), Alphonse Barbé fut à l’origine de la campagne menée en France pour la Défense de Marinus van der Lubbe, publiant de nombreux article dans son journal Le Semeur (et particulièremnt le numéro spécial 236) et contribuant à éditer deux brochures : "Marinus van der Lubbe prolétaire ou provocateur ?" et "Le Carnet de route d’un Sans-patrie", journal de voyage en Europe du jeune militant, publié après sa mort sous l’égide du Comité international Van der Lubbe (France) dont H. Cadiou était secrétaire.

En décembre 1936, Barbé se rendit à Perpignan et y assuma, non sans difficultés, pendant six mois, le secrétariat général de la Fédération des émigrés antifascistes Espagnols en France. En 1937-1938, il publia Lu dans la presse libertaire-syndicaliste espagnole (Falaise, au moins 4 numéros du 15 novembre 1937 au 15 février 1938) qui reproduisait des textes parus dans les journaux révolutionnaires en Espagne et les communiqués de la CNT et du mouvement libertaire espagnol. Dans le n°4, A. Barbé précisait “j’ai fait le service du bulletin à un millier de lecteurs et sympathisants aux idées libertaires-syndicalistes. En réponse à ces envois, j’ai eu de nombreuses lettres de sympathie et d’encouragement… en revanche, peu d’abonnements me sont parvenus…”. Un numéro 5, entièrement consacré au Plenum économique de la CNT était annoncé pour le 15 mars, mais nous n’avons pu le retrouver. Au début 1938 Le Semeur avait fusionné avec L’Espagne antifasciste (Bordeaux) pour permettre de poursuivre l’édition du journal L’Espagne Nouvelle (Nîmes, 69 numéros de février 1937 à septembre 1939) dont Barbé devenait alors membre du Comité de rédaction aux cotés de J. Dautry, Aristide et Paul Lapeyre et André Prudhommeaux.

Alphonse Barbé collabora après guerre à diverses publications anarchistes et pacifistes dont Les Cahiers du Pacifisme (Paris, avril 1946- 1963) organe de la Ligue d’action pacifiste et sociale et section frnaçaise de l’Internationale des Résistants à la Guerre (IRG), Ce Qu’il Faut Dire (Paris, 1944-1948) publié par Louis Louvet, Défense de l’Homme (1947-1963) de Louis lecoin et Louis Dorlet, L’Unique (n° 1, juin 1945), Le Monde libertaire (n° 1, octobre 1954), Pensée et Action (Bruxelles, 1945-1952) publié par Hem Day, Les Nouvelles Pacifistes (Paris, 1949-1950) organe de la Confédération Générale Pacifiste, Le Rebelle (Epinay-sur Seine, 1945) publié par Le Bot.

Alphonse Barbé est mort à Falaise le 21 novembre 1983.

A. Barbé fit paraître une dizaine de brochures. Citons les dernières : Le Problème démographique et la paix, broch. ronéotée, 1946, L’Art de vieillir, « conseils pratiques pour atteindre le grand âge », 34 p., s.d ; (1975).


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