Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

BROCHER, Gustave “REHCORB”

Né le 30 juin 1850 à Delle (Territoire de Belfort)- mort le 5 octobre 1931 — Libraire ; enseignant — Londres — Lausanne — Fiume.
Article mis en ligne le 5 novembre 2017
dernière modification le 8 août 2024

par Marianne Enckell, R.D.
Victorine & Gustave Brocher

Descendant d’une famille catalane protestante chassée d’Espagne, Gustave Brocher, dont le père était fouriériste, étudia la théologie à Genève et à Strasbourg. Il passa cinq ans en Russie comme précepteur, étudiant les langues et les nationalités caucasiennes, et s’ouvrit à la question sociale. De retour en France, il fut envoyé comme pasteur à Londres en 1873, mais quitta l’Église trois ans plus tard. Il gagnait sa vie comme enseignant, participait à la revue de Pierre Lavrov, entra en contact avec les milieux révolutionnaires et devint anarchiste sous l’influence de Paul Brousse. Sous son pseudonyme de Rehcorb, il fut secrétaire du comité d’initiative qui convoqua le Congrès international anarchiste pour le 14 juillet 1881 à Londres et rédacteur du Bulletin préparatoire.

Le Congrès, ouvert à tous les socialistes révolutionnaires en théorie mais très largement anarchiste en réalité, avait proposé un seul point à l’ordre du jour : la reconstitution de l’AIT, mais ce projet se révéla fort polémique dès la phase préparatoire, les champions de l’organisation s’opposant a ses détracteurs.
Selon Max Nettlau, 43 délégués (dont 19 résidant à Londres) représentaient quelque 60 000 personnes au congrès. Leurs mandats, recueillis par Brocher, se trouvent dans ses archives à Amsterdam ; Nettlau en a publié une récapitulation :

 L. Price ; Joseph Lane, Homerton Social Democratic Club ; Nicolas Tchaikovski, Slavonic Society London (mandat du secrétaire Lazar Goldenberg) ;
— Georges Herzig, Féd. jurassienne (remplaçant Jules Loetscher) ; Pierre Kropotkine, groupe du journal Le Révolté (mandat signé C. Thomachot, F. Dumartheray, Élisée Reclus, Charles Perron), Parti révolutionnaire lyonnais (mandat signé Pejot fils, Collard, J. Bernard, Bordat, Dupoizat, un illisible.) ;
 Petrowitsch, cercle Radnik (Belgrade) ;
 Carl Seelig, Sozialrevolutionärer Klub, New York, deutsche sozialrevolutionäre Gruppe, Philadelphia ; Carl Henze, Niederrhein ; Johann Neve, Sozialistische Arbeiter-Partei New York ;
— Stanislas Figueras, Unión de constructores de edificios de la Federación española et Federación regional española ;
— Sebastian Trunk, Kommunistischer Arbeiter Bildungsverein London ;
Josef Peukert, Deutscher Arbeiterverein Basel, Bern, revolutionäre Gruppen der Schweiz :
 Jean Miller, Club international de Paris (mandat signé Balthasar Grün, Otto Rinke, J. A. Goossens), Cercle d’études sociales de Levallois-Perret (mandat signé par le secrétaire T. Courapied et 9 autres, dont H. Ferré et Ch. Capt) ; Balthasar Hohn, sozial-revolutionäre Gruppe von Darmstadt, deutsche sozial-revolutionäre Gruppe Paris ;
 Moncada, Malatesta, groupe communiste anarchiste de Marseille ;
— Emmanuel Chauvière, Les Cercles réunis, Bruxelles ; Gérard Gérombou, groupes anarchistes d’Anvers et Bruxelles, Cosmopolitains de Bruxelles, Cercles L’Étincelle et L’Avenir de Verviers ; Kirschner (Kürschner ?), deutsche sozial-revolutionäre Gruppe, Bruxelles ;
— Orlando Demartys, Maynier, Charles Robin, Antolini, Cercle international d’études sociales, Londres (deux Français, deux Italiens) ;
— Edward Nathan-Ganz, Confederación de los trabajadores mexicanos ;
 Serraux (Egide Spilleux), La Révolution sociale, Paris ;
 Errico Malatesta, groupes d’Italie et d’Égypte ; Francesco Saverio Merlino, groupes italiens ; Vito Solieri, section anarchiste-communiste de Nice ;
— Ch. Ruzicka, section tchèque de la Slavonic Society de Londres ; Frank Kitz, Social democratic working men’s club London ; Gustave Brocher, Communauté icarienne, Iowa ; Lazar Goldenberg, commission d’organisation du congrès ; C. Hall, Club international de Londres ;
 François Guy, groupe anarchiste révolutionnaire La Plèbe de Béziers (mandat signé Louis Hébrard) ; Bouisson, Alliance des groupes socialistes révolutionnaires de Paris (au verso de la circulaire figurent les noms de Tressaud, Marseille ; Bernard, Lyon ; Verdale, Cette ; Pierre Martin, Vienne ; Morel, Amiens ; Pagès, Bédarrieux ; Tranier, Toulouse ; Enfroy, Troyes ; Dumas, Montchanin-les-mines ; Ricard, Saint-Étienne ; Marty, Béziers ; Thiery, Reims ; Faliès, Narbonne ; Dupré, Yonne ; Veaugeois, Paris ; Grave, Paris ; Courapied, Levallois-Perret ; Cafiero, Lugano ; Hayart, Perpignan ; Moulines fils, Perpignan) et Groupe des prolétaires communistes-anarchistes de Perpignan (13 signatures) ;
 Miss M. P. LeCompte, Boston Revolutionists ;
 J. De Bruyn, Association socialiste hollandaise ;
 Victorine Rouchy, groupes des 6e, 11e et 20e arrond. de Paris, Cercle anarchiste du 11e (mandat signé L. Roterman, secr.-corresp.), Cercle d’études sociales du Ve arr. (mandat signé Vaillat et Guillet) ; Émile Violard, groupe communiste-anarchiste révolutionnaire L’Alarme de Narbonne (mandat, 3 signatures) ; Émile Gautier, groupe du Panthéon, Groupe d’études sociales anarchiste révolutionnaire de Vienne (Isère), cercle Les Outlaws de Saint-Étienne (mandat signé Jean Ricard) ;
 Edwin Dunn, John Lord, Social democratic working men’s club ; A. Siegel, C. Hanke, Kommunistischer Arbeiter Bildungsverein East London ;
 Louise Michel, Cercles d’études sociales de Reims.

Le Congrès siégea du 14 au 19 juillet. Les congressistes s’accordèrent à peu près sur l’idée d’une coordination internationale mais donnèrent à l’autonomie le pas sur l’organisation. Ils se déclarèrent aussi en faveur de l’intensification de la propagande par l’écrit (avec une presse publique et des publications internes) et de la propagande par le fait ; une proposition de Nathan-Ganz sur l’importance de la technique et de la chimie fut atténuée par Kropotkine. Un bureau de renseignements de trois membres — dont Malatesta — fut mis en place à Londres au Club International de Rose Street et, dans les mois qui suivirent, des sections de langues différentes furent créées, sans résultat autre qu’une intensification de la correspondance et des contacts.

C’est lors du congrès que Brocher rencontra Victorine Rouchy Malenfant, qu’il épousa en 1885. Cette même année il devint membre de la Socialist League, organisation marxiste qui évolua vers l’anarchisme après 1887.

En 1892-1893, le couple s’établit à Lausanne où il tint une librairie, qui diffusait entre autres des publications clandestines russes et alimentait une bibliothèque anarchiste. Il s’installa en 1895 en banlieue (à La Clochatte, Le Mont-sur-Lausanne) pour ouvrir un institut de jeunes gens, qui servit aussi de refuge à des révolutionnaires russes, français et italiens. Brocher donna des conférences à la Maison du peuple de Lausanne, collabora avec des groupements russes de la ville, rédigea le journal de la Libre-pensée et écrivit dans nombre de journaux anarchistes.

De 1911 à 1914, il enseigna à l’Académie de Fiume. La guerre le surprit lors de vacances à Lausanne ; il devint alors un fervent partisan de la France et de l’Entente, et se consacra à la défense des nationalités en Russie, sous une forme fédérative assurant une large autonomie aux populations. Il était rédacteur du périodique La Russie libre (Lausanne, 1917-1918). Après avoir condamné la Révolution d’octobre, il devint membre des Amis de l’Union soviétique et travailla comme interprète à la Société des Nations pour l’Ukraine et l’Azerbaïdjan de 1918 à la fin de ces républiques indépendantes.

En 1920 et jusqu’en 1930, Brocher collabora régulièrement à la série de brochures des Temps nouveaux publiées par Jean Grave, sous la signature G. Rehcorb. Dans le numéro 4 (1920), il envoya une correspondance acide sur le grand capitalisme américain. Dans le numéro 5 (1921), ce fut un compte-rendu très critique du congrès de la SDN à Genève, ainsi qu’une correspondance sur la répression du mouvement ouvrier aux États-Unis. Dans le n. 6 (1921 ?) il rendait hommage à Kropotkine qui venait de mourir et se remémorait le congrès de Londres de 1881.

De retour à Lausanne, il alla vivre après la mort de sa femme en 1921 dans la famille d’une de ses filles adoptives, Mathilde Duport-Andignoux (fille du communard Andignoux), mariée à un pêcheur de Pully (Vaud). Vivant dans une grande pauvreté (les Russes lui avaient promis une petite pension, mais on ne sait pas si elle fut jamais versée), il continua à écrire et distribua ses livres à diverses bibliothèques (celle de la Maison du Peuple, la Bibliothèque cantonale, la Bibliothèque russe de Nicolas Roubakine).

« C’est lui — écrivit Jean Grave après sa mort — qui aurait pu publier des choses intéressantes, tant sur le mouvement que sur ce qu’il avait vu dans sa longue vie. Mais à la suggestion que je lui fis, il me répondit qu’il n’y avait que les vaniteux qui écrivaient leurs mémoires. »

Gustave Brocher est décédé le 5 octobre 1931 à Lausanne. Louis Bertoni prononça un discours lors de son incinération au centre funéraire de Montoie (Lausanne).

Œuvre : Essai sur les principales nationalités de la Russie, Lausanne, 1918. — Jésus est-il un personnage historique ? Mythe ou réalité ? Lausanne, 1921. — Absurdités et atrocités de la Bible, 1926. — « Athéisme », in Encyclopédie anarchiste (1931). — Publications de la Révolte et des Temps nouveaux, 1920-1930, passim.


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