Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

GOLDBERG, Mécislas

Né le 21 octobre 1868 à Plock (Pologne russe) — mort le 28 décembre 1908 — Journaliste ; écrivain — Genève — Paris — Londres
Article mis en ligne le 18 juillet 2013
dernière modification le 8 août 2024

par ps
Mecislas Goldberg

« Anarchiste militant en son printemps, Mécislas Goldberg ne l’était plus en un automne prématuré », telle est l’opinion émise (cf. Souvenirs sans fin, p. 91) par André Salmon.

En effet, Mécislas Goldberg fut une figure certes originale, mais assez éphémère du mouvement anarchiste, à la fin du XIXe siècle. Dans son pays natal, il avait quitté très jeune le collège pour travailler. Il partit pour Genève où il entreprit des études médicales, études qu’il ne devait jamais achever. Il fut reçu licencié ès sciences de l’Université de Genève, le 14 juillet 1891. Quelques mois plus tard, il partait pour Paris.

Issu d’une famille israélite polonaise de la bourgeoisie, Goldberg, que la ruine de son père avait laissé sans ressources, vécut alors en vagabond.
À la fin de 1892, il tenta de s’empoisonner. Ce suicide manqué lui redonna goût à la vie : d’autre part, son propre dénuement lui fit comprendre la situation misérable de tous les vagabonds ou chômeurs, et il se jeta dans la lutte sociale.

En 1894, il fonda un journal Le Courrier social qui n’eut sans doute que deux numéros. Le 4 juillet 1895, Mécislas Goldberg faisait paraître le premier numéro de Sur le Trimard, organe des sans-travail, et cette parution fut signalée par Les Temps nouveaux (6 juillet 1895) et 4 numéros parurent dont deux sous forme de revue. Pour Goldberg, le vrai prolétaire est celui qui n’a rien à perdre comme rien à attendre de la société actuelle, et il soutenait que « La Révolution sociale ne pouvait être l’œuvre du Quatrième État, organisé et hiérarchisé avec ses syndicats et ses groupes politiques, mais bien du Cinquième État que constituaient les irréguliers du travail, les ouvriers disqualifiés, les vagabonds réfractaires et trimardeurs » (A. Zévaès, Ombres et Silhouettes, p. 50).

Le troisième numéro de Sur le Trimard daté d’octobre 1895 se présenta sous forme de revue. Goldberg s’attaquait aux syndicats et il y développait la thèse dans laquelle les salaires et les conditions de travail des ouvriers professionnels syndiqués dépendaient de la pression exercée sur le marché du travail par « l’armée industrielle de réserve », les sans-travail ; et il voyait la régénération de la société par le lumpen-prolétariat. Fin 1895 il collabora égaiement au Libertaire.

Collaborateur, en 1896, de La Renaissance, journal anarchiste individualiste de Martinet, un « compagnon » suspect aux yeux de certains, Goldberg y critiqua le mouvement syndical en un temps où les anarchistes voyaient dans cette forme d’action un moyen de pénétrer les masses, aussi fut-il lui-même tenu à l’écart.

Un arrêté d’expulsion ayant été pris contre lui le 26 décembre 1896 après qu’il ait été arrêté à la sortie d’une réunion à la salle du Commerce, il demanda à partir pour Londres où, s’étant fait marchand de café ambulant, il vécut neuf mois dans des conditions fort misérables.
A Paris, un petit groupe de ses partisans, appelé Les Négateurs et composé surtout d’étudiants, se réunissait salle de la Montagne Sainte-Geneviève et dont l’un des animateurs était Calixte Toesca. Des membres des Négateurs se réunissaient également à Ménilmontant et à Choisy-le-Roi.

Dans une lettre adressée de Londres début janvier 1897, après avoir rappelé la répression et le péril clérical dans divers pays d’Europe, il concluait : « L’Anarchie fut toujours l’idée des pauvres et la Révolution qu’elle rêve ne peut être que celle des gueux. Aussi pour résumer toute notre haine contre les parlements, les prisons et les églises, contre les bagnes des usines et des foyers, contre les tortures des anarchistes de Barcelone et celles des miséreux de Paris, nous terminons en poussant le cri de : Vive la révolution des gueux ! Vive l’anarchie ! » (cf. Le Libertaire, 22 janvier 1897).

Puis il revint clandestinement à Paris vers la fin de 1897. Le 23 février 1898, il reprenait la publication de Sur le Trimard qui voulait être non plus l’organe des sans-travail, mais un périodique consacré à l’économie, la sociologie et l’art, et une tribune pour la défense de Dreyfus.
Goldberg fut à nouveau expulsé et Sur le Trimard cessa de paraître en 1899.

Après la suspension le 20 janvier 1900 de l’arrêté d’expulsion, il obtint finalement un permis de séjour et collabora à La Plume, ouverte aux jeunes écrivains, poètes et artistes ; en 1903-1904, il assista aux « Soirées » organisées par la revue qui réunissaient, entre autres, Apollinaire, Jarry, A. Salmon. Il habitait alors une toute petite chambre rue de la Tombe-Issoire (14e arr.). Le 6 janvier 1906, l’arrêté d’expulsion dont il était l’objet, fut rapporté.

En 1906-07 il collaborait aux Cahiers de l’université populaire (Paris).

On peut se représenter Mécislas Goldberg grâce à un article d’Henri Poulaille dédié au dessinateur André Rouveyre (cf. Le Libertaire, 21 avril 1924) : « Un long cadavre maigre, debout sur ses jambes grêles. Deux yeux fixes et brillants de fièvre au-dessus d’un nez en bec d’aigle, la bouche comme tordue d’amertume. Surtout les yeux arrêtent l’attention, deux yeux, lacs d’acier brûlant dans le paysage d’un visage osseux. Tel était Goldberg au physique et c’est ainsi que l’admirable dessinateur Rouveyre nous a tracé son portrait dans une page émouvante ».

Goldberg, qui avait écrit « Je me lève pur faire œuvre d’homme ; c’est pour cela que je m’éveille », trouva asile au sanatorium d’Avon grâce à André Rouveyre et c’est là qu’il mourut, miné par la tuberculose le 28 décembre 1908 (cf. A. Salmon, Souvenirs sans fin, 1re époque 1903-1908, p. 61).

Le fils de Mécislas Goldberg, Mécislas Charrier (du nom de sa mère), qui avait eu pour berceau le tiroir d’une commode et avait été abandonné par son père à l’âge de cinq ans, fut guillotiné le 2 août 1922 pour sa participation à l’attaque du rapide Paris-Marseille le 21 juillet 1921.

Oeuvre : Nombreuses et ignorées, elles s’échelonnent de 1895 à la mort de Goldberg, 1907. On consultera l’article (Le Libertaire, 21 avril 1921) cité de Poulaille qui écrivait : « Nous n’avons aucune crainte quant à sa gloire. Elle aura été tardive, mais elle sera sûre, bien assise ».

 Immoralité de la science (1895) ; — Vers l’amour (poésies, 1901) ; — Prométhée repentant (1895) ; — Parmi les sources (1901) ; — Lettes à Alexis (1906) ; — Fleurs et cendres (1907) ; — La morale des lignes (1907).


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