Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

COMBES, Henry, Emmanuel, Jules

Né le 21 novembre 1887 à Saint-Sever-sur-l’Adour (Landes) — mort en décembre 1925 — Sténographe — FRC — FCA — CGT — Bordeaux (Gironde) — Paris — Londres
Article mis en ligne le 25 janvier 2007
dernière modification le 8 août 2024

par Guillaume Davranche, R.D.

Fils de Bonaventure Combes, terrassier, et de Jeanne Besson, ménagère, Henry Combes fut élève à l’École pratique de commerce de Béziers jusqu’à l’âge de 17 ans. Au début des années 1900 il fut inscrit à l’état vert n°2 des anarchistes disparus et/ou nomades. En novembre 1906 il s’installa à Bordeaux où il adhéra au mouvement anarchiste et à la CGT. Dès le 7 juillet 1907, il était assesseur à une réunion publique à Créon, à la suite de laquelle la police perquisitionna son logement, 13 rue de Brach à Bordeaux. C’est sans doute à cette époque qu’il se lia avec Vassili Gambachidzé.
En 1908, la police le considérait comme le « meneur » du groupe anarchiste de Bordeaux, qui s’affilia brièvement à la Fédération anarchiste de Seine et de Seine-et-Oise (voir Marceau Rimbault). De mai à juillet 1908, il fut employé aux Pêcheries de Gascogne, à Arcachon.

En mars 1909 il gagna Paris. La police de Bordeaux télégraphia alors son signalement à la Sûreté générale : « 1 m 63 ; front large, menton rond, cheveux et sourcils blonds, yeux gris, visage ovale, nez bouche moyen, teint mat, moustache blonde, parle lentement, air narquois ». Elle oublia de mentionner qu’il boitait de la jambe droite, raison pour laquelle il avait été réformé de l’armée.

À l’été 1909, en tant que membre de la section des écoles du Comité de défense sociale (CDS), Henry Combes s’engagea dans la défense de Gambachidzé menacé d’expulsion. C’est lui qui signa tous les articles du Libertaire relatifs à l’affaire. En août, il fut un des délégués de la minorité révolutionnaire au congrès de la fédération des Employés.

Il rencontra ensuite Georges Durupt, avec qui y allait former un tandem militant pendant quelques années. En octobre 1909, avec René Dolié, ils lancèrent le périodique Les Révoltés dont le premier numéro parut le 25 septembre et était illustré du dessin Vive l’Anarchie ! de Delannoy. Au deuxième et ultime numéro (novembre 1909) les rédacteurs avaient écrit : « Les Révoltés ne pourront pas paraître toutes les semaines comme nous l’avions annoncé. Nous confessons sans fausse honte notre échec. En disant la vérité sur notre situation, nous réussirons peut-être à mieux faire comprendre notre opinion… »

Le 31 décembre 1909, lors d’une réunion du groupe La Libre discussion 62 rue de l’Hôtel de ville, il avait fait l’apologie de l’idée anarchiste communiste, et, parlant des gestes de Ravachol et Émile Henry, avait déclaré que ce fut la seule époque vraiment anarchiste : Depuis, on a fait de la théorie et on a abandonné les gestes qui pourtant étaient appelés à secouer les énergies endormies ».

Au printemps 1910, il fut membre du Comité révolutionnaire antiparlementaire (voir Grandjouan) et participa à sa campagne en tant que candidat abstentionniste dans la 3e circonscription de Paris 18e.

Henry Combes, qui en mai 1910 avait participé à la fondation de la Fédération libertaire de l’Est parisien — avec notamment Grandjouan, Matha, H. Cachet, Bessede dit Silvaire et Dolié — collabora à l’hebdomadaire L’Insurgé (Limoges, 63 numéros du 20 mars 1910 au 29 mai 1911) qui faisait suite au Combat Social et dont le gérant était Petitcoulaud.

Ce même mois de mai 1910, il cofonda le Groupe d’action syndicaliste, minorité révolutionnaire de la Chambre syndicale des employés parisiens (CGT), dont il fut le délégué. Il habitait alors 15, rue André-del-Sarte, à Paris 18e. Le Groupe d’action syndicaliste militait pour la fusion de la Chambre syndicale avec le Syndicat des employés de la région parisienne, de tendance révolutionnaire. Combes cosigna dans ce sens, avec Buhecker et Danré (sténographes), Billon et Loignon (comptables) et Escat (courtiers représentants), une déclaration publique qui fut reproduite par Terre libre le 1er juin 1910.
À la même période, Combes et Durupt créèrent l’Alliance anarchiste communiste, un groupe qui se fixait pour objectif de fonder une fédération anarchiste communiste.

Le 12 septembre 1910, il fut désigné à la commission de réorganisation du Libertaire (voir Pierre Martin), qui réorienta l’hebdomadaire pour en faire un organe exclusivement anarchiste communiste et prosyndicaliste révolutionnaire. Cependant il en fut mis à l’écart dès novembre pour avoir pris des libertés coupables avec le titre. À l’occasion de la grève des cheminots d’octobre, Combes, Dolié et Durupt avaient en effet fait imprimer, sans prévenir le reste de la rédaction, deux éditions spéciales du Libertaire, encourageant les tentatives d’attentats (« La dynamite a parlé » et « Gare à la bombe »). À la suite de quoi les locaux du Libertaire avaient été perquisitionnés par la police, et 3 militants arrêtés.

Mis à l’écart du Libertaire, Combes et Durupt fondèrent le Groupe anarchiste de Montmartre, qui compta dans ses rangs Laussinotte, André Mournaud, René Dolié et Henri De Bläsus (ou Debläsus).

En octobre-novembre 1910, Henry Combes fut un des principaux protagonistes du lancement de la Fédération révolutionnaire communiste (FRC), attaquant violemment les hervéistes qui voulaient en faire une section du Parti révolutionnaire lancé par Miguel Almereyda. Le 13 novembre 1910, lors de la réunion, 70 rue des Archives, de la Fédération, il avait répondu à Goldsky le délégué de La Guerre sociale, qu’on ne voulait « ni pontifes, ni bureaux et qu’on repoussait toute autorité » avant d’ajouter : « Nous ne voulons pas abattre la société actuelle pour faire de Victor Méric le préfet de police de demain… Nous sommes anti-étatistes, nous sommes contre toute autorité ; nous lutterons jusqu’au bout pour instaurer notre grande cité communiste anarchiste… »

Ayant emporté la majorité, il prit la parole au tout premier meeting de la FRC, le 26 novembre 1910 à la Maison commune de Paris 3e, aux côtés de Durupt et d’Henri Cachet. À la même époque, avec Durupt et Dolié, il chercha, sans succès, à lancer un nouvel organe anarchiste communiste et tenta d’organiser un groupe à Montmartre, se mettant en rapport dans ce but avec les anarchistes espagnols du groupe La Famille nouvelle de La Villette.

En 1911, Henry Combes devint secrétaire du sous-comité de la grève générale de l’union des syndicats de la Seine. Le 31 août, en pleine crise d’Agadir, il fut chargé d’adresser un questionnaire à l’ensemble des syndicats pour leur demander ce qu’ils étaient prêts à faire contre la guerre et pour une grève générale.

Le 24 septembre 1911, il prit la parole à ce titre au grand meeting contre la guerre à l’Aéropark, à Paris. Le jour même, il fut inscrit au Carnet B. Il y avait dit qu’en cas de mobilisation, les travailleurs devraient immédiatement partir en grève générale, sans attendre de mot d’ordre de la confédération, car celle-ci serait certainement décapitée par la répression. L’avant-veille, il avait préconisé le sabotage de la mobilisation dans un meeting similaire organisé par les Charpentiers, Serruriers, Menuisiers et Bijoutiers dans la cour de la Maison des fédérations, impasse de la Grange-aux-Belles.

En octobre 1911, Henry Combes fut un des fondateurs du Club anarchiste communiste dont le siège se trouvait au 25 rue de Clignancourt (XNIIIe arr.) — puis au café coopératif du 49 rue de Bretagne — et cosigna son manifeste (voir Albert Goldschild).

Le 10 mars 1912, il fut arrêté pour avoir crié « À bas l’armée ! Vive Rousset ! À bas les assassins » lors du passage d’une « retraite en musique » sous ses fenêtres. Il habitait alors 93, boulevard Magenta, à Paris 10e. Il fut condamné à six jours de prison par le tribunal correctionnel. Pierre Laval était son avocat.

De mars à mai 1912, Henry Combes fut le secrétaire du Comité antiparlementaire révolutionnaire, dont le trésorier était Lucien Belin, qui mena une campagne abstentionniste à l’occasion des élections municipales de mai 1912 et était formé de 25 personnalités anarchistes et/ou syndicalistes révolutionnaires : Lucien Belin (trésorier), Grégoire Banghart, Charles Benoît, Henri Beylie, Arthur Bodechon, Lucien Charlier, Auguste Dauthuille, Francis Delaisi, Georges Durupt, Pierre Dumas, Fernand Desprès, André Girard, Albert Goldschild, Eugène Jacquemin, François Marie, André Mournaud, Mualdès, Pierre Monatte, Joseph Ouin, Marc Pierrot, Eugène Péronnet, Édouard Sené, Jean-Louis Thuillier et Albert Togny.

En août 1912, Henry Combes cofonda avec E. Boudot, le mensuel Le Mouvement anarchiste (Paris 7 numéros d’août 1912 à janvier 1913), édité par le Club anarchiste communiste. Le journal fut domicilié chez lui, au 36, rue Rochechouart, à Paris 9e, où il habitait avec sa compagne, Denise Aubry (née à Mantes vers 1889). Le Mouvement anarchiste s’affirma rapidement comme l’organe de la gauche de l’anarchisme et des « ultras » du syndicalisme révolutionnaire. Henry Combes y signa tantôt sous son vrai nom, tantôt sous celui d’Emmanuel Besson.

Après l’arrestation de Louis Lecoin, Henry Combes devint, le 19 novembre 1912, secrétaire par intérim de la Fédération Communiste Anarchiste (FCA) où il était chargé de l’organisation et de la propagande, tandis qu’Edouard Boudot, l’autre secrétaire par intérim, était chargé de la correspondance. Combes appartenait en outre à l’Union des syndicats de la Seine et était inscrit au Carnet B.

Les 24 et 25 novembre 1912 il fut délégué au congrès extraordinaire de la CGT contre la guerre, à Paris. Il s’y distingua en distribuant, avec Gaspard Ingweiller, un rapport du Syndicat des métaux de la Seine qui préconisait le sabotage de la mobilisation. À la tribune, Combes estima qu’il ne fallait pas « s’illusionner sur les moyens préventifs contre la déclaration de guerre. Nous ne devons pas croire aux sentiments humanitaires de nos gouvernements, ils n’en ont pas ». Pour lui, les meetings contre la guerre devaient servir moins à impressionner Poincaré qu’à préparer l’insurrection qui devrait répondre à l’ordre de mobilisation. « Il ne faut pas qu’on croie que nous avons peur de la guerre, insista-t-il, il faut qu’on sache que nous sommes prêts, s’il y a la guerre, à faire la révolution, à réaliser la transformation sociale. »

Accusé de campagne antimilitariste et objet de poursuites (voir Pierre Ruff), Combes se réfugia d’abord en Belgique puis en Angleterre chez son frère à Londres et fut remplacé par Jahane à la direction de la FCA. Le 16 décembre, de Londres, il écrivit une lettre au juge Drioux revendiquant la paternité de l’article Comment nous saboterons la mobilisation paru dans les numéro 4 de la revue Le Mouvement anarchiste et disculpa Ruff, Lecoin et Boudot. Par défaut, il fut condamné à cinq ans de prison et 100 francs d’amende le 4 février 1913.

Durant toute la guerre, Combes — qui était d’ailleurs exempté du service militaire pour claudication — vécut avec Denise Aubry au 9, Barny Street, Ampthill Square, à Londres.

En janvier 1915, il participa au lancement du manifeste L’Internationale anarchiste et la guerre, hostile à l’union sacrée. Pierre Martin l’ayant assuré que, pour des raisons de sécurité, il ne serait pas possible de récolter des signatures en France, il fut le seul Français, avec Édouard Boudot et Jules Lemaire, à signer ce texte.

Le 19 juin 1915, son avocat, Pierre Laval, écrivit au ministère de l’Intérieur pour demander si Henry Combes pouvait être autorisé à rentrer en France sans avoir à subir l’exécution de sa peine. Réponse négative.
Après la guerre il resta à Londres où il devait décéder en décembre 1925.


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