Fils d’une juive polonaise et d’un juif allemand réfugiés en France après avoir fui le nazisme, Roland Lewin était né à Paris mais fut élevé à Grenoble en zone sud où ses parents s’étaient repliés.
A la fin des années 1950, devançant l’appel sous les drapeaux et par ennui du collège — « Dès mon plus jeune âge, j’ai dû interrompre mon éducation pour aller à l’école »-, il s’engageait dans la Marine nationale et évitait ainsi d’être envoyé en Algérie.
Après sa démobilisation, il adhérait à la Fédération anarchiste dont il allait être dans la décade des années 1960 l’un des principaux animateurs à Grenoble. Parallèlement il était le responsable avec son ami René Bianco de la Commission d’histoire de la FA et collaborait au Monde Libertaire avec essentiellement des articles sur l’histoire de l’anarchisme allemand et notamment sur Eric Mühsam dont il allait publier une petite biographie. Il collabora aussi dans ces années mais de manière épisodique à Liberté (Paris, 1958-1971) de Louis Lecoin et à Recherches libertaires (Strasbourg, 1966-1972) où dans le n°4 (septembre 1967) il publia son étude sur Erich Mûhsam. Etant à l’époque l’un des rares compagnons à comprendre le yiddish, il fut à l’occasion sollicité pour les traductions et courriers de la Commission préparatoire du congrès international des fédérations anarchistes tenu à Carrare à l’été 1968.
Devenu journaliste pigiste au Dauphiné libéré, Roland Lewin, qui n’avait pas le bac, parvenait à rentrer par équivalence à l’Institut d’études politiques où il fut tour à tour chargé de cours, assistant puis maître de conférences après avoir soutenu en 1978 une thèse de troisième cycle sur Sébastien Faure et l’éducation libertaire.
Roland Lewin, qui avait quitté la FA en 1970, était également membre du Centre international de recherches sur l’anarchisme (CIRA) de Marseille, de l’ordre maçonnique mixte Le Droit Humain, l’un des animateurs du Cercle judaïque Bernard Lazare de Grenoble et du planning familial régional. Il fut également l’un des organisateurs en 1992 d’un colloque sur le militant communiste allemand Willy Münzenberg, ancien responsable du Komintern devenu antistalinien en 1937, disparu mystérieusement en 1940 –sans doute assassiné sur ordre de Staline — et dont ses parents avaient été des proches.
Roland Lewin était un amoureux fou des livres — « une passion qui me ruine, me dévore littéralement » aimait-il à dire et de la bibliographie. Dans son appartement à Grenoble, il n’était possible de se déplacer que dos collé au mur, l’ensemble des pièces, du sol au plafond, étant occupées par des montagnes de cartons de livres. Il lui arrivait souvent de devoir racheter des exemplaires d’ouvrages dont il ne savait plus ou ils étaient sinon qu’ils étaient quelque part dans un de ces cartons devenus inaccessibles.
Il participa à de nombreux colloques dont La quinzaine yiddish (Grenoble février 1981) où il présenta la communication Judaïsme et révolution, le colloque Terreur et représentation (Grenoble novembre 1993), Littérature et anarchie (Grenoble mats 1994) où il présenta la communication Littérature et anarchisme en Allemagne sous la République de Weimar, La Révolution espagnole de 1936 » (Grenoble avril 1996), L’extrême droite en France de 1880 à nos jours (Dublin, mars 1998).
Roland Lewin, fidèle à ses idéaux laïcs et libertaires — « À vivre sans faire de concessions, on se crée quelques inimitiés, mais on y gagne le privilège d’être entouré de gens exceptionnels » — est décédé à Grenoble le 18 novembre 2009. Il était sur le point de terminer alors à une volumineuse biographie de W. Münzenberg.
Oeuvres : — Erich Mühsam (Ed. du Monde libertaire, 1968) ; — Sébastien Faure et la Ruche ou l’éducation libertaire (ed. Ivan Davyn 1989).
Il fut également à l’origine et préfaça la réédition du premier témoignage paru en français en 1934 sur l’univers concentrationnaire nazi Oranienburg 1933 de Gerhart Seger La Pensée sauvage, 1983), collabora au Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français (ou Maitron), à l’ouvrage collectif Grenoble et le Vercors de la Résistance à la Libération (La Manufacture, 1985) et fut l’auteur de la postface et des notes de l’édition du livre La République des conseils de Bavière d’Erich Mühsam (Ed. La Digitale, 1999).
Outre ses articles dans Le Monde Libertaire, il collabora notamment à la revue Silex pour y dénoncer le père du négationnisme français Paul Rassinier dans un article intitulé Paul Rassinier ou la conjonction des extrêmes (n°26, 1984) et fut le co-responsable du numéro spécial de la revue Communisme (n°38-39, 1994) sur Willi Mûnzenberg.