Dictionnaire international des militants anarchistes
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MAITREJEAN, Rirette [ née ESTORGES Anna]
Née le 14 août 1887 à Saint-Maixant (Corrèze) - morte le 14 juin 1968 - Correctrice - CGT – Paris - Belgique
Article mis en ligne le 20 juillet 2011
dernière modification le 22 mars 2024

par R.D., René Bianco

Vers 1904, Anna Estorges vint à Paris et fréquenta les milieux lanarchistes individualistes à partir de 1906. Dans ses souvenirs elle décrivait aini son parcours : « …je suis partie vivre ma vie. Je suis allée tout droit chez les intellectuels, parce qu’avec eux, au moins, on peut parler. Les conversations occupent une très grande place chez les anarchistes. Pour commencer, il fallait tout de même que je me colle une étiquette. Est-ce que j’allais être individualiste ou communiste ? Je n’avais pas le choix. Chez les communistes, la femme occupe une place tellement inférieure qu’on ne lui adresse jamais la parole, même quand on se met en ménage avec. Faud dire ce qui est : chez les individualistes, c’est presque la même chose. Bref, j’ai donné ma préférence à l’individualisme ».

Elle épousa Louis Maîtrejean, sellier de son métier et anarchiste individualiste, dont elle eut deux filles. Son mari fut condamné le 9 juin 1910 par la cour d’assises de Melun (Seine-et-Marne) à cinq ans de réclusion et 100 f d’amende pour fabrication et émission de fausse monnaie ; il avait déjà été condamné pour port d’arme à six jours de prison, le 6 novembre 1905.

Rirette devint alors la compagne de l’anarchiste Maurice Vandamme, dit Mauricius. Elle partit pour la Belgique d’où, selon un rapport de police, elle fut, en août 1909, expulsée ainsi que son ami Kibaltchiche. Dans ses Mémoires, Victor Serge — Kibaltchiche, affirme avoir fait connaissance de Rirette Maîtrejean au siège du journal L’anarchie dont elle fut une première fois directrice, février-décembre 1909. En juillet 1911, Rirette succéda à Lorulot à la direction du journal dont le siège, en octobre, fut transféré de Romainville (Seine) à Paris, rue Fessart, XIXe arr. Elle était à la même époque l’administratrice du journal italien L’Universita popolare (Paris, 1911), dont le directeur était Luigi Molinari et dont le siège était le même que celui de L’anarchie qui était également fréquenté par un groupe de jeunes illégalistes -Callemin, Carouy, Garnier, Valet, Soudy - liés à Jules Bonnot.

Elle participa, semble-t-il aux activités du groupe Les Réfractaires animé par E. Armand et Jacob.

Arrêtée le 20 mars 1912, après que la police ait découvert au siège de L’anarchie, deux revolvers provenant du hold-up de la rue Lafayette, Rirette Maîtrejean comparut devant la cour d’assises de la Seine, le 3 février 1913, sous l’inculpation de recel de malfaiteurs et fut acquittée tandis que son compagnon Kibaltchice était condamné à 5 ans de réclusion. Elle épousa son ami Victor Serge le 4 août 1915 ; elle divorça le 14 février 1927 (Serge se serait-il remarié dès 1919 ?).

Dans Souvenirs d’Anarchie, publiés en août 1913 par le journal Le Matin, Rirette Maîtrejean condamna les illégalistes : « Puissent ces mémoires… arrêter sur la pente dangereuse les égarés que de mauvais exemples ou d’imprévoyants desseins destineraient à devenir le jouet, tôt brisé, des illusions illégalistes… Derrière l’illégalisme, il n’y a pas même des idées. Ce qu’on y trouve : de la fausse science et des appétits. Surtout des appétits. Du ridicule aussi et du grotesque… ». À quoi Lorulot répliquait : « C’est du mensonge, de la haine, et surtout de la bêtise […] Et dire que cette honnête dame se fait professeur de morale ! Et dire que ce sont ces gens-là qui m’ont vilipendé, qui nous ont attaqués et salis ! » (L’Idée libre, n° 23, octobre 1913).

Après la guerre de 1914-1918, Rirette Maîtrejean cessa toute activité militante. Cependant, elle collabora à la Revue anarchiste dans les années trente, et elle fut, en 1951, une des premières abonnées de la revue Défense de l’homme. Elle collabora, en 1959, au journal Liberté, fondé par Louis Lecoin.

Admise au syndicat des correcteurs le 1er janvier 1923, elle exerça son métier notamment aux journaux le Soir, Paris-Soir, puis, après la Seconde Guerre mondiale, à Libération jusqu’en 1953.

Rirette Maitrejean mourut à l’hospice de Limeil-Brévannes (Seine-et-Oise) le 14 juin 1968.

En 1988, les éditions la Digitale, à Quimperlé, ont publié ses Souvenirs d’anarchie, rédigés en 1913 et dont une édition suédoise était parue en 1914 (137 p.).


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