Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

MOWBRAY, Charles, Wilfred

Né à Durham en 185 ? — mort en décembre 1910 — Tailleur d’habits — Norwich & Londres (Grande-Bretagne) — Boston & New York (États-Unis)
Article mis en ligne le 20 janvier 2011
dernière modification le 5 août 2024

par Nick Heath, R.D.

Après avoir fait son service militaire, Charles Mowbray était parti pour Londres où il allait vivre dans les taudis de Boundary Street. Autodidacte il allait commencer à faire de la propagande avec Kitz et adhérer à la Socialist League une scission socialiste révolutionnaire de la Fédération sociale démocrate.

En 1885 il participait activement aux meetings en plein air et le 20 septembre fut battu par la police et arrêté avec d’autres orateurs dont Kitz et William Morris. En 1886 il fut l’organisateur de plusieurs meetings de chômeurs à Norwich où il fut nommé secrétaire de la section locale de la Socialist League. L’année suivante il fut impliqué avec Fred Charles et Frederic Henderson dans l’émeute ayant suivi un meeting de chômeurs (épisode connu sous le nom de Bataille de Ham Run) ce qui lui valut d’être condamné à neuf mois de prison et d’être interné à la prison de Norwich Castle. A sa libération en octobre 1887, il avait été accueilli par des manifestants pourtant le drapeau rouge et des piques coiffées du bonnet rouge.

Charles Mowbray qui avait épousé la fille d’un communard exilé, participait régulièrement au meeting annuel de célébration de la Commune de Paris ainsi qu’à celui célébrant les martyrs de Chicago. Il y fut souvent l’un des orateurs aux cotés de Kropotkine, Louise Michel et Malatesta. Il présida également un meeting de Lucy Parsons, la veuve de l’un des martyrs de Chicago, à Norwich.

En 1889, il fut, aux cotés notamment de JohnTurner et de Woolf Wess, l’un des membres élus du Comité de grève des ouvriers tailleurs dans le West end et l’East End. La grève, qui dura trois semaines, se termina par une victoire. Il développa alors de très fortes relations avec les travailleurs juifs de l’East End et parla souvent au Club anarchiste de Berners Street. Il défendait à cette époque les thèses de la propagande par le fait.

En 1891, avec Fred Charles, il se lança dans une propagande antimilitariste intense, visitant les casernes de Rochester, Colchester et Chatham où des millliers de brochures et d’exemplaires du journal Commonweal (contenant un appel aux soldats de refuser de tirer sur les ouvriers) furent distribués. Cette même année il participa également à une grève des loyers à Boundary Street et en août fut l’orateur avec Louise Michel lors de la réunion organisée afin de publier l’organe anarchiste yiddish Arbeter Fraint.

En 1892, lors de l’affaire des bombes de Walsall — une provocation policière (voir Auguste Coulon) dans laquelle furent arrêtés cinq militants anarchistes dont Fred Charles et Victor Cails — il avait écrit dans Commonweal un éditorial avec David Nicoll, soutenant les inculpés, ce qui lui valut d’être inculpé « d’incitation au meurtre ». La police vint l’arrêter à son domicile où sa compagne venait tout juste de décéder de tuberculose. Pendant son emprisonnement, ce sont les camarades du Club anarchiste de Berners Street et Yanovsky qui organiseront les funérailles de sa femme auxquelles participeront plusieurs centaines de personnes et où Louise Michel aurait pris la parole. En mai 1892, lors du procès il fut finalement acquitté tandis que David Nicoll était condamné à 18 mois de travaux forcés.

Charles Mowbray fut l’un des des anarchistes, avec notamment Gustav Landauer, à être exclu lors du congrès de la Seconde Internationale au congrès tenu à Zürich à l’été 1893 où, suite aux déclarations traitant les anarchistes “d’agents provocateurs” ou “d’inconscients”, il avait notamment déclaré : « En Angleterre il y a quantité d’ouvriers qui pensent qu’un congrès n’est pas un tribunal d’inquisition et n’a pas à prononcer d’anathème. Sommes nous dans un congrès ouvrier ou dans une simple réunion de socialos-démocrates ? je ne suis ni un agent provocateur, ni un imbécile. Je suis un bon et convaincu trade-unioniste. Eh bien, je maintiens qu’il n’y a rien d’incompatible entre le fait d’appartenir à un groupement et l’opinion anarchiste… Vous n’avez pas le droit de fermer par avance la porte au nez des anarchistes. Vous ne pouvez pas dire : C’est un anarchiste crucifiez-le !… Regardez ces murs, que lisez vous ? : Travailleurs unissez vous ! Et vous voudriez commencer par voter des catégories et des exclusions ! »

Avec la vingtaine de compagnons exclus il tint alors un nouveau congrès où il fut décidé d’orienter l’agitation vers les milieux ouvriers. Mowbray écrivit à cette époque un article appelant à la solidarité entre travailleurs et chômeurs, l’abolition du travail à la pièce et pour la journée de huit heures. En 1894, aux cotés de Saul Yanovski l’éditeur de Arbeter Fraint, il organisa un très grand nombre de meetings dans l’East End puis alla aux États-Unis où il fut l’orateur de nombreuses réunions sur toute la côté est où il dénonçait le réformisme trade-unioniste et appelait à la révolution sociale.

Le 28 décembre 1894 il fut finalement arrêté à Philadelphie et inculpé « d’incitation à l’émeute et à la sédition ». Voltairine de Cleyre, qui avait présidé le meeting de Philadelphie, organisa immédiatement un Comité de soutien qui obtint l’abandon des charges. Charles Mowbray s’installa alors comme tailleur à Boston où sa famille le rejoignit en avril 1895. Á l’été 1895 il participa à une nouvelle tournée de conférences notamment à Chicago et Saint-Louis où les meetings furent attaqués par la police.

Parallèlement il organisait le groupe anarchiste communiste de Boston et fondait avec Harry Kelly le mensuel anarchiste communiste The Rebel (1895). Devenu le secrétaire de l’Union Cooperative Society des tailleurs, il ne tarda pas à orienter cette société ouvrière vers l’anarchisme. Toujours avec Kelly il fonda un nouveau journal The Match qui n’eut que deux numéros. Puis il alla s’installer à New York puis à Hoboken où il ouvrit un saloon et commença à développer un sérieux gout pour la boisson.

Après l’assassinat du Président américain McKinley par un anarchiste, il fut expulsé en 1903 et retourna à Londres où, dès l’année suivante il fut très impliqué dans la grève générale organisée par les anarchistes juifs du journal Arbeter Fraint : il fut l’un des orateurs du meeting de 5000 ouvriers auquel participèrent également Rocker, Malatesta, Kitz, Mainwaring et le syndicat des boulangers juifs à Whitechapel. Puis avec John Turner et Guy Aldred il fut impliqué dans la tentative de former l’Industrial union of direct actionits en 1907.

Devenu alcoolique il abandonna bientôt ses positions politiques avant de décéder d’une attaque cardiaque en décembre 1910 dans une chambre d’hôtel à Bridlington. « La triste conclusion d’une carrière active d’anarchiste » comme le constata Guy Aldred.

Nick Heath


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