Dictionnaire international des militants anarchistes
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PADROS, Jaume [VILAJUANA PADROS alias]
Né à Pueblo Nuevo (Barcelone) le 7 octobre 1890 – mort en 1982 - Ouvrier du textile ; ouvrier fraiseur - MLE – CNT – CGT – CGTU - Cerdanyola & Barcelone (Catalogne) – Lyon (Rhône) – Vienne (Isère)
Article mis en ligne le 11 octobre 2010
dernière modification le 22 février 2024

par Claire Auzias, R.D.
Jaume Padros

Né dans une famille ouvrière catalane installée à Pueblo Nuevo (Poble Nou) où son père travaillait comme ouvrier tonnelier et où sa mère possédait une patente pour vendre de la viande d’agneau, Jaume Padros – dont le véritable nom était Juan Vilajuana Padros - eut une enfance relativement insouciante jusqu’à l’âge de 8 ans où il devint orphelin de père et où sa mère commença à s’endetter et à devoir déposer les biens de la famille au mont-de-piété. J. Padros dut alors quitter l’école après à peine deux ans de scolarité et commença à travailler à l’usine de blanchissage, teinture et apprêts de Poble-Nou où il adhéra très rapidement à la société ouvrière de résistance. En 1901, lors d’une grève de la métallurgie qui devint rapidement une grève générale, il y participait activement. Il se définissait alors comme républicain et fut fortement influencé par la pensée libertaire et anticléricale de Francisco Ferrer : « J’étais républicain et enthousiasmé par un homme qui a été un entraîneur de masses dans les meetings parce qu’il a fait de l’anticléricalisme plus que ne pouvait en faire la Libre pensée ». Après avoir assisté à une conférence de Ferrer il commença de plus en plus à s’intégrer dans le mouvement ouvrier d’où allait surgir la CNT.

En 1905, à l’âge de 15 ans, il organisait la Jeunesse républicaine de son quartier et participait à la troupe théâtrale ouvrière locale. En 1909, lors de la grève générale insurrectionnelle en Catalogne, connue sous le nom de « semaine sanglante » il participait sur les barricades aux émeutes à Poble Nou. Á l’issue de cette insurrection contre la guerre du Maroc, le pédagogue libertaire Francisco Ferrer et quatre autres militants furent condamnés à mort et exécutés dans les fossés de la citadelle de Montjuich.

J. Padros, en accord avec sa mère, s’était insoumis en 1911 et s’était réfugié en France, d’abord à Marseille puis à Lyon où il allait vivre la plus grande partie de sa vie. Dès son arrivée et ne trouvant pas de travail dans le textile, Jaume Padros entrait comme manœuvre à l’usine Berliet de Monplaisir où il y retrouvait quatre ou cinq ouvriers tourneurs catalans qui l’amenèrent à l’anarchisme et où, l’année suivante, il participait à la première grève menée en France contre l’introduction de pointeuses. Il adhéra également au syndicat CGT des métaux de la rue Villeroy où militaient de nombreux compagnons lyonnais qui le firent définitivement évoluer vers l’anarcho-syndicalisme. Il fréquenta également les réunions du groupe communiste libertaire Villette-Paul Bert qui se tenaient au café Chamarande, 24 rue Paul Bert. Après une semaine de grève en juin 1912, Padros quittait Berliet et, sur recommandation d’un camarade qui allait lui apprendre le métier sur le tas, entrait chez Pilain, comme perceur. Hormis un intermède de neuf mois (septembre 1914 à juin 1915) qu’il passa à Barcelone, Jaume Padros fut étroitement mêlé de 1912 à 1920 aux activités du syndicat des métaux où il se lia particulièrement aux compagnons Nicolas Berthet, Henri Raitzon et Nury. Il fréquenta également les soirées antimilitaristes et musicales ainsi que les excursions champêtres du groupe de propagande par la chanson le Nid rouge (1916-1922) où il rencontra Jeanne et Albert Chevenard, les principaux animateurs du groupe.

De 1916 et 1920 il occupait avec sa compagne Marie Louise un logement au quartier du Transvaal (Grange-Blanche) où ils recevaient fréquemment chaque dimanche la visite de compagnons et de leurs familles.

En 1917, J. Padros était ouvrier fraiseur chez Visy, usine automobile versée à la production de guerre. Il y participa au mouvement de grève mené à l’hiver 1917 par les ouvriers de l’armement.

En septembre 1919 il assista au Congrès CGT tenu à Lyon : « il s’est tenu aux abattoirs de Gerland qui n’étaient pas encore terminés : dehors il y eut à peu près 2.000 personnes et j’ai compté une douzaine de femmes dont Marie Guillot et madame Chevenard ». A l’issue du congrès, J. Padros qui considérait Jouhaux comme « un traître », tout comme G. Dumoulin accusé « d’avoir trahi la confiance de Monatte », resta dans la minorité qui s’était opposé à la guerre.
Lors des grèves de l’immédiate après-guerre, J. Padros, qui était alors père de trois enfants, participa activement à ces mouvements et aux soupes communistes installées dans les jeux de boules ou les groupes scolaires pour ravitailler les grévistes.

En 1920 il travaillait de nouveau chez Berliet et était devenu un agitateur de pointe, multipliant les prises de paroles dans les salles de quartier et à la Bourse du travail, et était si actif que le secrétaire de son syndicat, Antoine Garin, projeta de le faire entrer au comité du syndicat des métaux pour éditer un bulletin destiné aux ouvriers étrangers, une proposition qui enthousiasma J. Padros. Mais c’est alors qu’il fut expulsé de France pour « agitation révolutionnaire ». Ayant trois jours pour quitter Lyon, il monta à Paris où il trouva un emploi de métallurgiste qui ne dura que quelques mois avant que l’arrêté d’expulsion ne soit appliqué.

J. Padros, qui ne fut jamais amnistié de cette expulsion, retournait à Barcelone où il adhérait immédiatement à la CNT. Entre 1920 et 1925 il aurait résidé à Cerdanyola (Barcelone) où il travaillait à la coopérative La Constancia et dont en 1923 il aurait été le secrétaire, organisa un Athénée et rencontra le théoricien libertaire F.Urales (qu’il n’apprécia guère). En 1921 il aurait été membre du Comité régional catalan de la CNT –avec José Negre – qui avait décidé d’attenter à la vie du premier ministre Dato. Après l’attentat et selon F. Montseny, Amor Archs, militante des groupes d’action et soeur de Ramon Archs assassiné par la police qui le considéraut comme l’un des organisateurs de l’attenta, s’était réfugié au domicile de Padros à Cerdanyola avant de passer en France. En 1924 il était membre avec Plaja et Acracio Vidal du Comité pour la libération de Shum. En 1925, et sans doute pour échapper à la répression, il allait à Barcelone où il participait aux débats contradictoires (tertulias) animés par Plaja, Barthe, Magriña, Alaiz et Cinca.

En 1928, pour échapper à la terreur des pistoleros du syndicat libre, il se réfugiait en France, à Vienne (Isère), où il refusa d’adhérer à la CGTSR jugée trop faible et milita au syndicat CGTU des métaux jusqu’en 1938, choisissant de faire partie de « la fraction révolutionnaire » au sein de la CGTU. En 1938, il travaillait à l’usine Weitz où il avait été embauché grâce au compagnon P. Massoubre et participa à la grève générale de la métallurgie du 30 novembre 1938, ce qui lui valut d’être licencié. Il participa également à Vienne à la troupe théâtrale espagnole patronnée par la CGTU au début des années 1930 et où il fit l’acteur notamment dans la pièce Les mauvais bergers d’Octave Mirbeau. Pendant la période de l’entre deux guerres, J. Padros fut un lecteur régulier de l’organe bilingue franco-italien Le Réveil/Il Risveglio (Genève) publié par L. Bertoni et de La Feuille (Saint-Genis-Maval, 1917-1939) publié par Jules Vignes.

Lors de la déclaration de guerre, J. Padros aurait été interné au camp du Vernet d’Ariège et sous l’occupation il aurait participé à la réorganisation clandestine de la CNT espagnole en exil à laquelle il allait militer à la Libération. En 1951 il était membre du Comité pro presos en France et l’année suivante la secrétaire de la FL-CNT de Lyon. Dans les années 1960 il fut l’orateur de plusieurs conférences données pat la CNT à Lyon et à Grenoble.

de g. à dr. : Juan L. Molina & Jaime Padros (Paris, 1976)

Comme plusieurs autres militants -dont Vicente Galindo Fontaura - et lors des affrontements internes au mouvement espagnol, il fut exclu de la CNT en 1967 et se rapprocha de la tendance publiant le journal Frente Libertario. En 1970 il assista à la conférence tenue par cette tendance à Narbonne. En 1972 il participa à Saint-Imier à la commémoration du centenaire du congrès de l’Internationale antiautoritaire.

En 1968, après 53 ans d’union libre, sa compagne Marie Louise, avec laquelle il avait eu cinq enfants, décédait. J. Padros qui était membre de la Libre pensée depuis les années 1920, lui fit rendre un hommage avec un drapeau rouge et noir.

Jaume Padros, qui s’était remarié à l’âge de 86 ans avec, Francisca Blanch Torres avait accumulé une riche documentation sur le mouvement libertaire et avait collaboré entre autres à Solidaridad obrera (Paris, années 1950), Atalaya (1958), Le Combat syndicaliste et Espoir (années 1960) et Frente Libertario, s’était retiré à Prades (Pyrénées-Orientales) à la fin de sa vie. Il y décédait en 1982 et fut incinéré à Lyon en présence de nombreux compagnons anarchistes et de la Libre Pensée.

Œuvres : - De uno a otro lado de los Pirineos (inédit).


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