Dictionnaire international des militants anarchistes
Slogan du site

Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

Né à Volpiano (Piémont) vers 1903

ROSSO, Oddino

Ouvrier carreleur ; Enseignant — CGT — Villeurbanne & Lyon (Rhône)
Article mis en ligne le 6 octobre 2010
dernière modification le 24 juillet 2024

par Claire Auzias, R.D.

Oddino Rosso était né à Volpiano, village natal de sa famille depuis plusieurs générations et où son père, petit exploitant agricole, sympathisant socialiste avait été condamné au début des années 1900 après avoir été dénoncé pour avoir inscrit un ouvrier agricole sur les listes électorales. Le père s’était alors réfugié en France, à Villeurbanne où sa compagne et ses quatre enfants dont Oddino, le rejoignirent l’année suivante en 1904. Oddino, qui parlait un italien médiocre, fut élevé dans l’agglomération lyonnaise où sa famille se fixa définitivement en 1912, après avoir tenté vainement de retourner en Italie après une amnistie l’année précédente. Le père, qui travaillait comme ouvrier teinturier depuis son arrivée à Villeurbanne, s’embaucha au début de la guerre dans une usine de bois. La famille, qui s’était agrandie d’un nouvel enfant en 1907, habitait alors rue Viabert (6e arr) dans un petit appartement de 35 mètres carrés sans aucun confort — ni eau, ni gaz, ni électricité, un fourneau de cuisine pour tout chauffage dont le combustible était récupéré chez les artisans menuisiers du quartier.

Oddino Rosso, qui avait commencé à travailler en usine à partir de 1916 s’était syndiqué à la CGT à l’été 1919 alors qu’il était ouvrier décolleteur à l’usine de caoutchouc Solvy, Grande Rue de la Guillotière ; dans les circonstances suivantes : « Dans un jeu de boules à la Guillotière, le personnel était réuni et un gars a parlé des revendications qui étaient posées au patron. Y avait la journée de huit heures et puis des avantages de salaires aux différentes catégories de personnel et moi j’étais exclu parce que j’avais pas l’âge [il allait sur ses 16 ans], j’entrais dans aucune catégorie de personnel ». C’est à la suite d’une intervention d’Auguste Forgues réclamant quelque chose pour les jeunes qu’Oddino adhéra au syndicat et observa désormais les mots d’ordre de grève.

Au début des années 1920, membre de la Jeunesse ouvrière, il suivit les cours de l’Université syndicale de la rue Du Guesclin avec entre autres Georges Navel qui allait l’entraîner aux Causeries populaires et l’introduire dans les milieux individualistes en particulier au groupe diffusant sur Lyon l’hebdomadaire L’Ordre naturel (Paris, 9 décembre 1920-mars 1922) fondé par H. L.Follin et dont le directeur était Marcel Sauvage. Il l fréquenta également les milieux végétaliens et au moins à une reprise résida au foyer La Maison de Verre à Vence, où il côtoya G. Butaud. Avec G. Navel et Roger Arquier et dans le cadre des activités naturistes du groupe libertaire, il participa aux excursions du groupe qui fréquenta, de 1927 à la Libération, l’auberge La Cascade de Saint-Genis-les-Ollières tenue par, Prignol, une sympathisante libertaire veuve d’un militant syndicaliste révolutionnaire.

En 1923, en tant que citoyen italien, Oddino Rosso subit un conseil de révision au Consulat italien de Lyon et obtint un sursis d’un an, au terme duquel il ne répondit plus aux convocations et devint insoumis.

Après dix années passées en usine, Rosso devint carreleur dans le bâtiment. Lors de son adhésion en 1926 au syndicat des carreleurs et, suivant en cela de vieilles traditions compagnonniques, Oddino Rosso, avant de se voir délivrer la carte de syndiqué, dut à subir un test de compétence : exécuter un ouvrage sous les yeux de deux témoins, anciens syndiqués et ouvriers accomplis dans leur métier. Ce passage de l’usine aux chantiers lui apparut comme une véritable libération et l’amena à critiquer sévèrement le machinisme qui ne servait que les industriels, et à louer l’artisanat : « ne plus faire à la machine ce qui peut être fait à la main ».

En 1931 Oddino avait épousé une jeune italienne de six ans sa cadette, dont il aura deux enfants.

Particulièrement actif lors des grèves de 1936, Oddino Rosso s’enthousiasma lors des occupations d’usines : « C’était la première fois que ça se produisait ; la fièvre avait gagné tout le monde : le petit artisan qui a un ouvrier, c’est deux copains qui travaillent ensemble ; mais l’ouvrier occupait l’atelier de son patron : ça se passait dans les magasins également, partout on occupait les mieux de travail… Les chantiers étaient déserts, mais on faisait des tournées pour voir si il y avait des renards ». L’attribution des congés payés lui permit pour la première fois de sa vie « de vivre quinze jours sans travailler ». Á l’automne 1936, Oddino Rosso fut nommé délégué du personnel de l’entreprise du bâtiment Mouton où il travaillait depuis 1928. Il y mena une lutte victorieuse contre le blocage des salaires, mais qui lui valut d’être licencié, d’être mis à l’index et de rester trois années, de 1936 à 1939, sans travail fixe.

Au moment de la déclaration de guerre, Oddino, qui était jusqu’alors insoumis, s’engagea pour la durée de la guerre. Démobilisé en juillet 1940, il fut alors naturalisé français.

Á partir de 1946, il devint enseignant dans un lycée technique où il allait travailler jusqu’en 1968.

Devenu veuf, Oddino se remaria au début des années 1970 avec une compagne, (née au Caire d’un père égyptien et d’une mère lyonnaise) qui était venue à Lyon dans les années 1930 pour y faire des études et s’y était installée progressivement.

Á la fin de sa vie Oddino Rosso militait dans un groupe écologiste.


Dans la même rubrique

ROMEO BENEDITO, Joaquim

le 13 octobre 2024
par R.D.

ROMAN, Marie, Jean Louis

le 12 juillet 2024
par R.D.

RONDEAU, Cyrille, Xavier

le 10 avril 2024
par R.D.

ROMARY

le 1er avril 2024
par R.D.

RONCACCI, Giulio

le 20 mars 2024
par R.D.