Alexandre Schapiro était le fils d’un révolutionnaire qui s’était exilé au début du XXe siècle. Après avoir passé son enfance à Constantinople où il avait été à l’école française et avait été élevé dans quatre langues (Russe, yiddish, français et turc), il avait gagné Paris où à l’âge de 16 ans il commençait à la Sorbonne des études de biologie en vue d’être médecin, études qu’il dût rapidement interrompre faute d’argent.
En 1900 il rejoignit son père, Moises, à Londres où il était membre de la Fédération anarchiste et fut le secrétaire de Kropotkine. En 1905 il fut le co-fondateur avec V. Tcherkesof du groupe anarchiste communiste de Londres qui se réunissait au suège du syndicat des ébénistes. A l’occasion du 1er mai le groupe édita un numéro du journal L’Internationale en yiddish. Alexandre Schapiro était en 1906 le secrétaire du Worker’s friend Club et, l’année suivante, l’un des responsables avec Kropotkine et Rocker de la Croix rouge anarchiste, organisme de soutien aux militants emprisonnés. Délégué de la Fédération anarchiste juive de Londres au congrès anarchiste international d’Amsterdam en août 1907, il y fut élu au bureau de l’internationale. Il fut alors le responsable du Bulletin de L’Internationale anarchiste (Londres, janvier 1908-octobre 1910).
Au printemps 1908, il lançait un projet de publication d’une Histoire du mouvement anarchiste international, sous forme de monographies, auquel devaient notamment participer R. Rocker et W. Weiss (mouvement juif en Angleterre et en Amérique), Roberto D’Angio (Argentine et Égypte), K. Vohryzek (Bohême), S. Nacht et M. Nettlau (Espagne), B. Revndorp (Hollande), L. Fabbri (Italie) et N. Rogdaiev (Russie et Pologne).
En 1914 il résidait 163 Jubilee Street, et était le responsable avec F.W. Dunn du Bulletin du congrès anarchiste international (Londres, 2 numéros en mai et juillet 1914) qui devait se réunir au Devonshire Hall de Londres du 28 août au 5 septembre 1914.
Lors de la Première guerre mondiale il fut l’un des signataires, le 15 février 1915, du Manifeste des 35 contre la guerre. En septembre il participa à la Conférence syndicaliste tenue à Londres.
Début 1917 il revenait en Russie et à Moscou intégrait la rédaction de l’organe anarcho-syndicaliste quotidien Golos Truda, 1918-1920 aux cotés notamment de Voline. Il était également le secrétaire du syndicat des cheminots. Puis, pendant la guerre civile, il fut nommé à un poste de responsabilités au Commissariat aux affaires étrangères de Tchicherin. Arrêté par les bolchéviques en 1919, il ne fut relâché qu’en 1920 après une grève de la faim.
Le 1er avril 1921, avec A. P. Tsvietkov, S. Markus et Alexis Borovoi il fut le signataire d’ne lettre ouverte à Lénine et aux divers organismes communistes et syndicaux protestant contre les persécutions dont étaient victimes les anarchistes et s’associant à la protestation analogue signée par Emma Goldman et Alexander Berkman.
En septembre 1921 il intervint pour permettre la rencontre entre des délégués étrangers au congrès de l’internationale syndicale rouge et Lénine pour protester contre les emprisonnements et les persécutions dont étaient victimes les anarchistes.
Alexandre Schapiro était membre du secrétariat du groupe des anarchistes universalistes de Moscou
En décembre 1921 à la demande de compagnons étrangers il était allé à Berlin pour y participer au congrès international anarchiste. Après avoir reçu de Titcherine, l’un des commissaires du peuple aux affaire étrangères, l’assurance qu’il ne courait aucun danger, il était rentré en Russie où il avait été immédiatement arrêté. Une campagne internationale de protestation fut alors initiée par le bureau provisoire — Rudolph Rocker, A. Borghi, A. Pestña et A. Jensen — de l’AIT pour obtenir sa libération.
Il fut l’un des militants libertaires bannis d’URSS en 1922 (en octobre avec sa compagne et leur fillette) et gagna Berlin où il organisa immédiatement l’aide aux prisonniers anarchistes détenus en Russie. Il fut le directeur du journal anarcho-syndicaliste Rabotchy Put (Berlin, 1923). Les 16-19 juin 1922 il représenta avec M. Mratchny la minorité syndicaliste révolutionnaire d’URSS au Congrès international préalable des syndicalistes révolutionnaires tenu à Berlin et où fut fondée l’AIT, au bureau de laquelle il fut nommé. Il fut ensuite le responsable du Fonds de secours russe de l’AIT. Lors des débats agitant les mouvement russe à propos de la Plate forme organisationnelle dite Plateforme d’Archinov, il prit partie pour les opposants à ce texte. Il collabora à cette époque au journal anarcho-syndicaliste allemand Der Syndikalist (Berlin) et au Combat syndicaliste français.
Partisan et défenseur de l’anarcho-syndicalisme, il écrivait dans une lettre à L. Haussard (mars 1924) qui lui proposait de collaborer à L’Idée anarchiste qu’il venait de lancer : « … Si en somme les anarchistes considèrent que la reconstruction est un phénomène tout aussi révolutionnaire que celui de la destruction ; s’ils admettent qu’une des leçons les plus méritées de la révolution russe ait donné aux anarchistes était qu’il leur manquait l’esprit et l’élan reconstructif et la force et la volonté d’organisation — défaut qu’il faut à tout prix remédier —, s’ils ont appris enfin, qu’une révolution ne peut avoir une valeur réelle que si elle bâtit, après avoir détruit. Eh bien ! Si tout cela est acquis, soyons loyaux à nous-mêmes et ayons le courage de changer de locomotive… mais en laissant les rails intacts. Etudions les problèmes économiques et politiques… Et surtout faut il que notre mouvement, loin d’être une tour d’ivoire par rapport au mouvement ouvrier — laissons cela à nos individualistes incorrigibles — devienne sa forteresse invincible. Il faut que le mouvement libertaire soit syndicaliste, autrement il restera dogmatique, stérile, amorphe. Mais il faut aussi que le mouvement syndicaliste devienne imbu de l’esprit libertaire — fédéraliste, anti étatiste — autrement il tombera dans le corporatisme réformiste et endormeur ou deviendra la pâture d’un parti politique. Mon expérience du rôle des anarchistes russes m’a convaincu plus que jamais que seul le syndicalisme à base libertaire, appuyé, approfondi et défendu dans la lutte quotidienne par l’anarchisme syndicaliste, pourra découvrir aux travailleurs du monde la toute qui les mènera à la réalisation du communisme libertaire ».
En 1933 il fut envoyé en Espagne par l’AIT pour y enquêter sur les problèmes du Trentisme. Puis il s’installa à Paris où il édita pendant quelques années le journal La Voix du peuple et collabora notamment à l’organe de la CGTSR Le Combat syndicaliste.
Alexandre Schapiro émigra aux États-Unis en 1939 et y fut le directeur de la revue mensuelle News Trends.
Alexandre Schapiro est mort à New York le 5 décembre 1946 d’une crise cardiaque.