Ouvrier étameur demeurant rue Porte de Fures, Jules Sellenet fut signalé pour la première fois lorsqu’il quitta Tullins (Isère) le 28 août 1901. Depuis début 1901 il était membre du groupe L’Horizon et responsable de sa bibliothèque. En fait et, sauf homonymie, un J. Sellenet était au printemps 1900 l’un des responsables du groupe Les Egaux de la Jeunesse libertaire de Barbantanne (Bouches-du-Rhône) ; puis, peu après, à Coursan (Aude) où il épousa Joséphine, Pauline Doumen. Il fut alors incorporé au 157e régiment d’infanterie dans les Basses-Alpes puis, en raison de ses opinions anarchistes, affecté au 100e régiment d’infanterie à Narbonne.
Le 2 août 1904, Sellenet désertait et se cachait à Marseille d’abord sous le nom de Ferdinand Monin, puis il avait « emprunté » les papiers d’identité d’un de ses camarades parisiens, le ferblantier Boudoux et c’est sous ce nom qu’il militera.
Secrétaire de l’Union des syndicats de Longwy (Meurthe-et-Moselle), il prit grande part aux grèves de Lunéville (avril-mai) et de Longwy (août 1905). Puis il prit la fuite, mais « sur les indications fournies par la direction de la Sûreté générale, il fut appréhendé comme déserteur », à Auxerre, le 4 octobre 1905. Il fut alors traduit devant le conseil de guerre de Montpellier et condamné, le 7 novembre 1905, à deux mois de prison avec sursis et dirigé sur le 12e régiment d’infanterie, puis amnistié. Il appartenait à l’Association internationale antimilitariste (AIA).
On le retrouve à Nancy en 1906 où il fut condamné à plusieurs reprises pour son action militante. Il vivait seul, ayant abandonné femme et enfants et était alors le secrétaire de la Fédération des syndicats de Nancy. Le 29 mars 1906, il encourut à Nancy quatre mois de prison pour « entraves à la liberté du travail, port d’arme et infraction à la loi sur le casier judiciaire » ; le 6 juin suivant, toujours à Nancy, un mois de prison pour entraves à la liberté du travail ; un an plus tard, le 29 mai, à Nancy encore, quinze jours de prison pour coups sur un journaliste qui l’avait calomnié. En juillet, il joua un rôle important dans la grève de Raon-l’Étape (Vosges). Le 31 juillet lors des obséques de l’ouvrier Thirion tué lors d’un affrontement, il avait prononcé un discours extrêmement violent. Arrêté le 23 août pour avoir frappé un « jaune », il fut condamné en novembre, par le tribunal correctionnel de Saint-Dié, à six mois de prison et 100 F d’amende « pour provocation au meurtre des non-grévistes ». Peine confirmée en appel à Nancy le 28 novembre. Il fut libéré le 21 février 1908. Le 4 mars, il était élu secrétaire de l’Union des syndicats ouvriers de Meurthe-et-Moselle et fondait La Voix sociale pour remplacer Le Cri populaire. Il assista alors comme délégué au XVIe congrès national corporatif — 10e de la CGT Marseille, 5-12 octobre 1908 où il défendit notamment la motion antimilitariste et antipatriote (voir Bidamant). Il avait également présidé en mai 1908 la conférence de Sébastien Faure « Le droit de punir et la peine de mort » à la Maison du Peuple de Nancy et à laquelle participèrent environ 300 personnes.
Il écrivait fréquemment dans Le Réveil, Le Syndicaliste, La Vie sociale de Meurthe-et-Moselle, sans parler des journaux parisiens dont Les Temps nouveaux où il informait des diverses luttes et grèves menées à Nancy et sa région.
Le 19 décembre 1908, lors d’un meeting à propos des événements de Draveil-Villeneuve-Saint-Georges, il avait notamment déclaré : « Nous voulons l’action directe, mais non des coups de couteaux ou du sang dans les rues ; une action efficace sous forme de grève, de sabotage, boycottage et toutes autres manifestations susceptibles d’être des violences à l’encontre du patronat ».
Mais l’action de Boudoux, si elle inquiétait le patronat, inquiétait aussi certains militants syndicalistes et, en 1910, l’homme fut dénoncé comme agent provocateur à la solde des de Wendel par le syndicat des ouvriers métallurgistes d’Auboué (Meurthe-et-Moselle) dont il était secrétaire, l’Union des syndicats de Meurthe-et-Moselle, le journal Le Travailleur socialiste (cf. 11 février 1911) ; il fit l’objet d’une mesure d’exclusion avec appel à la direction de la CGT, pour trancher le cas nationalement.
Cependant, Boudoux avait quitté la région et, en avril 1909, il s’était fixé à Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire) où il s’était déjà rendu avec Broutchoux l’année précédente, en novembre. Il demeurait alors chez le compagnon Claude Martin et travaillait comme terrassier. Il voulut adhérer au syndicat des mineurs, mais les dirigeants du syndicat s’y opposèrent « parce qu’on le croit ou un indicateur de police ou à la solde des réactionnaires » (note de police). Il tenta alors d’organiser un syndicat révolutionnaire puis en juin regagna Nancy et Auboué où il fit de l’agitation parmi des grévistes. En août 1909 il fut envoyé faire ses 23 jours de service à Bourgoin (Isère).
A l’automne 1910 il avait gagné la région parisienne où il demeurait 56 rue Diderot à Asnières et travaillait au chantier du Métropolitain.
En septembre 1912, Boudoux réussit cependant à se faire déléguer au XVIIIe congrès national des syndicats — 12e de la CGT. En novembre 1912, lors de la seconde affaire du « Sou du soldat » (voir Thuillier), il fut condamné comme ses camarades à 3 mois de prison et 100 francs d’amende. Il était alors domicilié 123 rue Marcadet (XVIIIe arr.).
Pendant la Première Guerre mondiale, Boudoux, qui était inscrit au Carnet B, fut mobilisé au 17e régiment d’infanterie et fit campagne pendant vingt mois environ. Il obtint la croix de guerre avec très élogieuse citation pour avoir sauvé la vie à son officier. Il était sergent-fourrier lorsque, vers août 1916, il fut mis en sursis d’appel et affecté à la maison Alix et Laute, fabrique d’aéroplanes à Courbevoie (Seine).
Rendu à la vie civile, Boudoux reprit aussitôt ses activités anarchistes et syndicales : il était en rapports avec Sébastien Faure et membre actif du Comité de défense syndicaliste (CDS) fondé en janvier 1916 et dont il fut un temps le secrétaire et dans lequel, avec Veber et Rey, il tentait d’infléchir la ligne réformiste de la CGT ; il était également secrétaire du syndicat des charpentiers en fer de la Seine (cf. CQFD, 24 février 1917).
Mais la question de son exclusion, soulevée en 1910-1911 par les syndicats de Meurthe-et-Moselle, allait être reprise et tranchée par la direction de la CGT. Une circulaire, signée Léon Jouhaux, datée Paris, 10 avril 1919, et adressée aux syndicats confédérés, annonçait que le cas Sellenet dit Boudoux avait été examiné par le CCN, en session du 23 au 25 mars 1919. Vu la plainte élevée par l’Union départementale de Meurthe-et-Moselle, considérant que Boudoux « alors qu’il était secrétaire du syndicat des ouvriers métallurgistes d’Auboué, s’est fait l’agent de M. de Wendel, Maître de Forges dans la région, qu’ainsi il apparaît à travers les événements de l’époque (1909-1910) comme un agent patronal provocateur, qu’il a, d’autre part, en Meurthe-et-Moselle, pour ne parler que de cette région, fait de multiples dupes et victimes », Boudoux n’ayant jamais fait appel et s’étant refusé à comparaître, le CCN déclarait qu’il y avait lieu de généraliser la mesure d’exclusion prise par le syndicat d’Auboué, l’UD de Meurthe-et-Moselle et la fédération des Métaux et il était décidé : « Boudoux ne pourra plus exercer, où que ce soit, aucun mandat syndical » (Cf. Arch. Nat. F7/13 576, rapport du 22 avril 1919). Collaborateur du Libertaire à cette époque, Boudoux ne répondit guère que par des insultes (cf. n° du 30 avril 1919).
En mars 1919, il fut au nom des charpentiers en fer le signataire d’une protestation contre les perquisitions effectuées au siège du Libertaire à la suite de l’attentat de Cottin contre Clemenceau. Cette protestation, publiée en une du Libertaire (n°6, 2 mars 1919) avait été également signée notamment par Le Meillour, Sirolle, Schneider, Renneringer, Genold et Dondon.
En 1920, il était avec Vallet, le représentant des charpentiers en fer au Comité de l’Entraide (oir Bidault).
En novembre 1920, il participait à Reims à des réunions du groupe communiste libertaire qui était en train de se reformer autour notamment de militants du syndicat du bâtiment dont Verdier, Blondel et Granger.
En 1922 il participa avec notamment L. Guérineau, E. et S. Casteu, G. Bastien, François Mayoux, à l’enquête sur “le fonctionnarisme syndical” publiée dans La Revue anarchiste de Sébastien Faure.
En juin 1922 il fut délégué au congrès de la CGTU renu à Saint-Étienne où, s’adressant aux communistes, il avait notamment- déclaré : « Les syndicats ne doivent pas être étiquetés. Ils doivent conserver leur caractère strictement prolétarien et rester sur le terrain de la lutte des classes. Si vous continuez à vouloir subordonner les organisations syndicales aux Comités exécutifs de cotre Parti, vous donnerez la preuve que la scission n’a eu pour but que e mettre le syndicalisme aux mains d’un gouvernement » (cf. Le Libertaire, 7 juillet 1922).
A cette même époque il fut l’auteur avec Travers de l’étude “L’Erreur des Ghildes” parue d’abord dans Le Libertaire puis éditée en brochure.
En avril 1923, suite à la cise traversée par le syndicat des métaux de la Seine, il fut le signataire — avec Allaric, Grange, Klehamer, Royo, Salembier, Thomas, Wagner et Willart — d’une résolution rappelant la Charte d’Amiens et les décisions de Saint-Étienne sur l’autonomie syndicale et appelant « à poursuivre toute action utile pour annihiler les funestes effets des influences étrangères au syndicalisme » (cf. Le Libertaire, 13 avril 1923).
Les 12-13 août 1923 il fut délégué au IVe congrès de l’UA tenu à la Maison des syndicats de Paris et où fut décidée la parution quotidienne du Libertaire.
En décembre 1923, avec Jouteau, Le Pen, Parant, Mercenier et Courtinat il fut le co-fondateur du cercle syndicaliste Fernand Pelloutier dont le siège se trouvait au 33 rue de la Grange-aux-Belles, à la Fédération du bâtiment.
Les accusations à l’encontre de Boudoux allaient reprendre à propos des affrontements communistes-anarchistes dans la CGTU. Boudoux militait alors activement à l’Union anarchiste puisqu’il participa aux congrès que cette organisation tint à Paris les 12-13 août 1923 et 1er-3 novembre 1924. Le 11 janvier 1924, au cours d’une bagarre survenue à la Grange-aux-Belles et qui fit deux morts — dont le compagnon Adrien Poncet —, Boudoux lui-même fut légèrement blessé. Monmousseau, dix ans plus tard, évoquant cette affaire (cf. L’Humanité, 13 novembre 1935), accusa Boudoux qui répondit dans Terre libre de décembre, sans qu’une certitude soit apportée dans un sens ou dans l’autre.
Boudoux appartint ensuite à la section des charpentiers en fer du syndicat unique du Bâtiment de Carrières-sur-Seine (Seine-et-Oise), détaché de la CGTU, puis exerça les fonctions de secrétaire du SUB de Paris en 1925-1926 en même temps qu’il militait au groupe anarchiste de Bezons. Il était également membre du bureau de la 13e région fédérale du SUB (Drancy-Le Bourget-Bobigny).
En 1926, Jules Sellenet Boudoux était secrétaire de la Fédération nationale autonome du Bâtiment. Il fit adopter, le 18 juillet 1926, la motion Jouve-Barthes-Boudoux qui visait à regrouper toutes les forces du syndicalisme autonome en une troisième centrale syndicale. Délégué les 13-14 novembre 1926 au congrès extraordinaire de la Fédération du bâtiment de Lyon, il fut un des membres fondateurs de la CGT-SR les 15-16 novembre à Villeurbanne, et devint secrétaire de la Fédération CGT-SR du Bâtiment.
En février 1928, lors d’un meeting organisé par les communistes à Lyon, salle de l’Alcazar, avec le “rénégat” Colomer, il fut impliqué dans l’échange de coups de feu entre militants anarchistes et communistes et où avaient été légèrement blessés les compagnons Prudhomme et Lemarchand entre autres.
Domicilié 6 avenue Beauséjour à Carrières-sur-Seine (Seine-et-Oise) il était en 1936 membre du bureau fédéral du SUB de Carrières et Bezons où, avec Richard Andrieux il était responsable à la propagande et avec Alex Lucas de la commission journal chargée de publier Le Travailleur du bâtiment. Il se présenta comme candidat anarchiste aux élections législatives de 1936 dans la première circonscription de Versailles. Après avoir appartenu à la colonne Durruti pendant la guerre civile espagnole (où il ne trouva pas la mort comme l’indiqua par erreur Le Libertaire du 23 octobre 1936, le confondant avec Remy Boudou), il assista au VIe congrès de la CGT-SR, en janvier 1937. A cette même époque il était le secrétaire de la Fédération du bâtiment et des travaux publics de la CGTST aux cotés de F. Gandillet (trésorier) et de A. Lucas (secrétaire administratif).
A la veille de la Seconde Guerre mondiale, Sellenet était chargé de la propagande à la Fédération CGT-SR du Bâtiment. Il était toujours charpentier en fer et habitait Carrières-sur-Seine (Seine-et-Oise) lorsqu’il mourut à Argenteuil le 17 mars 1941.