David Stettner, qui avait passé la majeure partie de son adolescence en Bukovine autrichienne, avait commencé à s’intéresser à l’anarchisme à lâge de 17 ans. Il participait au début des années 1930 aux réunions clandestines organisées dans les forêts autour de la ville de Czernowitz par le groupe anarchiste dont faisaient notamment partie C. Fieber, Schnapp, I. Lehr et Shmuel Ringel. Déserteur à deux reprises de l’armée roumaine, il fut emprisonné.
Lassé d’une vie marquée par la faim, les humiliations et les persécutions, il émigrait en France “le pays de la révolution de 1789 et de la Déclaration des Droits de l’homme”. A Paris il partagea une petite chambre de bonne avec un réfugié bulgare et subit la triste vie d’un émigrant illégal sans papier. Vers 1937 il fut dissuadé de partir combattre en Espagne par un responsable de la Fédération anarchiste ibérique (FAI) en France qui lui expliqua comment l’avancée franquiste et les trahisons staliniennes avaient déjà miné les fondements de la révolution sociale. Début juillet 1938 la Ligue des Droits de l’homme lui avait donné un certificat attestant sa qualité de réfugié politique.
Á la veille de la segonde guerre mondiale, il rencontrait Golda Konstantin, avec laquelle il allait partager le reste de sa vie. Pendant l’occupation allemande, tous deux parvinrent à se cacher et à échapper de peu à la déportation, ce qui ne fut pas le cas de la famille de David restée en Roumanie et dont les membres, à l’exception d’une soeur, périrent dans les camps d’extermination.
Á la fin de la guerre David Stenner travailla comme assistant social pour les survivants de la Shoah, un travail qui le marqua profondément. Il reprit son militantisme et adhéra au groupe anarchiste juif du Pré-Saint-Gervais. Collaborateur du Libertaire, l’hebdomadaire de la Fédération anarchiste, il estima toutefois que les anarchistes français n’avaient pas une analyse claire de l’identité juive et en 1949 fonda le journal anarchiste yiddish Der Freie Gedank (Paris, 1949-1966), tiré à 1.000 exemplaires et dont il allait être longtemps l’un des principaux rédacteurs avec entre autres Jacques et Rosa Doubinsky, Nicolas et Lea Tchorbadiev. La revue était domiciliée à sa fondation au 16 rue Pierre-au-Lard (4e arr.) et compta parmi ses principaux collaborateurs Dora Cahan, le Docteur Szotan (ou Szoton), Venensky et Zalzberg.
Le groupe anarchiste juif de Paris se réunissait encore à la fin des années 1970 chez David et Golda Stettner à leur domicile du 65 avenue Parmentier, Paris 11e ; à ces réunions participaient entre autres Charles Fieber, Shmuel Ringel, Gui Malouvier et parfois Rosa Doubinski. David Stettner collaborait également au périodique yiddish Problemen publié à Tel Aviv par A. Thorn et Yosef Luden, où il se fit l’avocat du mouvement des Kiboutz et se montra très critique du féodalisme des leaders arabes et palestiniens.
Après la disparition de la presse anarchiste yiddish en France, David Stettner est devenu dans les années 1990 l’éditorialiste de Unser Stimme (Notre Voix, Paris) organe du Bund, où, sans cesser d’être anarchiste il pouvait s’exprimer en toute liberté.
En 1986 il appela à la solidarité avec le mouvement israélien de résistance à la guerre et au rapprochement mutuel entre Juifs et Arabes.
David Stettner, bien que profondément affecté par la mort de Golda et les échecs du mouvement anarchiste international, resta fidéle à son identité juive et à ses convictions libertaires jusqu"à son décès survenu en juillet 2002 à l’âge de 88 ans.