Né dans une famille très pauvre, Nemesio Oteros Polo travaillait dès l’âge de six ans, à la récolte des olives. L’année suivante il fréquentait quelques mois l’école –il avait appris à lire et compter seul avec l’aide de l’un de ses frères — qu’il quittait après avoir été frappé d’un coup de bâton par l’instituteur qu’il avait alors traité de « fils de pute » ; c’était sans doute le premier acte de rebellion de sa vie.
En 1930 il adhérait à la CNT et se consacrait à la défense des journaliers ramasseurs d’olives. Il collaborait alors à plusieurs organes libertaires dont El Luchador, Cultura Proletaria et Tierra y Libertad.
En juillet 1936 avec les compagnons du syndicat il réquisitionnait les armes et permettait que Nueva Carteya (6.000 habitants) reste fidèle à la République : « Le 18 juillet, à 7h du soir, un groupe de jeunes la plupart membres de la CNT, s’étaient réunis sur la place… Nous n’avions pas d’armes et il n’y en avait pas à la mairie. A 9 h, nous sommes allés dans diverses maisons pour y confisquer les armes qui s’y trouvaient…à minuit, la plupart des armes du village étaient aux mains des travailleurs. De plus nous nous déplacions en petits groupes pour aller dans les fermes prévenir les paysans de ce qui se passait. L’effet fut rapide : cinq heures plus tard [les paysans] commencèrent à arriver avec toutes sortes de véhicules et chevaux avec de simples armes blanches, d’autres avec des armes à feu, les leurs ou celles réquisitionnées sur le trajet. Le 19 on continua la récole d’armes. Il n’y eut pas un seul coup de feu. Ni à Castro, ni à Cabra, ni à Montilla. Le 20 on commença à arrêter ceux que l’on considérait comme des fascistes dangereux et afin d’éviter préventivement qu’ils descendent dans la rue. Dix heures plus tard, les forces rebelles de Cordoba attaquaient le village avec l’aide de la Guardia Civil qui les avait rallié et nous attaque par derrière. Le seul garde qui n’avait pas suivi la rébellion, le sergent Cordon, sera fusillé quelques jours plus tard par les fascistes.”) (cf. Espoir, 21 avril 1982)
Nommé responsable du comité révolutionnaire, il s’opposait à toute exécution et permettait même au curé, promu infirmier, de s’intégrer à la nouvelle collectivité.
« Le 27 juillet le groupe fasciste fut renforcé par des troupes maures qui semèrent la terreur… Dès le début furent retrouvés 18 cadavres ; seuls deux avaient été tués en résistant, les autres 16 avaient été assassinés dans leurs propres maisons. Nous avons dû alors fuir, les auns à Castro, d’autres à Jaen, la majorité d’entre nous restant dans les oliveraies et reveant de nuit dans le village. A la mi-août, ceux qui étaient allés à Castro revinrent avec des fusils et nous nous joignîmes à eux. Francisco Perez m’annonça que j’avais été nommé au Comité de défense. Nous nous installâmes à San Pedro… Revenus au village, nous nous installames à el Cañuelo jusqu’au 22 septembre où, suite à la chute de Espejo, il fut décidé l’évacuation vers l’arrière du village où seuls restèrent ceux qui pensaient n’avoir rien fait et ne pas être exposé à des représailles. Quelle erreur : si nous avions respecté tout le monde, eux ne respectèrent rien : les femmes de tous âges furent tondues, beaucoup d’entre elles et des hommes furent obligés de boire de l’huile de ricin. La nuit, ils fusillèrent, notamment les trois instituteurs du village ».(cf. idem).
Lors de l’avance des troupes franquistes, il se repliait sur la Catalogne où il était nommé correspondant du journal CNT (Madrid). Il écrivait également sous le pseudonyme de Nardo dans Solidaridad obrera (Barcelone), Proa et Vida Nueva (Tarrasa).
Exilé en France lors de la Retirada, il était interné d’abord au camp Saint-Michel de Cerdan puis au Vernet d’Ariège avant d’être envoyé dans une compagnie de travailleurs étrangers. Lors de la débacle il était à Liorac (Dordogne) où il travaillait comme ouvrier agricole. Avec un artisan il allait apprendre la maçonnerie et se spécialiser après la guerre dans le ciment armé puis parcourir toute la France au gré des chantiers. Il a été en particulier le responsable en ciment armé lors de l’édification du pont sur la Dordogne à Gardone.
Pendant l’occupation il avait été réquisitionné par les Allemands pour le STO, mais, tombé malade au bout de quelques mois, avait été réformé et avait pu retourner à Bergerac (Dordogne).
A la Libération, il fut l’un l’un des responsables de la régionale de Cordoba en exil (1946) et milita à la FL-CNT de Bergerac dont il fut le secrétaire après la scission du mouvement libertaire à l’automne 1945, poste qu’il allait occuper jusqu’à son décès survenu à Bergerac le 5 décembre 1994. Sur une des plaques apposées sur sa tombe on peut lire : « Tu étais anarchiste. Tu étais mon ami. Tu as appris à lire et à écrire, là-bas loin dans ton Andalousie ». Il avait pour compagne Carmen Hernandez Luna (1907-1994).