Appelé sous les drapeaux en mars 1918, Gino Lucetti avait servi au front comme chauffeur. Membre des groupes de défense antifasciste Arditi del Popolo, il était poursuivi le 23 mai 1921 pour le vol d’un fusil et d’une baïonnette mais était acquitté. Le 16 août il était dénoncé comme déserteur et était condamné le 1er mars 1922 par le Tribunal militaire de Florence à un an de réclusion mais obtenait la libération conditionnelle ayant terminé son service depuis novembre 1921.

Revenu à Avenza, il décidait d’émigrer en France où beaucoup de compagnons s’étaient déjà réfugiés. Sans doute embarqua-t-il clandestinement, come beaucoup d’autres, sur l’un des cargos transportant le marbre depuis l’Italie jusqu’aux ports de la côte d’azur. En 1922 il était près de Nice et cherchait du travail dans les petits ateliers de marbre tenus par des compagnons. Dans les premiers mois de 1923 il était à Marseille où il sera verbalisé par la police pour absence de papiers d’identité. Par l’intermédiaire du Comité d’aide aux victimes politiques (CPVP) dirigé par Dario Castellani et Fosca Corsinovi, il était mis en relation avec Aurelio Liverani propriétaire d’une marbrerie de la région. En 1925 il était de retour à Avenza et commençait sans doute à préparer un attentat contre Mussolini. Dans la nuit du 26 septembre 1925 il s’affrontait armes à la main à un groupe de fascistes et parvenait avec l’aide de son frère Andrea à s’embarquer de nouveau pour la France à bord d’un bateau chargé de marbre.

Fin mai 1926, avec l’aide d’un compagnon cheminot qui l’avait caché à bord d’un train, il rentrait en Italie où il informait L. Damiani et E. Malatesta de son projet d’attentat. Après avoir étudié l’itinéraire suivi par la voiture de Mussolini à Rome, le 11 septembre 1926, sur la place Porta Pia, il lançait en direction de la voiture présidentielle une grenade qui rebondissait sur la carrosserie, explosait au sol et ne causait que des dégâts légers. Il était arrêté lors de sa fuite et déclarait être un anarchiste individualiste venu directement de France pour commettre l’attentat, ce qui n’empêchait pas la police de déclencher une rafle et d’arrêter des membres de sa famille et plusieurs autres compagnons dont Umberto Vatteroni et Leandro Sorio qui l’avaient hébergé dans les jours précédents l’attentat. Traduit devant le tribunal spécial, Gino Lucetti - qui revendiqua “un acte prolétarien contre la canaille ex-révolutionnaire” - était condamné le 11 juin 1927 à 30 ans de réclusion tandis que pour « complicité » Sorio était condamné à 20 ans et Vatteroni à 18 ans et 9 mois. Le 6 août 1927 Lucetti était transféré au pénitencier de Portolongone, d’où après trois années il était transféré le 4 février 1930 à Fossombrone puis le 20 juin 1932 à l’isolement sur l’île de San Stefano.
Le 11 septembre 1943, après le débarquement allié à Salerne, il était libéré au bout de 17 années de détention et allait à Ischia. Le 17 septembre, au cours d’un bombardement lors d’une contre offensive des allemands qui tenaient toujours Naples, et alors qu’il attendait un bateau pour regagner le continent, Gino Lucetti était mortellement blessé à Ischia par un éclat de bombe.

Une brigade de partisans anarchistes participant aux combats de la libération dans la région de Carrare portera le nom de Lucetti.