Fils d’une riche famille de la province de Canton, Liu Sifu, qui dès 1901 aurait organisé à Hong Kong une conférence où il avait dénoncé l’incompétence du gouvernement et appelé à la révolution, était parti étudier au Japon en 1904 où, l’année suivante, il participait à la fondation de la Ligue Jurée, organisation révolutionaire animée entre autres par Sun Yat-sen. Revenu en Chine en 1906, il ouvrit à Hong Kong l’année suivante une école pour les femmes tout en participant à la rédaction d’une revue révolutionnaire.
Partisan d’actions terroristes, il organisait en 1907 un attentat contre Li Tseng, le commandant des forces navales de Canton. L’attentat échoua, la bombe ayant explosé prématurément, mais lui couta la main gauche qui dut être amputée et une condamnation à deux ans de prison. C’est en prison qu’il découvrit l’anarchisme, s’éloignant définitivement des partisans de Sun Yat-sen.

Dès sa sortie de prison, influencé par le journal anarchiste chinois Xin Shiji (Les Temps nouveaux) publié à Paris par Li Shizeng et Wu Zhihui, il fondait à Hong Kong un groupe ayant pour but « l’élimination des tyrans et des exploiteurs du peuple » et lui-même aurait participé à un attentat à Pékin contre le prétendant impérial. En 1909 il fondait la Société du coq chantant dans l’obscurité (Huiming Xueshe) qui publiera de nombreuses brochures clandestines reproduisant souvent les meilleurs articles parus à Paris dans Xin Shiji et éditera le journal Huiming lu (Le coq chantant dans l’obscurité). En 1911, un membre du groupe, Lin Kuan Ci, lancera une bombe contre le représentant du gouvernement impérial. En juillet 1912, après avoir fondé un groupe espérantiste, il participait à l’organisation de la Société Conscience (Xinshe) l’une des plus influentes sociétés anarchistes avec la Société pour l’avancement de la morale (Jindehui) fondée par Li Shizeng. La société Conscience s’était définie comme végétarienne, anti tabac, anti alcool, contre le mariage, la traction humaine des véhicules, les partis politiques et la religion. Il publiait la revue Minsheng (Hong-Kong), sous-titrée en espéranto La Voco de la Popolo, qui était interdite au bout de deux numéros. Liu Sifu se réfugiait alors à Macao, où la revue, après 2 numéros était interdite de reparution par les autorités portugaises. Liu Sifu gagnait alors Shangaï où il allait faire reparaître Minsheng dont il était à la fois le rédacteur, l’administrateur et l’imprimeur et serait parue jusqu’en novembre 1916 (numéro 29).
En juillet 1914, Shifu créait à Canton la Société des camarades anarchistes communistes (Wu zhenfu gongchan zhuyi tongzhi she) et entrait en relations avec de nombreuses organisations anarchistes au Japon, aux États-Unis et dans divers pays d’Europe dont la Russie. Il était également en étroit contact avec l’Association universelle d’espéranto et l’Association Internationale d’espéranto.

D’une santé très fragile, Liu Sifu, qui avait été également le fondateur de la Ping Ming Press de Shangaï, s’usa au travail, refusant même de vendre sa lynotype pour se soigner, et le 27 mars 1915, il décédait de tuberculose et d’épuisement à l’hôpital de Shangaï, privant le mouvement anarchiste d’un représentant de premier plan au moment de la vague révolutionnaire qui allait émerger en mai 1919.

Les 33 numéros de la revue Minsheng ont été réédités en 1969 à Hong Kong.

Œuvres : -Oeuvres choisies (Canton, 1927) ; - Le domptage du tigre (Canton, 1921).