Dictionnaire international des militants anarchistes
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LAZAREVITCH, Nicolas, Ivanovitch
Né le 17 août 1895 à Jupille (Liège) - mort à Paris le 24 décembre 1975 - CGT - Ouvrier électricien, ouvrier du bâtiment puis correcteur d’imprimerie - Belgique - Russie - Paris
Article mis en ligne le 10 mars 2008
dernière modification le 7 mars 2024

par R.D.
Nicolas Lazarevitch

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Nicolas Lazarévitch était né dans la banlieue de Liège (Belgique) où s’étaient réfugiés ses parents, des révolutionnaires russe membres du groupe La Volonté du peuple, après s’être enfuis de Sibérie où ils avaient été déportés. Dès 1911 il commença à travailler comme ouvrier électricien dans diverses usines et mines de Wallonie où il fut rapidement gagné aux idées libertaires et surtout anarcho-syndicalistes, l’un de ses livres de chevet étant alors « le sabotage » d’E. Pouget. Lors de l’éclatement de la première guerre mondiale il fut profondément choqué par la trahison des socialistes et le ralliement de certains anarchistes à l’union sacrée. Militant actif du syndicat des mécaniciens, il suscita un mouvement de grève puis en 1916 quitta la Belgique pour aller travailler dans les mines de charbon de la Ruhr. L’année suivante, ne supportant plus de participer à l’effort de guerre allemand, il s’enfuyait en Hollande, pays neutre, où il entrait en contact avec des déserteurs de différentes nationalités réfugiés dans ce pays ainsi qu’avec des prisonniers de guerre russes évadés d’Allemagne. Lors du déclenchement de la révolution russe, il allait avec eux créer un soviet réclamant leur rapatriement en Russie. Arrêté il fut interné avec eux au camp de Bergen mais parvint à s’évader. Il partit alors jusqu’à Berlin où il rencontra les spartakistes, puis à pieds gagna la Russie et arriva à Moscou en février 1919.

Engagé dans l’armée rouge, il était rapidement mis à la disposition de l’Internationale communiste qui l’envoyait en Ukraine pour y faire de la propagande parmi les troupes françaises débarquées à Odessa pour soutenir l’armée blanche de Dénikine. C’est à cette époque qu’il rencontra Marcel Body ancien membre de la Mission militaire française qui venait de se rallier au bolchévisme. Arrêté par l’armée blanche et sur le point d’être fusillé, il ne dut la vie sauve qu’à l’arrivée de l’Armée rouge qui réoccupa Odessa. Puis à l’été 1919, lors de l’offensive de Dénikine, il prit par à l’exode de l’armée rouge tentant de regagner les régions encore tenues par les révolutionnaires. Son groupe était refoulé par les armées blanches sur la Roumanie où il était immédiatement emprisonné. En 1920 il passait illégalement en Yougoslavie, puis en Italie où il contactait immédiatement des militants anarchistes dont Franceso Ghezzi et participait à Milan à des affrontements de rues avec les fascistes.

En mars 1921 il regagnait clandestinement l’URSS et trouva divers emplois dans les grands ateliers du chemin de fer de Kazan, à Perovo, dans la banlieue de Moscou. A l’occasion du IIIe congrès de l’Internationale communiste, il devint traducteur à temps partiel auprès du Komintern. Dès cette époque, il prit ses distances à l’égard du régime soviétique. Refusant de devenir un fonctionnaire officiel, il retourna alors en usine. Employé à l’usine métallurgique Dynamo, à l’atelier de montage il y découvrit une classe ouvrière misérable dépouillée de tout pouvoir réel par les bolchéviques et y organisa un premier noyau syndicaliste oppositionnel. Renvoyé à la suite d’une intervention contre la campagne d’adhésion collective au syndicat menée par la direction il partait alors avec l’institutrice française Rosaline Leclercq pour la province de Toula où il travailla à la mine. Il fréquenta ensuite à cette époque la petite commune fraternelle de Yalta (Crimée). Cette commune installée dans la maison d’un bourgeois qui s’était enfui, était entourée d’un vaste jardin que les premiers occupants s’employèrent à défricher. C’est là qu’il rencontra le militant français Pierre Pascal, Boris Souvarine et retrouva le militant libertaire italien F. Ghezzi.

Après un séjour dans les mines du Dombass, Nicolas Lazarévitch revint à Moscou et décida de préparer l’examen d’entrée à l’Institut électrotechnique Kagan-Chaptchai qu’il passa avec succès. Après avoir tenté de mener une opposition syndicale publique et devant les menaces de répression, il passait à la clandestinité et rédigeait plusieurs tracts dénonçant la trahison des bolchéviques et appelant les travailleurs à s’organiser eux-mêmes en dehors des syndicats officiels qui avaient abandonné la lutte des classes. Dénoncé à la Guépéou il était arrêté le 8 octobre 1924. Une instruction à laquelle il refusa de participer fut ouverte et il fut condamné à trois ans de camp de concentration pour « activité contre révolutionnaire en collaboration avec la bourgeoisie internationale ». De la Loubianka, il fut transféré à Boutyrki puis à Souzdal le 14 juin 1925 et enfin à la prison centrale de Vladimir. Grâce aux efforts de son frère cadet Pierre et de Pierre Pascal, il put garder le contact avec l’extérieur. Puis une importante campagne en sa faveur fut menée par les milieux anarcho-syndicalsites et syndicalistes révolutionnaire, en particulier dans la revue « La Révolution prolétarienne » (Paris) de P. Monatte et aussi dans L’Insurgé d’André Colomer sous la plume de Marcel Wullens, qui aboutit à sa libération le 29 septembre 1926. Banni d’URSS, il fut autorisé à partir pour l’étranger. Il arriva en France le 2 octobre 1926 et se fixa dans le Jura. C’est à cette époque qu’il rédigea « Ce que j’ai vécu en Russie ».

Puis il partit pour Paris où il travailla dans le bâtiment et participa aux activités du groupe anarchiste russe éditant la revue Diélo Trouda où il publia plusieurs articles sur la condition ouvrière en Union soviétique. C’est dans ce groupe qu’il rencontra Ida Gilman Ida Mett qui allait devenir sa compagne et avec laquelle il participait aux cotés de N. Makhno et P Archinov à l’élaboration du projet de Plate forme organisationnelle dite "Plate forme d’Archinov". De 1926 à 1928 il lança une campagne d’information prise en charge par Le Libertaire sur les réalités de la condition ouvrière en Union Soviètique et organisa une cinquantaine de conférences dans le nord et le sud de la France, en Belgique, en Suisse et en Allemagne. Cette activité lui valut une campagne de calomnies du groupe des Amis de l’URSS et dans L’Humanité le traitant de "mouchard et agent provocateur"

Il collaborait à cette époque à La Voix du Travail (Paris, 1926-1927) bulletin de l’AIT puis de la CGTSR. Il participait également à la campagne en faveur de Sacco et Vanzetti et à l’élaboration de la brochure « Comme au temps des Tsars : l’exil et la prison, parfois la mort contre les meilleurs révolutionnaires » éditée par le Comité International de Défense Anarchiste (CIDA). Il avait également adhéré dès sa fondation début 1928 au groupe des Amis du Libertaire dont Faucier était le secrétaire. Vers la fin octobre 18928 il était l’un des responsables du Groupe des anarchistes et anarcho-syndicalistes russes de Paris qui venait de se former.
Toutes ses acitivités aboutisaient le 25 novembre 1928 à l’expulsion du couple qui se réfugiait alors en Belgique. C’est à ce moment que parut l’unique numéro d’un journal syndical dont il avait pris l’initiative : La Libération syndicale (Paris, numéro unique décembre 1928) dont le gérant était Raffin et le rédacteur Bettendrofer et qui était sous-titré « bulletin du groupe des ouvriers anarcho-sundicalistes et anarcho-communistes de Russie ».

De 1928 à 1930, Nicolas Lazarévitch retourna à Liège où il travailla comme mineur et d’où il colabora à La révolution Prolétarienne ainsi qu’au numéro spécial de Droit d’asile (Bruxelles, septembre 1929) édité par Hem Day en faveur du militant libertaire Angelo Bartolomei menacé d’extradition, au numéro unique de « Guerre au fascisme » (Bruxelles, février 1930) édité par le Comité International de Défense Anarchiste. Il était à cette époque l’un des responsables avec P. Gonda du Groupe ouvrier anarchiste de Liège.

Puis, en 1930 il revint illégalement en France. Il connut alors Simone Weil avec qui il restera en contact jusqu’à sa mort. En juin 1931, il partit avec Ida pour l’Espagne, où il participa à diverses manifestations ouvrières à Barcelone et à Madrid, y resta jusqu’en novembre de la même année et rédigea des chroniques sur « les révolutions espagnoles » qui paraîtront dans La Révolution prolétarienne et Le Cri du Peuple. Après un bref séjour à Paris en 1932, le couple retourna en Belgique et y resta jusqu’en 1936. Nicolas participa alors à plusieurs grèves dures menées par les anarcho-syndicalistes et en juillet 1933 était arrêté et condamné à quatre mois d’emprisonnement par le tribunal de Verviers pour avoir harangué les ouvriers du textile en grève lors d’un meeting interdit. En 1932 il avait fondé, avec Jean de Boë, le bi-mensuel Le Réveil syndicaliste (Liège-Bruxelles, 30 numéros du 29 octobre 1932 au 22 avril 1934) dont l’administrateur était la camarade J. Gottfreid et qui était l’organe des Groupes d’Action syndicaliste. En mai 1933 il participa à l’enquête sur le mouvement social en Belgique paru dans le numéro 8/9 de la revue Correspondance Internationale Ouvrière (Nîmes) animée par A. Prudhommeaux et Jean Dautry. Les 24 et 25 décembre 1933 il participa avec E. Tanrez Ernestan au premier congrès national tenu à Paris par la Fédération communiste libertaire (FCL) salle Lejeune, 67 rue de Ménilmontantn auquel assistèrent une trentaine de délégués.

Parallèlement il animait des campagnes pour la libération de Victor Serge - qu’il accueillit à Bruxelles après sa libération en avril 1936 - et de F. Ghezzi emprisonnés en URSS, contre les expulsions par la Belgique de militants anarchistes étrangers tant et si bien qu’il fut une nouvelle fois arrêté avec sa compagne en 1934, il fut condamné à quinze jours de prison. En 1935, devant l’aggravation du danger de guerre, il entreprit la constitution d’un comité contre la guerre et fut délégué à la Conférence de Saint-Denis les 10 et 11 août 1935. En juin 1936, de nouveau arrêté, il fut condamné à sept mois de prison mais libéré peu après sur intervention des syndicats bruxellois.

Il revint alors en France où il trouva un travail de correcteur d’imprimerie, fut admis au syndicat des correcteurs le 3 avril 1937 et fonda, avec Félix Guyard l’organe Le Réveil syndicaliste (Paris, au moins 10 numéros de janvier à octobre 1938) dont le gérant était Léon Duvernet, était édité par le Cercle syndicaliste Lutte de classe et où ses articles étaient signés le plus souvent du pseudonyme L. Nuiteux. Il participa également à la recherche de la documentation pour le livre que sa compagne allait publier sous le titre « La Commune de Cronstadt ». Il couvrit les luttes du Front populaire dans les colonnes du Libertaire prônant la mise en place du contrôle ouvrier. Nicolas Lazarevitch collabora également avec Louis Mercier Vega à la revue Révision (Paris, 5 numéros de février à juin 1938) dont le gérant était Louis Feuillade.

En septembre 1939, la police signalait que, par crainte d’une expulsion, il avait quitté son emploi de correcteur au journal Le Peuple. Lors de la guerre il fut arrêté en 1940 et interné au camp de Vernet (Ariège) tandis que sa compagne et leur fils Marc étaient internés au camp de Rieucros (Lozère). Après l’armistice, feignant d’accepter un rapatriement en Belgique, il parvenait à s’enfuir au cours du transport et travaillait quelques mois comme ouvrier agricole dans les Landes avant de pouvoir rejoindre sa famille assignée à résidence à la Garde-Freinet en 1942 puis à Draguignan (Var) en 1943.

Après la guerre, Lazarévitch revint à Paris où il reprit en 1946 son métier de correcteur. Il rencontra l’écrivain Albert Camus au Groupe de Liaison Internationale et l’aida dans ses travaux de documentation sur les terroristes russes du XIXe siècle pour sa pièce « Les Justes ». Avec Lucien Feuillade, il publia un choix de textes, "Tu peux tuer cet homme, scènes de la vie révolutionnaire russe", qui, à travers une série de témoignages historiques exposait les contradictions de l’action révolutionnaire et son échec final. De 1950 à 1958, il participa à La Réalité russe (60 numéros), bulletin d’information bimensuel qui présentait et commentait des articles traduits de la presse officielle soviétique et contradisant l’image idyllique de la société soviétique. Parallèlement et par l’intermédiaire de Louis Mercier Vega il collaborait aux revues Preuves et Les Amis de la Liberté et s’associaient aux différents réseaux anti communistes créés autour de Boris Souvarine.
Aux côtés d’Albert Camus, il prit part en novembre 1956 à la salle Wagram à un meeting dénonçant la répression de la Commune hongroise par les troupes soviétiques.

Il suivit avec ferveur les événements de mai 1968, participa à de nombreux débats à la Sorbonne occupée dont un sur l’autogestion.

Dans les vingt dernières années de sa vie, Nicolas Lazarévitch s’était pris de passion pour l’étude de la langue russe, philologie et littérature, ainsi que pour celle du tchèque. Cela l’amena aux Langues Orientales, à la Sorbonne –où Pierre Pascal était le directeur du département de Russe - et à Nanterre. Son caractère impétueux lui valut à la fois des sympathies et de nombreuses frictions avec ses condisciples et le corps professoral.

Nicolas Lazarévitchn dont la compagne Ida était morte le 27 juin 1973, est décédé à Paris le 24 décembre 1975.

OEUVRE : Ce que j’ai vécu en Russie, Liège, 1926 (introduction de Jean Ledoux) — Tu peux tuer cet homme, scènes de la vie révolutionnaire russe, textes choisis par L. Feuillade et N. Lazarévitch, (Gallimard, Paris, 1950) — A travers les révolutions espagnoles, Paris, 1972.
Collaborations : Dielo Trouda, Paris, mensuel, n° 23-24, avril-mai ; n° 25, juin, n° 28, septembre ; n° 30-31, novembre-décembre (1927) ; n° 35, avril, n° 37-38, juin-juillet (1928). — Outre les journaux cités dans la notice N. Lazarévitch a également collaboré à Germinal (Amiens) dans les années 1930


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