Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

BATACCHI, Cesare

Né à Florence le 4 septembre 1849 è mort le 11 mai 1929 — Menuisier — AIT — Florence (Italie)
Article mis en ligne le 29 janvier 2020
dernière modification le 24 juillet 2024

par R.D.
Campagne pour Cesare Bataccchi (carte postale)

Fils de Pietro et Carolina Ciulli, Cesare Battichi avait été l’un des premiers membres de la section florentine de l’Internationale. Il avait déjà subi deux condamnations pour résistance lorsqu’il participa à la tentative insurrectionnelle d’août 1874 et fut poursuivi pour complot avec 33 autres camarades. Le procès qui s’ensuivit se termina le 31 août 1875 par un acquittement presque général, mais à partir de ce moment, il fut soumis à une étroite surveillance et à des provocations constantes de la police, comme le reste de l’organisation florentine de l’Internationale qui à cette époque, était le plus fort du pays et inquiétait très sérieusement les autorités.

Le 29 septembre 1878, les internationalistes avaient célébré le 14e anniversaire de l’AIT à l’extérieur de Florence (700 à 2000 selon les sources) puis étaient retournés au centre de la ville avec des chansons et des hymnes. Le nouveau commissaire, L. Serafini, — connu pour l’ignoble répression en Romagne —, qui en vain avait déjà tenté de désarticuler la Fédération toscane par des provocations continues, décida d’y mettre fin une fois pour toutes. Il fit disperser de nombreux rassemblements, arrêta des dizaines d’internationalistes, dont Batacchi, et, le 1er octobre 1878, après une réunion clandestine, arrêta F. Natta, le couple Pezzi, G. Niccheri, G. Talchi, O. Falleri, A. Kuliscioff, de passage, et bien d’autres ; pratiquement, l’état-major, non seulement de la section florentine mais de toute la Fédération italienne.
Tous furent accusés, non sans fondement, de préparer une nouvelle insurrection. Le 6 novembre, coïncidant avec la visite du roi dans la ville, fut organisée une autre rafle où notamment Batacchi fut arrêté et de nouveau emprisonné, De nouvelles arrestations préventives eurent lieue le 16 novembre. Suite à l’attentat le lendemain à Naples de Passanante contre le roi, une manifestation de soutien à la monarchie avait été prévue à Florence le 18. Batacchi fut libéré ce jour-là à 16h et se rendit au théâtre municipal où il travaillait ; à 18h, via Nazionale, des bombes furent lancées sur le cortège de la manifestation (4 morts et 11 blessés). Dans les dix minutes qui suivirent, des pancartes étaient apparues dans la foule appelant à la mort des internationalistes. Batacchi fut aussitôt inculpé, avec Natale Conti, Pietro Corsi, Agenore Natta (frère de Francesco), Natale Nencioni, Giuseppe Scarlatti, Aurelio Vannini, Lisandro Marchini et Sante Sicuteri. À l’exception des deux derniers, tous étaient des militants bien connus, en particulier Vannini (né à Florence en 1839), ancien garibadiste et l’un des trois seuls condamnés au procès pour l’insurrection de 1874, pour fabrication et détention de armes et qui venait d’être inculpé le 1er octobre pour avoir participé à la réunion clandestine de l’AIT.
Le procès, où les accusés furent poursuivis pour complot, se déroula du 20 mai au 5 juin 1879 et fut l’objet d’incroyables manipulations des textes et d’intimidation des défenseurs, dirigés par le même magistrat qui fera enfermer Cafiero dans un asile psychiatrique. Il se termina par la condamnation de Batacchi à l’emprisonnement à perpétuité, Scarlatti et Natta à 20 ans de travaux forcés, Corsi, Vannini, Nencioni et Conti à 19 ans, et l’acquittement de Marchini et Sicuteri. Battachi fut interné à Volterra, et devint pou le peuple le symbole de la “Justice” des seigneurs.

Deux ans plus tard, en 1881, deux des principaux accusateurs, N. Menocci et F. Alessi, désormais l’un à Nice et l’autre à Alexandrie en Égypte, exonèrent les condamnés en déposant, devant les consuls de ces villes, qu’ils avaient témoigné sur pression et argent reçus du commissaire. À Florence, Pezzi tenta vainement de rouvrir l’affaire et publia ces documents dans la brochure Un errore giudiziario, ovvero un po’ di luce nel processo della bomba di via Nazionale,(Florence 1882). Puis Fortunato Serantoni entama une campagne “pro Batacchi” dans son magazine La Lanterna. L’initiative fut étouffée dans l’œuf : Serantoni fut d’abord é poursuivi, condamné à 4 mois de prison et à une amende, puis fut l’objet avec d’autres compagnons d’un mandat d’arrêt pour agression contre l’un des témoins payés par la polie. En octobre 1882, Serantoni et ses compagnons durent quitter le pays et le silence tomba sur l’affaire pendant 17 ans.

Mais avec la crise du tournant du siècle, l’affaire allait resurgir comme un symbole de l’iniquité des castes réactionnaires, et allait mobiliser non seulement les anarchistes, mais aussi les socialistes, les républicains, les démocrates et même des religieux.
En 1899 à Florence à l’initiative des avocats E. Ciacchi, A. Angiolini et C. Pucci, avec le soutien du journal socialiste La Difesa, était fondé le comité “pro Batacchi” qui entamait une propagande intense et fructueuse ; une chanson immédiatement très populaire Il Maschio di Volterra fut créée et fait toujours partie du recueil de chansons libertaires.
Face à l’impossibilité d’une révision du processus, compte tenu des lois en vigueur, Batacchi fut présenté aux élections complémentaires de la Chambre au collège de Pietrasanta et fut élu. Le 10 mars 1900, la Chambre décida d’annuler son élection seulement après l’assurance formelle de Pelloux de résoudre l’affaire. Le 16 mars, Battacchi fut libéré par grâce royale et Florence l’accueillit avec une participation énorme et chaleureuse. Batacchi rencontra es compagnons d’infortune qui avaient récemment purgé leur peine, à l’exception du pauvre Corsi mort en prison. Il était rentré chez lui à Borgo Allegri dans le quartier florentin de San Croce, où il avait d’abord ouvert un magasin de charbon puis de tabac.

Au cours des années suivantes, il participa activement aux campagnes pour les prisonniers politiques et pendant la guerre, en novembre 1917, il participa à la conférence clandestine entre anarchistes et gauche socialiste, sur la constitution de faisceaux révolutionnaires, décision du congrès anarchiste clandestin de 1916.

En 1910 il avait déménagé à Bagno a Ripoli, où il est décédé le 11 mai 1929, mais son atelier est resté avec la famille jusqu’à après 1980


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