Henri Roorda était le fils de Sicco Roorda van Eysinga (1825-1887), fonctionnaire en Indonésie, qui avait été révoqué à cause de ses positions anticolonialistes, et avait trouvé refuge en Belgique puis en Suisse romande dès 1872. Etablie à Clarens, la famille se lia avec Élisée Reclus qui aura une influence décisive sur la formation d’Henri, ainsi qu’avec Pierre Kropotkine (Sicco Roorda donnera des articles à son journal Le Révolté, publié à Genève).
Elevé dans une école militaire, Sicco Roorda avait été envoyé aux Indes comme officier, puis avait été nommé ingénieur des ponts et chaussées dans la province orientale de Java où il devint très vite le défenseur des autochtones. Pour avoir ramassé sur une route une javanaise blessée et l’avoir fait soigner à son domicile, il avait été destitué de son poste et renvoyé en Europe. Dans les dernières années de sa vie, il avait collaboré à divers journaux et revues hollandaises dont certains articles contenant “une démonstration scientifique de l’idée anarchiste et une critique à fond du parlementarisme” furent éditées début 1889 sous le titre Lettres sans originalité.
A partir de 1892, sin fils Henri Roorda enseigna les mathématiques à Lausanne et publia des articles sur l’école et l’enseignement dans Les Temps nouveaux, L’Humanité nouvelle, La Revue Blanche, L’École rénovée. Il correspondait avec Reclus, Ferdinand Domela Nieuwenhuis, Jacques Gross notamment. De 1913 à 1917, il collabora au Bulletin de l’École Ferrer de Lausanne, dont il rédigea entre autres les statuts programmatiques.
Par la suite, il publia des ouvrages critiques sur la pédagogie : Le pédagogue n’aime pas les enfants (1917), Avant la grande réforme de l’an 2000 (1925). Il s’insurgeait contre “l’apprentissage de la docilité” et “le “savoir inutile” : ’ Le malheur est qu’on ne s’applique pas à émerveiller l’écolier… Qu’on lui donne l’illusion que la vie est belle ; ce serait moins dangereux que de lui persuader insensiblement que le travail est une chose ennuyeuse… L’enfant s’ennuie encore pour cette raison que toute sa vie d’écolier se passe dans une salle monotone… Ceux qui ont pour mission de nous instruire et de nous révéler l’univers, commencent par nous enfermer durant des années dans un local d’où l’on n’apperçoit rien de ce qui est à la surface du globe. Ajoutons que les bons élèves sont ceux qui ne regardent pas par la fenêtre”).
Pendant la Grande Guerre, il proclama son “internationalisme sentimental” et proposé pour en finir avec le militarisme de rendre le service militaire obligatoire à…45 ans !
Sous le pseudonyme de Balthasar, il donna des chroniques sarcastiques et humoristiques à la presse suisse romande, reprises partiellement en volumes : A prendre ou à laisser (1919), Le Roseau pensotant (1923), Le débourrage de crânes est-il possible ? (1924), ainsi qu’un Almanach Balthasar (1923 à 1926).
A 4 heures du matin, le samedi 7 novembre 1925, Henri Roorda décédait « subitement des suites d’une effroyable neurasthénie » (comme l’annonça la presse). Ses amis publieront l’année suivante Mon suicide, texte testament, grave et léger, où Roorda expose avec distance et ironie les raisons qui l’ont conduit à mettre fin à ses jours en se tirant une balle dans la tête.
Il fut l’objet d’une exposition tenue au Musée historique de Lausanne de mars à juin 2009.
Œuvre : — “Œuvres complètes”, L’Age d’Homme, 1969 / “Mon suicide”, Ed. de l’Aire, 1992, 1995 / “Lo stato arretrato della scuola odierna”, art. apparso sul Il Pensiero, Roma 16 octobre 1910 (No 20) e il recente “Il maestro non ama i bambini”, La Baronata 2014.