Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

DECAMPS, Henri, Louis, Charles “DUBOIS”

Né le 30 octobre 1859 à Condé-Folie (Somme) — Ouvrier tisseur — France — Ramsey (New Jersey)
Article mis en ligne le 13 février 2007
dernière modification le 8 août 2024

par R.D.

Vers la fin de l’été 1887, Henri Decamps s’était installé à Saint-Ouen (Somme) avec sa mère veuve et la femme Fourdrinier (ou Foudrinier ?) sa grand mère âgée de 72 ans. Suite à l’apposition dans la nuit du 24 au 25 décembre de placards antipatriotes, une perquisition eut lieue à son domicile le 5 janvier, en son absence. Sa grand mère qui avait refusé de remettre un paquet de vieux numéros du Révolté et de La Révolte fut frappée avant que les gendarmes ne s’en emparent. Le surlendemain les gendarmes revenaient arrêter la vieille femme et la conduisaient à Domart, puis le 9 janvier, venaient arrêter la mère de Decamps. Ce dernier averti, quittait alors son atelier avec son frère. Tous deux ainsi que la femme d’Henry Decamps, étaient licenciés le soir même de leur usine. En mars, sa mère fut condamnée à 2 ans de prison et sa grand-mère à 1 an, tandis que lui était obligé de quitter la localité où il s’était réfugié.

Le 19 février 1891 lors du tirage au sort à Saint-Denis avec plusieurs compagnons anarchistesdont Voyez, Ferrière, Collion, Bastard, Pernin, Pierret et Galau il avait bruyamment manifesté aux cris de « A bas la patrie ! Vive l’anarchie !. Le 22 février suivant, lors d’une réunion tenue au café de Zanzibar, il avait été arrêté avec Françolis Collion, Ernest Fradet, Elysée Bertrand Nestor Ferrière,Ernest Montgouillard,Emile Voyez, Emile Dertho, Paul Sauval Paul, François Pernin, Henri Ferrieu, Charles Galau, Louise Segard et Aimée Monceau. Poursuivi le 25 mars 1891, il fut condamé à 15 jours de prison pour « cris séditieux » tandis que les autres furent acquittés.

« Ma tête ? Prenez là ma tête, je ne la défends pas, je la livre ! Je n’ai rien à me reprocher ; toute ma vie j’ai lutté pour l’ouvrier : je la porterai fière et droite devant l’échafaud. Une tête d’anarchiste de plus ou de moins n’empêchera pas la propagande ». Ces paroles, Henri Louis Decamps dit Dubois, titulaire de cinq condamnations les adressa à ses juges qui le condamnèrent le 28 août 1891 à 5 ans de prison par suite des incidents et des échanges de coups de feu survenus à Clichy lors de la manifestation du 1er mai 1891 : porteur de deux revolvers dont il avait fait usage lors de l’arrestation, il avait été arrêté avec Charles Auguste Dardare et Louis Leveillé en arrivant à Levallois où ils avaient été assaillis par des policiers et des gendarmes chez un marchand de vins où ils roulaient leurs drapeaux rouges. Selon La Révolte, il avait été blessé « de six coups de sabre à la tête et aux épaules”) (cf. La Révolte, 23 mai 1891). Lors de son arrestation, il aurait déchargé ses armes et aurait blessé un agent avec le sabre qu’il lui avait arraché. Passés violemment à tabac ils avaient été ensuite poursuivis pour « coups volontaires, suivis d’effusion de sang, portés à des agents de la force publique ».

Selon le témoignage du compagnon Antoine Belière (cf. Le Libertaire, 1er mai 1925), la veille, au soir du 1er mai, Louis Decamps, le pot de colle à la main, était intervenu dans une réunion de travailleurs tenue salle Mérot à Saint-Denis. Après avoir escaladé la tribune, il avait évoqué les martyrs de Chicago et « développé les raisons qu’avaient les ouvriers anarchistes de se trouver à l’avant-garde de tous les mouvements populaires » puis avec ses camlarades « ayant repris pinceaux et placards, s’enfoncèrent dans la nuit pour continuer l’affichage interrompu »

Lors du procès il lui avait été reproché un violent discours tenu dans une réunion le 25 avril précédent où il aurait appeler au pillage et à être armé lors de la manifestation ; Decamps avait seulement reconnu qu’il avait dit qu’il « fallait s’attendre à tout, que ceux qui manifestaient devaient s’apprêter à se défendre, car sûrement ils seraient attaqués, ou bien restés chez eux.… » et avait ajouté qu’il avait « démontré qu’il est honteux que des malheureux aillent pieds nus, quand il y a des magasins bondés ». Il fut incarcéré à la Roquette puis à la centrale de Poissy, d’où il sortit en septembre 1896. Pendant son incarcération une de ses enfants, âgée de trois ans, avait été recueillie par le compagnon Chauveau, puis après la mort de ce dernier en 1897, par le compagnon Galau. Henri Decamps émigra ensuite aux États-Unis. Il prit rapidement langue avec les milieux francophones révolutionnaires et libertaires.
Dans une lettre datée du 8 février 1897 et adressée à Sébastien Faure, il racontait avoir tenté de rejoindre son frère à Seranton, mais n’ayant pu trouver de travail, avait rejoint la colonie “Libre initiative”. Il ajoutait : « Je suis au courant de la besogne faite en France, car les camarades nos envoient les journaux toutes les semaines, et quand je vois dans les compte-rendus des réunions, je me sens revivre… » (cf. Le Libertaire, 25 mars 1897).

Dès mars 1897, alors qu’un débat opposait partisans et adversaires de l’action directe, il adressa à la Tribune libre une lettre soulignant que les actes de violence avaient « sérieusement contribué à faire connaître les théories anarchistes. » Ce qui lui valut une réponse de Louis Goaziou dans laquelle ce dernier exprimait son désaccord avec cette manière de voir.

Il fut l’un des premiers à rejoindre la colonie « la libre initiative » (Free Initiative) installée à Ramsey dans le New Jersey (voir Bouet). Quelques mois plus tard, lors de la dissolution, il décida d’y rester avec sa compagne et leurs deux enfants. Il était résolu à ne jamais retourner en ville, et s’efforça de faire prospérer les terres agricoles qui lui avaient été laissées.
Il fut secondé dans ses efforts pour maintenir la colonie en vie par l’arrivée au printemps 1898 de David Mikol, qui permit la construction d’un atelier de confection. Cherchant à renforcer le noyau de colons, Decamps pressa l’anarchiste Étiévant de venir les rejoindre. Mais celui-ci, effrayé par la perspective d’une nouvelle existence de misère renonça (il devait peu après être de nouveau lourdement condamné pour un attentat commis par désespoir, et aller mourir au bagne). À sa place Decamp proposa de faire venir la veuve Chauveau, anarchiste convaincue et veuve d’un bon compagnon charron décédé en 1897, qui avait adoptée la fille de Decamps pendant que celui-ci était en prison (Tribune libre, 19 mai 1898). Six mois plus tard, toute la famille Decamp continuait de travailler avec ardeur pour faire vivre la colonie, qui, avec l’aide de D. Mikol, avait pratiquement atteint le stade de l’auto-suffisance. Malgré une forte concurrence, les produits de la ferme étaient vendus à des sympathisants sur le marché de Paterson (Tribune libre, 6 octobre 1898).

Sa trace se perd ensuite, ses rapports avec Goaziou s’étant sérieusement dégradés suite à une rencontre orageuse dans les locaux du journal anarchiste italien La Questione sociale de Paterson.

Toutefois en décembre 1907, lors d’une grève ouvrière à Norwalk, le journal Les temps nouveaux signalait sa présence parmi les “Jaunes” et ajoutait : « Non content d’être tombé si bas, le même individu, le 28 avril dernier, a servi de témoin contre des grévistes accusés d’avoir molesté des scabs [jaunes], les camarades Prista, Fiorine et Barrachi qui furent condamnés à trois ans de prison. Ceci afin de prévenir les camarades français au cas où, se réclamant de son passé, cet individu tenterait de se réintroduire parmi eux ».


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