L’agent provocateur Lucien Métivier apparut dans les milieux syndicalistes, catalogué comme anarchiste, vers 1906. C’était un « petit homme, maigre et chafouin, remuant, bourdonnant et bavard, dont la voix craquait comme, sous la dent, les biscuits qu’il fabriquait à ses heures » (De Marmande, op. cit., p. 157). En mars 1907, il fut délégué au congrès fédéral de l’alimentation ; deux mois plus tard, il était nommé secrétaire de rédaction de L’Alimentation ouvrière et il le demeura jusqu’à fin janvier 1908. Il devint, cette même année, secrétaire du syndicat des biscuitiers de la Seine. En octobre 1910, il assista, à Toulouse, au XVIIe congrès national corporatif — 11e de la CGT — et cumula, jusqu’en 1911, des fonctions nombreuses à l’union départementale des syndicats de la Seine et à la CGT. Il était en outre secrétaire de la Ligue antialcoolique.
C’est le 20 mai 1908 qu’il fut reçu personnellement par Clemenceau, président du conseil, ministre de l’Intérieur, qui le prit à son service sous le pseudonyme de Luc pour le renseigner et pour provoquer les incidents sanglants qui permirent la répression. D’autre part, Clemenceau le dénonça désormais comme le syndicaliste le plus dangereux, ce qui rehaussa le prestige de Métivier dans la classe ouvrière.
Mandaté par l’UD de la Seine auprès des grévistes de Seine-et-Oise, il anima la grève des terrassiers de Draveil après le massacre du 2 juin 1908 ; il fut arrêté le 27 juillet à Vigneux, ce qui ne fut peut-être pas, comme le veut De Marmande, la seule cause de la grève générale du Bâtiment, mais contribua certainement à la déclencher avec, pour résultat, une nouvelle fusillade à Villeneuve-Saint-Georges et l’arrestation des principaux responsables de la CGT. Métivier, emprisonné à Corbeil, fut condamné, le 4 novembre 1908, par la cour d’assises de Seine-et-Oise, à six mois de prison et relâché le 13 décembre. Il fut ensuite souvent arrêté et condamné, notamment à deux ans de prison en décembre 1910, peine ramenée en appel à huit mois, après les incidents de la grève des biscuitiers. Pendant la grève générale des cheminots de 1910, il incita certains dirigeants à commettre des sabotages ; il aurait lui-même déposé un “pétard” chez Émile Massard. Il fut encore poursuivi après avoir joué un rôle provocateur dans la grève des coloristes, en 1911, avec l’aide de sa compagne Marie-Louise Botcazou. Entré à la prison de la Santé le 3 avril, il fut libéré conditionnellement le 8 juillet. Mais il fut séquestré le 20 juillet et démasqué publiquement par Almereyda et les services de sûreté de La Guerre sociale. Il se constitua prisonnier le 19 novembre 1911, après que ses “agresseurs” (Almereyda, Goldsky, Truchard, Dulac, etc) aient été acquittés le 5 octobre précédent. Cet Azev au petit pied fut un des responsables de la crise qui sévit dans la CGT de 1909 à 1911 ; il se retira à Vence (Alpes-Maritimes) où il s’établit commerçant.