Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

COTTIN, Louis, Émile “MILOU”

Né à Creil (Oise) le 14 mars 1896 — tué le 8 octobre 1936 — Ouvrier charpentier
Article mis en ligne le 29 janvier 2007
dernière modification le 1er novembre 2024

par R.D.
Émile Cottin (carte postale)

Émile Cottin avait été élevé à Compiègne dans une famille ouvrière. C’est avec la lecture de Zola, qu’il s’était intéressé aux idées libertaires et avait rencontré juste avant la première guerre mondiale plusieurs militants dont E. Armand, Sébastien Faure et Pierre Chardon. En mai 1918 il avait assisté à une charge de police, suivie de tirs, contre des ouvriers en grève d’une usine de munitions, ce qui l’avait profondément marqué et sans doute décidé à attenter à la vie de Clemenceau « Le briseur de grèves ».

« Je suis anarchiste, c’est-à-dire antiautoritaire, anticléricaliste, antimilitariste et antiparlementaire. Je n’ai qu’une patrie, la terre » déclara Cottin lors de son procès qui s’ouvrit le 14 mars 1919. Quelques semaines auparavant, le 19 février 1919, il avait tiré sur Clemenceau et avait failli être lynché lors de son arrestation ; la blessure fut bénigne mais valut à Cottin d’être condamné à la peine de mort par le Conseil de guerre. Le lieutenant Mornet, procureur, avait déclaré « Ce n’est pas seulement Clemenceau que l’anarchiste visait ; c’était la France ! ». Le 28 août 1919 il avait été transféré de la prison de Fresnes à Melun. Après 42 jours passés dans la cellule des condamnés à mort à Melun, Cottin fut gracié par Poincaré et la peine fut ensuite commuée en dix ans de réclusion et vingt ans d’interdiction de séjour, après une vigoureuse campagne menée par Le Libertaire, arguant du fait que l’assassin de Jaurès avait été acquitté. Il est à noter que tout au long de cette campagne, de nombreux militants et militantes anarchistes seront poursuivis et emprisonnés pour leur soutien apporté à Cottin. L’Union Anarchiste avait en particulier publié la brochure “Émile Cottin, son geste, sa condamnation, son supplice” (Paris, 1922, 8 p.), tirée à 100.000 exemplaires ; Louis Loreal avait composé sur l’air de “Gloire au 17e” une chanson intitulée “Gloire à Cottin” (cf. La Jeunesse Anarchiste, n°7, novembre 1921, dont les numéros 7 à 11 traiteront essentiellement de l’affaire Cottin). Une carte postale avait également été publiée (reproduite in Le Libertaire de mai 1923).

En mai 1922, après une grève de la faim de 6 jours, Cottin obtenait l’autorisation de travailler en cellule et non plus en atelier où il avait été victime de voies de fait de la part de co-détenus.

Le 14 août 1924 il fut transféré en ambulance de la Centrale de Melun à l’infirmerie de la prison de Fresnes dont il fut libéré conditionnel le 21 août 1924, « déficient à l’extrême… sa vue pas brillante s’étant gravement altérée (Contre-courant, août 1952) et astreint à résider à Haucourt (Oise) où l’anarchiste S. Casteu l’hébergea. Le 26 août 1924 il écrivit au Libertaire : « La prison est une rude école, mais c’est encore la meilleure. Ma foi y est devenue d’airain. Je vais d’abord me reposer, puis j’étudierai la question anarchiste en profondeur… Ma sortie de prison m’a été plutôt froide, car pour moi je ne devais pas y aller. Si mon corps a été dedans, ma pensée, à coup sûr, n’y fut pas souvent ».

Le 4 septembre 1924 il répondit dans Le Libertaire à l’article Dans la fosse aux ours : les libertaires peints par eux mêmes paru dans L’Humanité (31 août 1924) où les libertaires étaient traités de “maboules”. Dans le même article il regrettait que « Le Libertaire soit plus syndicaliste qu’anarchiste, je veux dire par là que la place réservée à une seule branche du grand mouvement tient trop de place vis-à-vis d’autres non développées. Je regrette aussi d’y lire des termes grossiers, car l’idéalisme exclut toute grossièreté”.

Cottin fabriquait des boîtes à pain à vingt francs pour lesquelles l’hebdomadaire Germinal faisait de la publicité. Bien qu’astreint à résidence, il n’en vint pas moins à Paris où il rencontra celle qui devint sa compagne et dont il eut un fils. Le caractère difficile de Cottin et l’insécurité de l’interdit de séjour rendirent l’entente incertaine et ce fut le désaccord puis la séparation.

En mars 1930, alors qu’il se rendait à Marseille pour voir son fils, il fut arrêté à Lyon et emprisonné. Il travailla comme ébéniste en 1936 à Clichy ; en février, il fut de nouveau arrêté et accomplit trois mois de prison.
Sa compagne et leur fille vivaient à Toulon.

En 1934 il figurait sur la liste des anarchistes de l’Oise où il travaillait comme ébéniste.

En juillet 1936 il vint chez L. Louvet : « Je pars en Espagne, ma résolution est prise, mais il me faut des papiers ». Louvet lui donna les siens. Il s’inscrivit au groupe international de la colonne Durrutti ; quatre mois plus tard, le 8 octobre 1936, il était tué près de Huesca sur le front de Saragosse. « Ce fut un suicide » écrivit Louis Louvet qui ajoutait « Eternel diminué social, ne pouvant faire valoir aucun de ses droits, il était ulcéré à la pensée que sa fillette vivait à Toulon dans des conditions qui ne pouvaient… la prédisposer à un avenir brillant ».

Émile Cottin aurait également utilisé la fausse identité de Lucien, Charles Bardeulet.


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