Fils d’exploitants agricoles au Gua (Charente-Inférieure), Eugène Vallet, après des études primaires, fut d’abord apprenti imprimeur, puis, par la volonté de son père, enfant de troupe, à quatorze ans, à Billom (Puy-de-Dôme). A dix-sept ans, il accepta un engagement de cinq ans dans l’artillerie, mais la discipline militaire, les brimades, et aussi ses lectures l’amenèrent à abandonner l’armée en 1897. Embauché comme manœuvre aux chantiers de construction de la jetée-débarcadère de Royan, il devint surveillant de travaux aux Ponts et Chaussées. Reçu au concours de surnuméraire des PTT, il débuta en 1901 comme ambulant sur la ligne Paris-Tours, et adhéra à l’Association générale des Agents des PTT. Vallet, en même temps qu’il lisait Proudhon, Pelloutier, Pouget, Le Play, Marx et Sorel, écrivit de nombreux articles dans les journaux professionnels dont Le Cri postal (sous la signature “Compagnon Mamamouchi”) et surtout Le Professionnel des PTT où il débuta en 1902 avec ses “propos frondeurs” et auquel il collabora pendant vingt-cinq ans sous le pseudonyme de Le Sanglier.
Eugène Vallet Charles collabora également, sous le pseudonyme de Montbruneau, au Mouvement socialiste, se lia avec Victor Griffuelhes, Émile Pouget, Gustave Hervé, Taboulot (Gabriel Beaubois), Raoul Montbrand. Ayant dénoncé dans un article, sous son nom, l’incurie administrative, il fut momentanément déplacé avec blâme sur la ligne Paris-Pyrénées. Revenu sur Paris-Tours, il eut comme supérieur hiérarchique Frédéric Subra, alors président de l’Association générale des agents. Au printemps de 1906, lors de la grève des postiers parisiens, Charles Vallet appela à la grève de solidarité de toute la corporation. La grève générale échoua et Vallet fut révoqué.
Habitant à cette époque avenue d’Italie, Vallet faisait partie du Groupe anarchiste du XIIIe. Il y rencontra Trémaud, ouvrier vernisseur sur cuir interdit dans tous les ateliers de la région parisienne, avec lequel il monta une baraque sur la zone de Gentilly. Aidés par Jules Coutant, maire d’Ivry et député socialiste de la Seine, ils se procurèrent de l’outillage et fabriquèrent des vernis qu’ils vendirent aux industriels de la chaussure. Au bout de six mois, Charles Vallet fut réintégré dans les ambulants sur Paris-Niort.
A partir de cette année 1906, il fit preuve d’une très grande activité et représenta ses camarades dans de nombreuses commissions administratives ; secrétaire de la commission centrale des ambulants, il travailla à l’unification des quatre branches de l’administration : poste, télégraphe, téléphone et ambulants. Par ailleurs, Charles Vallet suivait des cours au Collège de France.
Après l’échec de la grève de mai 1909 à laquelle il prit part, Vallat fut révoqué pour la seconde fois. Il entra à la maison Devillers en qualité de “livreur d’encre”, puis à “La Mutuelle lyonnaise” comme démarcheur. Après l’amnistie générale, Vallet fut réintégré à Orléans-gare où il resta jusqu’en juin 1912, puis repartit en brigade sur Paris-Marseille. Reçu au concours de rédacteur, il refusa d’aller en province et conserva son emploi de commis ambulant.
Devenu chef de brigade aux ambulants après la Première Guerre mondiale, Charles Vallet travailla sur la ligne Paris-Marseille spécial (ou “Malle des Indes”). Membre du conseil supérieur des PTT, il enseignait bénévolement aux cours d’instruction générale organisés par le syndicat des sous-agents et fut délégué à plusieurs congrès de son syndicat et de sa fédération. Mais la guerre et les défaites du mouvement ouvrier l’avaient meurtri et il s’éloigna des idéaux du syndicalisme révolutionnaire. En 1925, dans une lettre à Pierre Monatte lors de l’enquête de La Révolution prolétarienne sur “l’unité syndicale”, il déclara que « Le syndicalisme est vaincu, bien vaincu », ajoutant que « son pessimisme vient de cette conviction […] que la masse est incapable de concevoir haut et grand ». Il prit sa retraite en 1930 ; cependant, au grand défilé parisien du 14 juillet 1936, ce fut lui qui porta le drapeau syndical PTT.
Charles Vallet, décédé à Villeneuve-Saint-Georges le le 16 août 1963, ne fut pas seulement un des militants les plus combatifs du syndicalisme postal. Lecteur passionné aux connaissances encyclopédiques, il sut aussi se ménager les heures nécessaires pour écrire, en plus de ses brochures consacrées à la vie et aux problèmes de sa corporation et de ses articles dans les journaux, de nombreux poèmes, des fables, des chansons, etc. Ce sont des œuvres empreintes tour à tour de véhémence, de truculence, d’ironie acerbe et d’émotion vraie. Il a laissé en outre une quantité importante de manuscrits inédits.
ŒUVRE : La Crise du Service ambulant, Éd. de l’AG des Agents des PTT, 1904. — La Poste et les Chemins de fer, id., 1908. — Bureaux de transit-Ambulants-paquets-Poste rurale, id., 1919. — Poèmes irrespectueux, Maison française d’art et d’édition, 1922. — Coinderue, chien errant, Le Messager des PTT. — Les Fables de Sanglier, t. I, Éd. du Sabot, 1935, réédition Plein Chant, 2016… — Six chansons de mer, (musique d’André Georges), Le Magasin musical P. Schneider. — La Religion de Rabelais…, Au Jardin de France. — Association générale des retraités des PTT, Poèmes, réflexions philosophiques, méditations et joyeuses histoires de la poste et des lettres, 1965.