Fils d’un maître-bottier au 4e régiment de dragons, André Mounier devint anarchiste au fil de ses lectures, selon son père : « il manifestait une antipathie pour la société, qui d’après lui et ses théories, avait besoin d’être remaniée de fond en comble ».
Après avoir été ajourné à Paris en 1899 du service militaire pour faiblesse ; Mounier fut déclaré bon pour le service l’année suivante.
Le 16 novembre 1900, il fit son service militaire à Chambéry, au 97 régiment d’infanterie à Chambéry, comme soldat de 2e classe. Le 1er janvier 1901 il devint soldat musicien. Il fut envoyé en disponibilité le 20 septembre 1902, avec un certificat de bonne conduite.
Il partit de Chambéry en 1902 et s’embaucha comme apprenti ouvrier agricole au château de Passins près de Morestel (Isère), le 1er avril 1903. Il y avait travaillé à titre volontaire, par conséquent pour aucun gage. Il quitta son emploi son stage terminé. « Pendant toute cette période de deux ans, il nous a donné toute satisfaction au point de vue du travail et de la bonne volonté. Quant à ses opinions politiques et religieuses, il n’en était pas question entre nous et le personnel, selon l’usage de la maison » déclara le régisseur du domaine.
Il quitta le château et arriva le 25 octobre 1904 à la Colonie libertaire d’Aiglemont (Ardennes) qui avait été fondée l’année précédente par Fortuné Henry. Ses compétences en agriculture allaient permettre à la colonie, jusque-là tournée essentiellement vers le maraîchage et le petit élevage (canards et chèvres), d’entreprendre la culture sur une plus grande échelle en louant des terres communales attenantes, pour y faire pousser du seigle, des pommes de terre et des betteraves. André Mounier se chargea d’écouler les légumes et volailles produits en surplus sur les marchés de Nouzon et de Charleville.
Dans Le Temps Fernand Momméja dressait son portrait : « André, un géant de vingt-sept ans, taillé comme un athlète, doux comme une fille, le visage clair et souriant encadré, d’une chevelure bouclée et d’une barbe fine et soyeuse … André, le géant, que les enfants adorent et … appellent grand frère, tout en lui faisant des niches ».
Souvent confondu avec un autre colon barbu et brun, Momméja le décrivit comme un « géant blond » — Il mesurait 1 m 85, selon son registre matricule.
Mounier n’hésita pas à modifier quelque peu sa biographie devant le journaliste du Temps : « André, lui, est le fils d’un riche propriétaire bourguignon. Au sortir du lycée, on l’envoya dans une pension, à Joinville-le-Pont, pour préparer le concours d’admission à l’institut agronomique ; Mais, dit-il, je voulais être libre. Je m’évadai, et m’embauchai comme domestique de culture dans les fermes. Un jour, un patron me congédia en me disant : « Partez. Vous êtes trop bien élevé et trop instruit. Je n’ose pas vous commander. Et cela me gêne. » Entre temps, je fis mon service militaire en Savoie, dans la musique, comme flûtiste ». Enfin, un jour, je connus l’essai de Fortuné Henry. Je lui écrivis. Il me répondit : « Venez. » Et me voilà ».
A la colonie, il couchait dans une pièce grande comme un mouchoir, sur deux planches, sans matelas ni couverture… Il jouait de la mandoline pour agrémenter les soirées des colons.
Du 5 juin au 2 juillet 1905, il alla à Chambéry accomplir ses 28 jours, au 97e régiment d’infanterie, ce qui lui donna l’occasion d’aller voir son père (qu’il vint voir 3 ou 4 fois durant son séjour à Aiglemont).
Le 7 juin 1905 il fut condamné par le tribunal de Charleville à 3 jours de prison et 500f. d’amende pour « contrebande et opposition à l’exercice de la profession de douanier ».
A partir de l’année suivante il fut nommé gérant du périodique publié par la colonie, Le Cubillot (Aiglemont, 45 numéros du 10 juin 1906 au 29 décembre 1908), sous-titré Journal international d’Éducation, d’Organisation et de Lutte Ourière et qui dans son premier numéro exposait ainsi ses buts immédiats : « …ouvrir de sérieuses bibliothèques, provoquer la constitution d’Universités Populaires, préparer enfin et surtout les forces prolétariennes contre la réaction économique qui se prépare et qui, si nous n’y prenons garde, va nous trouver désarmés et impuissants ». Il publia également la brochure En communisme où il faisait les recommandations suivantes : « …ne pas critiquer, ne pas déblatérer sur un camarade, ne pas commander, ne pas considérer sa compagne, ses enfants comme sa propriété… Avoir assez d’initiative pour travailler seul à l’intérpet commun, avoir le désir d’apprendre… Irrespect absolu de l’autorité… avoir une conception claire, précise, de ce qu’est l’anarchie ».
Dans les colonnes du Libertaire (28 janvier 1906) il fit part de son expérience de colon afin de donner « un aperçu de la mentalité indispensable pour être un élément d’harmonie dans un milieu libre’. Outre une « constitution robuste » et « une absence totale de tares physiologiques » le colon devait avant tout se reposer sur des valeurs morales : « Ne pas critiquer à l’excès, ne pas débiner un camarade, ne pas commander, ne pas considérer SA compagne, SES enfants comme sa propriété. avoir assez d’initiative pour travailler seul au bien commun… Irrespect absolu de l’autorité sous quelque forme qu’elle se présente… Avoir une conception claire, précise de ce qu’est l’anarchie. Savoir que plus l’on travaille pour les autres, plus les chances de bonheur possible s’accroissent pour soi-même..
Á la suite de la parution d’un article antimilitariste intitulé “Pro Patria” (6 novembre 1907) signé Jean Prolo, et d’un autre, “Ce qu’est l’armée” (24 novembre 1907), il fut inculpé d’injures envers l’armée et interrogé à plusieurs reprises en novembre et décembre par le juge d’instruction devant lequel, il reconnut être le gérant du journal qui avait signé les exemplaires incriminés. Il se déclara aussi l’auteur des articles, alors que le pseudonyme Jean Prolo était celui de Fortuné Henry.
Le 22 janvier 1908, un huissier vint à la colonie d’Aiglemont, remettre à Adrienne Tarby une notification émanant du juge d’instruction, concernant Mounier.
Le 25 janvier 1908, il quittait définitivement la colonie et le 18 février il étaitt condamné par défaut à 3 mois de prison et 500 f. d’amende par la Cour d’assises des Ardennes.
Réfugié en Suisse, Mounier habitait début mai 1908 le hameau de La Sarvaz canton du Valais puis en décembre 1908, à Veytaux, au chalet de la Râpe, dans le canton de Vaud.
Mounier quitta le chalet de la Râpe à Veytaux le 23 octobre 1910, disant vouloir se rendre à Chambéry pour une période militaire du 7 décembre au 23 décembre 1910. Il voulait ensuite se fixer à Paris pendant l’hiver et revenir à Veytaux au printemps 1911.
Le 28 avril 1911, Mounier demeurait hameau des Granges commune de Douvaine (Haute-Savoie)
Le 4 novembre 1910, Mounier avait écrit au procureur de Saint-Julien en Génevois, pour proposer de purger sa peine de prison à Saint-Julien.
Mounier fit opposition à sa condamnation par défaut, le 23 janvier 1911, et fut finalement acquitté par arrêt de la Cour d’assises le 14 février 1911. Il était à cette époque négociant en bois en Suisse.
Selon Georges Wuillaume qui se trouvait dans les jurés du procès et fit le compte-rendu de l’audience dans Les Temps nouveaux : « il eut une attitude si piteuse, reniant ses idées et invoquant la différence entre l’homme d’aujourd’hui et celui d’il y a trois ans, que le rouge de la honte me monta plusieurs fois au visage… Bref je votai et fis voter non, par les autre jurés, mais je votais intérieurement et regrettai presque qu’une majorité de oui ne coffrat pour trois mois un monsieur aussi poltron que le sieur Mounier ».
C’est à l’occasion de ce procès qu’un journal de droite La Dépèche des Ardennes, qualifia Mounier du surnom « d’Agronome » mais il n’est pas certain que ce surnom fut employé à d’autres occasions.
Domelier, le directeur de ce journal, en fit le portrait suivant : « Je le vois encore dans le bureau de notre journal, lorsqu’il venait me sommer de cesser mes campagnes contre la congrégation du vieux Gesly, et je l’entends encore me dire et sur quel ton d’autorité de grand seigneur qu’il lui déplaisait souverainement (sic) de voir la Dépêche des Ardennes s’occuper de la colonie libertaire d’Aiglemont et qu’il m’enjoignait sous peine de menaces, de cesser mes attaques.
J’ai compris alors son influence sur les masses ; encore un peu, il m’en aurait imposé ».
Il demeurait depuis le 28 octobre 1911, chez son père, 80 faubourg Montmélian à Chambéry.
Début octobre 1912 habitait à Cognin (Savoie) chez M. Coux.
Mobilisé le 3 août 1914, Mounier fut nommé caporal le 17 septembre 1914. Il fut fait prisonnier du 5 juin 1915 au 27 décembre 1918 (interné à Limburg). Rapatrié le 28 novembre 1918, il fut démobilisé le 19 février 1919.
En avril 1919, Mounier demeurait à Saint-Pierre de Curtille (Savoie) puis en.juillet 1920, il demeurait sur l’Ile St Honorat près de Cannes (Alpes-Maritimes)
André Mounier décéda à Chambéry le 25 février 1926.
Œuvre : — En communisme : la colonie libertaire d’Aiglemont (Publications de la colonie communiste d’Aiglemont, n° 3, avril 1906, 32 p.).