Dictionnaire international des militants anarchistes
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JAKMIN, Louis “Eugène JACQUEMIN”
Né à Paris le 12 mai 1876 – mort le 26 août 1930 - Ouvrier forgeron - FRC - FCA – FCAR - CGT – Le Pré Saint-Gervais & Les Lilas (Seine-Saint-Denis) – Nancy (Meurthe-et-Moselle)
Article mis en ligne le 8 janvier 2008
dernière modification le 13 décembre 2023

par Guillaume Davranche, R.D.

Luis Jakmin Eugène Jacquemin avait été condamné le 26 novembre 1894 à Paris à 6 mois de prison pour « coups et blessures ». Il habitait en 1896 au Pré-Saint-Gervais (64 rue de la Vilette) où en février il avait pris l’initiative de fonder un groupe dans le XIXe arrondissement et est sans doute le Jacquemin qui, fin mai 1897, avait participé - avec entre autres Lucas, Brunet, Desforges et Bordenave - au cimetière de Brévannes à un hommage à Émile Henry à l’occasion de l’anniversaire de son exécution. Il devait être le gérant du bulletin La Banlieue anarchiste, organe des groupes de Pantin et du Pré-Saint-Gervais, dont la parution fut annoncée pour le 15 août 1898, mais dont nous ne savons s’il a été publié.

Au printemps 1902 il fut, semble-t-il, "candidat pour la forme" lors des élections au Pré Saint-Gervais.

Jacquemin, qui était inscrit au Carnet B, fut un des fondateurs du Groupe libertaire de l’Est parisien lors d’une réunion tenue le 15 mai 1910 au Pré-Saint-Gervais. Le 13 novembre suivant il fut le délégué du groupe lors de la fondation de la Fédération révolutionnaire communiste (FRC) dont il sera l’un des animateurs jusqu’à la guerre. Le 5 novembre précédent, lors d’une meeting tenu à Firminy contre la vie chère, il avait appelé au boycottage de certaines denrées et avait ajouté que “le sabotage était le seul moyen qui restait à la classe ouvrière pour le succès de sa cause” et que “la Patrie n’était que la caisse des capitalistes”.

Le 1er mai 1911, lors du meeting du matin de la CGT, il avait rappelé les évènements du 1er mai 1891 où des militants (voir Leveillé) avaient ouvert le feu sur la police, regrettant qu’il n’y ait pas eu un plus grand nombre de ces militants résolus”, ajoutant “C’est la société actuelle qui a suscité la vengeance des prolétaires et armé le bras de Ravachol et des autres compagnons anarchistes”. Dans un autre meeting le soir, il avait appelé, en cas de guerre, “tous les travailleurs à descendre dans la rue pour empêcher les soldats de partir, et si besoin est, emploient la dynamite”, ajoutant que si la police continuait de provoquer “il faudra recourir aux moyens énergiques".

Le 4 juin 1911, lors du congrès de la Fédération révolutionnaire communiste (FRC), où il était le délégué du groupe des Lilas, il avait approuvé le plan de sabotage en cas de mobilisation et avait affirmé : “J’ai dans la main, sans me vanter, toute une armée de libertaires, syndicalistes révolutionnaires et socialistes et je vous affirme que cette phalange d’avant-garde saura faire son devoir le jour du chambardement".

En juin 1911 il fut nommé gérant du Libertaire en remplacement de Dudragne qui venait d’être exclu de la FRC après avoir été accusé d’être un mouchard G. Durupt. Il occupa ce poste jusqu’en novembre suivant.

En juillet - septembre, 1911 il fut l’orateur de plusieurs meetings organisés par la FCR contre la guerre et la mobilisation dans lesquelles il appela à chaque fois à l’action directe et au sabotage en cas de mobilisation.

A partie du début 1912 il fut, aux cotés de Eugène Martin (FRC), Jean Fleur (Foyer populaire de Belleville) et Léon Michel (de la Jeunesse anarchiste), je l’un des quatre responsables des groupes de défense de la FRC, les Bakounistes.

Au printemps 1912 il fut l’un des fondateurs des Amis du Libertaire et participa aux activités du Comité antiparlementaire révolutionnaire et du Groupe intersyndical pour la propagation de la langue internationale Ido.

Secrétaire du syndicat CGT des maréchaux-ferrands de la Seine, il assura également le secrétariat de la fédération jusqu’en 1912, date de la fusion de la fédération des maréchaux-ferrands avec celle des métaux. A cette date il était délégué à la propagande dans le Calvados et était avec Edourd Boudot et Edouard Sené membre du comité de rédaction du journal Le Réveil anarchiste ouvrier (Les Lilas, 14 numéros du 15 novembre 1912 au 1er décembre 1913) dont le gérant était Jean Labbat, puis Charles Bervilitas.

Le 24 janvier 1912 il avait été condamné à un an de prison et 500f d’amende pour « provocation de militaires à la désobéissance » suite à un dessin de Claudot paru dans Le Libertaire (30 septembre 1911), peine confirmée en appel le 27 mars 1912 et entraina son incarcération à La Santé. Il bénéficia ensuite sans doute d’une amnistie et ce séjour en prison ne l’empêchait pas, dans le cadre des campagnes antimilitaristes menées par la FCA, de diffuser avec Sené et Jaklon à partir d’avril 1913 une brochure anonyme de 36 pages, tirée à 2.000 exemplaires et intitulée En cas de guerre ; cette brochure - rédigée selon la police par Sené, Lecoin et Boudot à la prison de la Santé et dont les feuillets manuscrits auraient été sortis de la prison par Jacquemin, Jacques Long et Schneider lors de leurs visites aux détenus - qui expliquait les moyens pratiques de saboter la mobilisation fut envoyée à de nombreux groupes et syndicats et nombre de ces envois furent saisis en février-mars 1914 dans différentes villes de France. Selon la police il était également avec Jacques Long, à l’origine de la réédition à 100.000 exemplaires de la brochure Contre les armements - Contre la loi de 3 ans - Contre tout militarisme qui avait été antérieurement saisie.

Le 13 mai 1913 il fut incarcéré 48h pour « port d’arme ». À l’époque, un rapport de police (Arch. Nat. F7/13053, juin 1913) le décrivait “toujours habillé en ouvrier, mais en ouvrier propre. Il n’a pas l’aspect d’un travailleur exerçant son métier manuel (maréchal-ferrant)”.
Le 1er juillet 1913, suite à la vague de « mutineries » dans les casernes du printemps, le ministère de l’Intérieur faisait interpeller 22 militants de la CGT, la plupart de la fédération du Bâtiment. Parmi eux, deux membres de la FCA : Jacquemin et Jean Labbat. Eugène Jacquemin était à ce moment membre de la commission exécutive de l’union des syndicats de la Seine et trésorier du syndicat des maréchaux-ferrants.

Aux cotés de Maillard, Lemonnier et Schneider, il fut membre de la Commission d’organisation du congrès de la FCA devant se tenir en août 1913.

En octobre 1913 l’ensemble de la rédaction et de l’administration du Réveil anarchiste ouvrier était arrêtée, et une note parue dans le numéro 13 (25 octobre 1913) recommandait d’adresser « désormais toute correspondance à Mme Jacquemin, 23 rue du Garde Chasse, Les Lilas ». Finalement, la justice choisit de disjoindre Labbat et Jacquemin des autres accusés, et d’instruire séparément leur procès pour un article du Réveil anarchiste ouvrier incitant les conscrits à une « grève générale militaire » si on ne les libérait pas au bout de deux ans et non trois. Le 22 novembre 1913, la 8e chambre du tribunal correctionnel les condamna par défaut à 15 mois de prison pour Jacquemin, et 5 mois pour Labbat. Leur avocat, Pierre Laval, n’avait pas réussi à obtenir que le procès se tînt cour d’assises. La peine de Jacquemin fut ramenée à un an sur opposition, le 29 janvier 1914.

Toutefois le titre reparaissait au printemps 1914 sous le titre Le Réveil anarchiste (Les Lilas, 3 numéros du 1er avril au 1er mai 1914), toujours domicilié rue du Garde Chasse, dont le gérant était Charles Bedouet et auquel collaborèrent outre Jakmin, Boudot et Sené, Benoit Broutchoux, Albert Goldschild, Étienne Habert, Gustave Hervé, Lucien Leauté, André Mournaud et Eugène Peronnet.

Jacquemin, qui était en 1913 le secrétaire de la Fédération communiste anarchiste (FCA) collaborait également au Libertaire, à La Cravache (Reims, 1906-1913) et à l’hebdomadaire syndicaliste révolutionnaire du Pas-de-Calais L’Avant Garde (Lens, au moins 44 numéros du 5 octobre 1913 au 2 août 1914). Il était également membre du Foyer populaire de Beleville dont les responsables étaient Vigneau et la demoiselle Boudet et du groupe su XIXe qui se réunissait à La Famille Nouvelle (122 rue de Flandre) et dont le secrétaire était Émilien Baillet.

Mobilisé au 45e régiment d’infanterie lors de la guerre, il fut envoyé dans un groupe spécial en Algérie, dans le sud-oranais. C’est de là qu’en juin 1915, il écrivit à Léon Jouhaux pour se rallier à la position majoritaire de la CGT ralliée à l’union sacrée.

Après guerre, il fut chargé de réorganiser la CGT en Meurthe-et-Moselle. Délégué au congrès confédéral de Lyon du 15 au 21 septembre 1919, il affirma : “anarchiste j’étais avant la guerre, et anarchiste je suis demeuré”. Il regretta que l’ancienne majorité révolutionnaire de la CGT soit désormais divisée, et fit le vœu qu’elle se réconcilie et se reconstitue “non pas vers la droite, mais vers la gauche, comme nous l’avons toujours été”.

Au congrès confédéral CGT de Lille (juillet 1921), il déclara n’appartenir à aucune tendance, mais condamner la politique confédérale et les éventuelles exclusions des CSR. Il demanda néanmoins le maintien de la CGT au sein de l’internationale d’Amsterdam. L’Humanité du 26 juillet 1921 le traita de “révolutionnaire qui vient prendre son mot d’ordre chez les réformistes”. Quelques mois plus tard, lors de la scission, il demeura à la CGT.

Il occupa à l’époque plusieurs responsabilités syndicales locales : trésorier du syndicat du bâtiment de Nancy (1921), trésorier de l’UD (fin 1921 à avril 1926), secrétaire de l’union interdépartementale de Meurthe-et-Moselle - Meuse - Vosges (1923), secrétaire de l’UD des Vosges (1924-1926). Un rapport de police du 30 juillet 1921 le qualifiait de “libertaire dangereux, antimilitariste, partisan de l’action directe, très intelligent, très actif, orateur à la parole persuasive”.

Il fut à Nancy à l’origine de la fondation de nombreuses coopératives ouvrières dont l’Imprimerie ouvrière dont il fut le directeur et qui, à partir de janvier 1921, imprima Le Réveil ouvrier, organe de l’UD dont il était le gérant depuis 1919. Dans le numéro du 27 août 1921, il terminait en ces termes un article sur le chômage : “Travailleurs, n’acceptez plus le chômage ! Prenez l’usine, prenez la mine !” Cela lui valut d’être condamné le 3 décembre à 2 mois de prison et 2 000 francs d’amende pour « excitation au vol et au pillage ». Lors de l’audience, Jacquemin revendiqua son anarchisme.

Parallèlement il intervenait dans le soutien à de nombreuses grèves : grève des tanneurs à Abnnonay (septembre 1923), grève au Havre (octobre 1923), grève des dockers à Dunkerque (juin-octobre 1926).

Adversaire de toute scission syndicale et partisan du respect de la Charte d’Amiens (cf. un article sur l’unité syndicale paru dans La révolution prolétarienne, août 1925), il réussit à maintenir, au moins dans un premier temps, l’unité au sein de l’UD de Meurthe-et-Moselle entre majoritaires et anarchistes et communistes partisans de la CGTU. Dans ce même article il écrivait : “Il faut cesser les campagnes injurieuses, s’employer à atténuer l’animosité entre les militants de différentes tendances, créer une atmosphère de camaraderie sans laquelle aucune unité ne peut être solide ni durable… L’unité à la base peut se faire par la reconstitution d’un seul syndicat de métier dans chaque localité, d’une seule union de syndicats par département, d’une seule fédération par industrie, et la CGT ainsi reconstituée pourrait tenir son congrès et déterminer son orientation…"

Tombé malade, il réduisit ses activités à partir de 1928 et s’installa dans une ferme à Dommarin-lès-Toul avec sa famille. Il semble avoir alors adhéré au parti socialiste SFIO (il fut le délégué de Toul au congrès de la Fédération de Meurthe-et-Moselle le 25 mai 1930). Jacquemin décédait le 26 août 1930 à Dommarin-lès-Toul.


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