Dictionnaire international des militants anarchistes
Slogan du site

Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

BERNER, Rudolf « RUDE » ; « Frank Tireur »

Né le 14 juillet 1907 à Skövde (Suède) mort le 11 mars 1977 - Peintre ; journaliste - SAC - Stockholm - Berlin - Barcelone – Varsovie - Paris
Article mis en ligne le 27 janvier 2025
dernière modification le 30 janvier 2025

par Nick Heath, R.D.
Rudolf Berner

Né le 14 juillet 1907 à Skövde (ouest de la Suède), Rudolf Berner grandit dans une famille nombreuse de petits paysans et de travailleurs. Il fréquente l’école et apprend la peinture et l’artisanat.

En 1931, il se rendit à Udevalla, où il travailla comme peintre de navires. Il y rencontra un vendeur des journaux anarchistes et syndicalistes Brand et Arbetaren. La lecture de Brand agit comme une révélation. « Quelque chose en moi me disait que c’était exactement ce que j’avais toujours pensé, mais que je n’avais jamais pu exprimer », se rappellera-t-il plus tard. Ses premiers articles paraissent ensuite dans Brand et Arbetaren. En octobre 1931, il s’installe à Stockholm, où il travaille à la rédaction de Brand.

En tant que délégué du Socialistiska Ungdomsfoerbundet (SUF) – Ligue des Jeunes Socialistes – Berner participa à Berlin, fin 1931, au congrès de la Fédération des Communistes Anarchistes d’Allemagne (FKAD). Il y rencontra Helmut Rüdiger, Berthold Cahn Rudolf Oestreich, écouta une conférence d’ Erich Mühsamet rencontra Franz Pfemfert.

Mais il se sentit surtout à l’aise dans le groupe de Berlin-Adlershof dirigé par Willi Boretti. En 1932, il retourna en Suède. Mais à partir de 1936, il partit en vadrouille, traversant le Danemark, l’Allemagne, la Tchécoslovaquie et l’Autriche. À Klosterneuburg, près de Vienne, il rencontra Pierre Ramus, un dirigeant anarchiste autrichien. C’est là qu’il apprit le déclenchement de la guerre civile espagnole.

Sa première tentative de se rendre en Espagne fut contrecarrée à la frontière suisse. Berner traversa immédiatement l’Allemagne pour retourner en Suède. En octobre 1936, il partit en Espagne en tant que délégué de l’organisation syndicaliste suédoise Sveriges Arbetares Centralorganisation (SAC). Il travailla au département international de la CNT-FAI et édita son service hebdomadaire d’information en langue suédoise.

A Barcelone, il entretenait des contacts étroits avec les anarchistes allemands du groupe DAS (Anarchosyndicalistes allemands à l’étranger). A cette époque, le DAS n’avait aucun contact direct avec le mouvement anarchiste clandestin en Allemagne.

L’anarchiste allemand Helmut Kirschey se souvient que le DAS avait demandé à Berner d’y effectuer une mission, car il parlait couramment l’allemand, avait des contacts personnels avec des membres du FKAD et était connu pour être un homme courageux.

L’argent nécessaire au voyage en Suède fut collecté auprès de Mollier Steimer, la personne de contact à Paris. Officiellement, Berner voyagea en tant que délégué de l’OIT.

Contrairement à ses craintes, il put facilement entrer en Allemagne. Les gardes-frontières n’avaient pas remarqué le tampon d’entrée de l’Espagne républicaine sur son passeport. Sa première étape fut Wuppertal. C’est là qu’il rencontre Änne Niessen, la sœur aînée d’Helmut Kirschey. Il partit ensuite pour Düsseldorf.
Son arrivée le 20 février 1937 coïncida avec l’enterrement d’Anton Rosinke, un militant de premier plan de la FAUD assassiné par la Gestapo. Avant la prise du pouvoir par les nazis, il existait à Düsseldorf trois groupes anarchistes dans différents quartiers. Certains d’entre eux avaient déjà été arrêtés et d’autres le furent peu de temps après.

De Düsseldorf, Berner se rendit à Leipzig et y rencontra des anarchistes. Il rencontra ensuite Boretti à Berlin qui le mit en contact avec Rudolf Oestreich, le militant de premier plan de la FKAD, et avec également d’autres militants de la FAUD.

Berner retourna ensuite en Suède et se rendit en Pologne. À Varsovie, Berner contacta le syndicat syndicaliste polonais Centrany Wydzial Zawodowy (ZZZ), dont l’aile anarchosyndicaliste conspiratrice était dirigée par l’un des principaux responsables de la FAUD, Alfons Pilarski. Les anarchosyndicalistes polonais avaient collecté de l’argent pour les enfants espagnols en détresse et Berner fit passer clandestinement les fonds de solidarité à Barcelone.

Après avoir terminé sa mission en Pologne, Berner retourna à Berlin pour rendre visite à Boretti. Le lendemain, il retournait en Rhénanie au moment où la nouvelle vague d’arrestations avait lieu. Cependant, la chance lui sourit et il parvenait à s’échapper en traversant la frontière vers les Pays-Bas. Après avoir remis son rapport, Berner retourna à Barcelone.

En novembre 1937, Berner retournait à Stockholm. Cela était dû à ses différends avec Augustin Souchy, le responsable allemand du département international de la CNT-FAI, à Barcelone. Il entretenait des relations tendues avec les dirigeants de la SAC, qui avaient pris le parti de Souchy, et estimaient qu’il n’était pas pris au sérieux politiquement et qu’il avait été diffamé en tant que « bohème ». Il tomba alors dans une dépression.

Étant trop lâche pour se suicider, écrit-il à Rüdiger, il était presque toujours ivre. Il ne prouvait pas écrire le livre qu’il avait prévu d’écrire sur Erich Mühsam en raison de sa situation – il n’a pas de domicile fixe et n’a qu’un travail occasionnel. Mais au printemps suivant, il peut retourner en Espagne.

A Barcelone et Madrid, Berner travailla comme journaliste pour la CNT-FAI, et rédigea une brochure suédoise sur la situation espagnole. En décembre 1938, il retourna à Stockholm, où il prépara la visite prévue d’une délégation de la CNT. Il ne put alors plus retourner en Espagne, la Catalogne étant tombée aux mains des franquistes.

Au lieu de cela, Berner se rendit à Paris, où il n’avait aucune chance de trouver du travail et était « condamné à la famine ». En juillet 1939, il fut finalement expulsé par la police française et retourna en Suède.

Au début des années 40, Berner épousa une femme allemande qui avait émigré en Suède. On ne dispose que de peu d’informations sur ses activités pendant la guerre.

Il travailla pour Arbetaren et, en avril 1946, il fut correspondant en France, où il écrivit des articles sur la CNT en exil. Il travailla également comme reporter en Suisse et en Espagne, où il entra illégalement, et rédigea un reportage quotidien pendant deux semaines, publié dans Arbetaren.

Après la guerre, une scission s’était produite entre la CNT en exil et la CNT clandestine en Espagne. La direction en exil dirigée par Federica Montseny se heurta à la CNT péninsulaire qui appelait à un large front d’organisations antifranquistes. Berner se rangea du côté de la CNT en Espagne. En Suède, des fonds de solidarité collectés par la SAC furent envoyés à Montseny. Berner rompit alors avec la SAC. Ses camarades le prirent très mal lorsqu’ils apprirent son départ grâce à un article que Berner avait écrit dans un journal social-démocrate. Quelques années plus tard, Rüdiger révisa son jugement sur Berner, le considérant comme un « ami fiable de la CNT », « même s’il avait choisi une voie » qu’il ne pouvait suivre.

Pour la période postérieure à 1946, on ne dispose que de peu d’informations sur ses activités. En janvier 1954, Berner travaille pour l’Institut international du film ouvrier à Bruxelles et organise en 1954 à Hambourg un festival international du film ouvrier. En juillet 1955, il rentre en Suède et travaille comme journaliste à Lund.

Au début de 1962, il travaille comme journaliste indépendant et écrit pour un magazine culturel de Lund. Il traduit des textes d’Erich Mühsam en suédois. Il se rend à nouveau à Barcelone déguisé en touriste pour rédiger un reportage en 1958.

Il meurt à Lund le 11 mars 1977.

Ses mémoires suédois sur sa tournée en Allemagne,"Le Front invisible," ont été traduits en allemand il y a quelques années par Helmut Kirschey.


Dans la même rubrique

BERTOLI, Adolfo

le 12 janvier 2025
par R.D.

BERNARDINI, E.

le 20 décembre 2024
par R.D.

BERTRAND, Élysée

le 16 décembre 2024
par R.D.

BERNARD, François

le 17 novembre 2024
par R.D.

BERAN, Jean

le 8 novembre 2024
par R.D.