Dictionnaire international des militants anarchistes
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FAURE, Étienne “Cou Tordu” ; “Cou Tors”
Né à Saint-Étienne (Loire) le 23 août 1837 - mort le 1er février 1911 - Cordonnier - marchand ambulant - Saint-Étienne (Loire) - Genève
Article mis en ligne le 30 avril 2007
dernière modification le 4 février 2024

par R.D.
Étienne Faure dit "Cou Tordu"

Sans doute Étienne Faure est-il le dénommé Faure qui, en novembre 1867, présenta le projet de constitution de la société des ouvriers cordonniers pour la confection de la chaussure, et qui dirigea la grève des cordonniers de 1868. Sans doute Étienne Faure fut-il encore le dénommé Faure qui, en février 1870, fut l’un des fondateurs du Cercle des travailleurs où dominaient les libres penseurs (Arch. Dép. Loire 19 M II et 27 M I).

Quoi qu’il en soit, au début de 1871, Faure militait au Club de la rue de la Vierge, à Saint-Étienne, centre des révolutionnaires animés de l’esprit de l’Internationale. Le 24 mars, après avoir, avec l’aide de quatre gardes nationaux, fait cesser le travail à la Manufacture d’armes, il faisait partie de la délégation qui se rendit à l’Hôtel de Ville, fit procéder à l’arrestation des autorités municipales et constitua le comité insurrectionnel. Faure reçut le poste de commissaire central de police municipale qu’il occupa pendant trois jours. À ce titre, il fit placarder une affiche appelant le peuple au calme en attendant l’élection d’une Commune (le texte de cet appel a été reproduit par Petrus Faure dans son Histoire du Mouvement ouvrier dans le département de la Loire, Saint-Étienne 1956, p. 187). Il échappa aux autorités militaires qui réoccupèrent l’Hôtel de Ville et s’enfuit à Genève. La cour d’assises de Riom le condamna par contumace, le 29 février 1872, à la déportation dans une enceinte fortifiée.

En exil à Genève, il fit partie de la Société des réfugiés et de la Fédération jurassienne. En 1872, il fit paraître une brochure - La Commune en province - dans laquelle il s’exprima sans ménagements sur le compte de quelques-uns de ses compagnons, Durbize et Jolivalt, qui “ont bien mérité de la bourgeoisie stéphanoise” (cité par M. Vuilleumier, « Les Proscrits de la Commune en Suisse, 1871 », Revue suisse d’histoire, t. XII, fasc. 4, 1962, pp. 509-510). Dans cette même brochure, au procureur qui s’était moqué de ses fautes d’orthographe, il écrivait : “Certes, Monsieur le procureur, si j’avais eu, comme vous, dans la poche de mes parents, des milliers de francs produits par la sueur des travailleurs, j’aurais peut-être pu apprendre, moi aussi, l’art des fioritures et je connaîtrais probablement la place que doit occuper chaque lettre dans le corps des mots ; mais n’ayant pas de ressources, j’ai dû commencer à travailler bien jeune au lieu d’aller à l’école. Est ce à dire que vous valez plus que moi avec votre instruction ?” Et un peu plus loin, il ajoutait : " Souvenez vous toutefois que ma haine pour vous est égale au mépris, je veux dire au dégoût que vous m’inspirez. Souvenez vous surtout que celui que vous injuriez est au dessus de vous et qu’il y a une grande distance entre Faure Cou tordu et un procureur… de l’espèce française. Faure appartient à la classe des travailleurs honnêtes. Il jouit de l’estime et de la considération de tous les honnêtes gens qui le connaissent. On ne sauriat en dire autant de vous, Monsieur le procureur, de vous qui remplissez des fonctions serviles, de vous enfin - comme l’a fort bien dit Rochefort - faites partie de cette Valetaille qu’on appelle la magistrature française”.

Le 8 mai 1879, sa peine fut commuée en celle de six ans de bannissement, et, le 13 mars 1880, il bénéficia de la remise du reste (Arch. Dép. Loire, 10 M 78 et 19 M 1).

Dès octobre 1880, des rapports signalaient sa présence dans les réunions politiques radicales et socialistes, et il militait au Cercle des travailleurs, fondé en avril 1877, qui groupait surtout les ouvriers du bois. En novembre 1880, il protesta parce qu’on ne l’avait pas inscrit sur les listes électorales. Le 10 octobre 1881, il fit une conférence sur le socialisme au cercle de l’Union des travailleurs et il y exposa sa conception d’un collectivisme antiparlementaire à réaliser par la Révolution (Arch. Dép. 10 M 77 et 78). Le 17 avril 1882, à une réunion des comités radicaux-socialistes, il demandait la suppression du budget de la police.

Il avait repris son métier de cordonnier et il vendait les journaux révolutionnaires - Le Droit social, L’Etendard révolutionnaire, La Bataille, Le Prolétaire… - à son domicile, 18, Petite rue Saint-Jacques, qui servait de rendez-vous et même de lieu de réunion aux éléments anarchistes de Saint-Étienne, notamment au groupe Les Outlaws. Il était également le dépositaire des produits pharmaceutiques de la maison Raspail.

En août 1882, il fut mandaté par le groupe Les outlaws et le groupe La Jeunesse Stéphanoise anarchiste dont il était membre et se réunissait à son domicile pour les représenter au congrès international tenu à Genève (voir portfolio). Lors de son arrestation et de son interrogatoire en décembre 1882, il affirma avoir refusé ce mandat et n’être pas allé à Genève.

En octobre 1882 il fut l’objet de plusieurs perquisitions, ainsi que le 19 novembre 1882 où la police avait saisi à son domicile 23 exemplaires du journal Le Révolté, des listes d’adhérents et de la correspondance (avec Bordat, Émile Gautier, une lettre de Louise Michel qu’il attribua lors de son interrogatoire à Louis Michel), ce qui lui valut d’être arrêté - comme Ricard et Regis Faure -, incarcéré à la prison de Bellevue puis transféré à Lyon et inculpé dans le procès dit des 66, pour affiliation à L’Internationale anarchiste (voir Toussaint Bordat). Il refusa de signer les procès verbaux de ses interrogatoires. Il fut condamné, le 13 mars 1883, par la cour d’appel de Lyon, à deux ans de prison, cinq ans de surveillance et cinq ans de privation de ses droits civiques (Arch. Dép. Loire, 10 M 79 et Le Procès des anarchistes devant la police correctionnelle et la cour d’appel de Lyon, Imprimerie nouvelle, Lyon, 1883).

À la fin de sa détention à Clairvaux, il demanda à se rapprocher de sa mère âgée et sans ressources qui habitait encore à Saint-Étienne. Malgré l’opposition de la police qui craignait qu’il ne reconstituât des groupes internationalistes, il lui fut permis de se fixer au Creux, près de Saint-Chamond, en résidence surveillée. Revenu par la suite à Saint-Étienne, il reprit contact avec les anarchistes et il diffusa de nouveau leur presse.
A la mi février 1887, suite aux attentats contre le Palais de justice de Lyon, et comme une vingtaine de compagnons de la région, avait été l’objet d’une perquisition qui n’avait donné aucun résultat.

Le 30 avril 1890, il protesta contre les arrestations et contre l’occupation de la Bourse du Travail par la force publique (Arch. Dép. Loire, 10 M 80 et 86).

En 1892, avant le procès de Ravachol, il était marchand ambulant, rue du Treuil, à Saint-Étienne, et il fut encore arrêté avec Régis Faure et Ricard. Le 28 mars 1892, comme 13 autres militants, son domicile, 36 rue de Roanne, avait été l’objet d’une perquisition. Le 22 avril suivant, comme de très nombreux militants tant à Paris qu’en banlieue et en province, il fut arrêté préventivement à la manifestation du 1er mai et poursuivi pour "association de malfaiteurs" avant de bénéficier d’un non-lieu en juin.

Deux ans plus tard, il habitait, 3, rue de Marengo, et exerçait toujours la même profession. L’année suivante il se livra à des interventions humoristiques dans les réunions électorales du parti socialiste, prêcha l’abstentionnisme, posa des affiches du Libertaire signées : le candidat abstentionniste Étienne Faure. Il en posa même une rédigée par ses soins (Arch. Dép. Loire 10 M 112).

En octobre 1896 la police notait sa présence lors des conférences tenues par Broussoulioux dans la région.

Dépositaire des Temps nouveaux de Jean Grave, il poursuivit sa propagande de multiples façons, dirigeant des choeurs d’enfant au cours d’une soirée chantante organisée par les compagnons (août 1897), proposant vers 1900-1901 la constitution d’une association de défense des locataires “contre la rapacité des propriétaires” avec déménagements à la cloche de bois, participant à une campagne antimilitariste en 1905. Bref, toujours très actif, il ne cessa de figurer sur les listes d’anarchistes à surveiller.

Devenu vieux, Étienne Faure, s’asseyait sur une chaise, place du Peuple, vendait du poil à gratter ou la formule de l’eau sédative Raspail, et il lui arrivait de distribuer quelques couplets ou impromptus de sa composition : “Dansons la farandole, Vive le son ! vive le son !Dansons la farandole, Vive le son du pognon !”.

“Ses états de services politiques, sa verve gouailleuse, son esprit inventif” avaient fait d’Étienne Faure “le type le plus populaire de Saint-Étienne”. Il fallait voir dans les concerts de famille avec quelle bonne humeur et quel entrain il organisait des rondes enfantines qu’il dirigeait “magistralement pour la plus grande joie des enfants … et des parents, et cela, avec des chansons de Béranger”. Ainsi s’exprime à son sujet J.F. Gonon dans son Histoire de la chanson stéphanoise et forézienne, p. 379.

Quand il mourut à Saint-Étienne, le 1er février 1911, des militants et amis se cotisèrent pour acheter un cercueil à celui qui, durant une longue vie, s’en était allé “tout de bitors en faisant son droit chemin”.

OEUVRES : La Commune en province. Un condamné par la cour d’assises de Riom devant l’opinion publique, Genève, 1872. 29 p. — Au citoyen Garibaldi, 4 p. imprimées, Genève, 27 janvier 1875. (E. Faure figure parmi les 54 signataires.) Cet écrit se trouve à l’IFHS (archives Claris).


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