Né dans une famille de dix enfants, Nicolas Faucier, après avoir obtenu le certificat d’études, avait commencé à travailler dès l’âge de 12 ans, d’abord dans un garage, puis chez divers patrons d’Orléans jusqu’à l’âge de 18 ans où, en août 1918, devançant l’appel, il s’engageait pour trois ans dans la marine. En février 1919 il fut affecté mécanicien sur le cuirassé Lorraine stationné dans le Bosphore. Sa participation — notamment à Toulon en 1919 — à des manifestations de solidarité avec les marins mutinés de la mer noire lui valut le cachot et le transfert sur un autre navire.
Démobilisé en 1921, il revenait à Orléans et travaillait dans une usine d’automobiles. En 1922 il adhérait à la CGTU, puis l’année suivante partait pour la région parisienne et s’installait à Argenteuil (Val-d’Oise) où très vite il adhérait au groupe anarchiste local de l’union anarchiste. En octobre 1923 il entrait aux usines Renault de Billancourt. Délégué au comité de l’usine, il organisait une grève et le 12 mai 1925 était licencié. Il avait alors quitté la CGTU et était membre de l’Union fédérative des syndicats autonomes dont le secrétaire était le militant anarcho-syndicaliste Pierre Besnard. Ne trouvant plus de travail, il s’installait un temps comme camelot.
Fin jillet 1925, lors de la campagne contre la guerre au Maroc, il fut arrêété avec Champbenoit et Chanu à la sortie d’une runion du Comité d’nitiative de l’ UA.
Militant de l’Union Anarchiste Communiste (UAC), il était un partisan de l’organisation et de la plateforme dite d’Archinov. Lors du congrès tenu à Paris les 30 octobre-1er novembre 1927, où furent adoptés les nouveaux statuts de l’organisation devenue Union Anarchiste Communiste Révolutionnaire (UACR) il fut nommé administrateur du Libertaire et gérant de La Librairie Sociale, poste qu’il allait occuper jusqu’en décembre 1929. Il participa également comme délégué du groupe du XVe arrondissement au congrès de l’UACR tenu à Amiens les 12-15 août 1928 et où il fut nommé membre de la nouvelle commission administrative aux cotés notamment de Lecoin, Le Meillour, Frémont, Odéon et G. Even. Il fut également le secrétaire des Amis du Libertaire association créée début 1928 à laquelle chaque adhérent versait hebdomadairement une somme de 2 francs pour soutenir le journal.
A cette époque il joua un rôle de premier plan aux cotés de René Boucher —son futur beau-frère et ancien secrétaire du syndicat des correcteurs — dans la campagne en faveur de Sacco et Vanzetti et celles en faveur des militants persécutés (Makhno, Durruti, Ascaso, Jover… etc) au sein du Comité d’Entraide dont était responsable Alice Boucher, sa future compagne et sœur du militant libertaire André Boucher, qui habitait alors 2 rue de la Cour des Noues (Paris 20) et qui était plus particulièrement chargée de recueillir des fonds pour Nestor Makhno gravement malade.
En 1929 il fut candidat abstentionniste aux élections municipales à Paris 19e.
Les 19-21 avril 1930 il fut délégué au congrès tenu par l’UACR à Paris.
Au printemps 1931 il accompagna sa compagne en convalescence dans l’Aude à la suite d’une opération chirurgicale. Il travailla alors dans les vignes et comme maçon à Coursan et, pour des raisons d’assurances, épousa Alice Boucher le 14 juin 1931 à Narbonne.
Après avoir cessé d’être permanent de l’UACR, il reprit son métier d’ajusteur outilleur. S’étant prononcé, comme d’autres anarchistes, contre la formation d’une troisième centrale syndicale (la CGTSR), il militait alors au syndicat des mécaniciens CGT. Membre du conseil syndical du 20e arrondissement, il fut ensuite secrétaire du groupe anarchiste de Saint-Denis (Seine Saint-Denis) puis secrétaire de la Fédération parisienne de l’UACR. Lors du congrès de la fédération parisienne, le 3 avril 1932, il était délégué de Saint-Denis et y fut chargé de présenter un rapport sur l’action antiparlementaire. Il fut de nouveau candidat abstentionniste dans le XVIIIe arrondissement lors des élections législatives de mai 1932.
En 1933 il s’embauchait chez Chenard & Walker (Genevilliers), où il constituait une section syndicale CGT, et dont il fut rapidement licencié après avoir mené un mouvement de protestation.
Lors des manifestations des ligues fascistes de février 1934, il représentait l’UACR avec René Frémont et Louis Anderson au Centre de liaison des forces antifascistes qui animera la grève générale du 12 février.
Au congrès de l’UACR tenu à Paris les 20-24 mai 1934, il avait été nommé à la commission administrative de l’UA (nouveau nom adopté par l’organisation) et au comité de rédaction du Libertaire aux cotés de Louis Anderson, René Frémont, Sébastien Faure, Maurice Catalogne Lashortes, H. Lucien, Marchal, Mualdés et L. Dorlet Vergine. Entre deux séances du congrès, accompagne de Hoche Meurant et de Duquelzar, il était allé porter le salut des congressistes au compagnon Makhno, hospitalisé à l’hôpital Tenon.
Admis en juin 1934 comme stagiaire au syndicat des correcteurs, il commença à travailler au Journal Officiel. Nicolas Faucier fut définitivement admis au syndicat des correcteurs le 1er juillet 1935. Lors du Front populaire, il était responsable de la page syndicale du Libertaire où il rendait compte du mouvement d’occupations des usines.
En juillet 1935, avec Alice, il avait été l’un des signataires du manifeste appelant à une conférence nationale contre la guerre et l’union sacrée publié dans Le Libertaire (12 juillet 1935) et dont le comité d’organisation comprenait entre autres R. Louzon, P. Monatte, Fremont, Grandjouan, Marceau Pivert, M. Chambelland, H. Poulaille et R. Lefeuvre. Il demeurait alors 16 rue Ernestine à Paris 18e et figurait sur la liste de vérifications de domiciles d’anarchistes.
Fin août 1936 il fut avec Louis Lecoin l’un des fondateurs du Comité pour l’Espagne libre. N. Faucier témoigne : « … Lecoin…étant pressenti pour en assurer le fonctionnement, vint me demander d’en partager avec lui le secrétariat, ce que j’acceptais de grand cœur. Cetes cet engagement nous imposait de quitter notre emploi de correcteur pour nous lancer, à plein temps et bénévolement, t d’abord, dans une aventure dont nous refusions d’envisager les conséquences. Entourés de quelques autres militants hâtivement recrutés… le comité fut vite doublé d’un Centre de ravitaillement en vie d’apporter… le maximum d’aide matérielle aux combattants de la liberté… bientôt plusieurs camions et camionnettes circulèrent chaque semaine entre Paris et Barcelone transportant vivres, vêtements, médicaments, le tout camouflant les armes et munitions que nous pouvions nous procurer et qui franchissaient la frontière moyennant certaines complicités douanières acquises à la cause antifranquiste… » Lors du congrès de l’UA tenu à Paris les 30 octobre-1er novembre 1937, le Comité devint la section française de la Solidarité Internationale Antifasciste (SIA). Tandis que Lecoin était nommé secrétaire de la nouvelle organisation, Faucier en devenait le trésorier appointé 400f par semaine. La section française de SIA, dont le siège se trouvait rue d’Alésia (14e arr.) puis à partir de janvier 1937 rue Crussol (11e arr.), comptera jusqu’à 15.000 adhérents et publiera l’hebdomadaire SIA(Paris, 38 numéros du 10 novembre 1938 au 3 août 1939) qui en février 1939 comptait 5.000 abonnés ; le journal était paru précédemment sur 2 pages insérées dans Le Libertaire de novembre 1937 à octobre 1938. La SIA, outre l’aide en argent, vivres, armes et médicaments aux révolutionnaires espagnols, contribua également à l’entretien près de Llansa de la Colonie Ascaso Durruti qui, à partir de février 1937, accueillit plus de 300 enfants la plupart orphelins de guerre. Les représentants du Comité Espagne Libre s’occupant de la colonie installée dans le Château Marly étaient en février 1937 Renée Lamberet, Paula Feldstein et Pierre Odéon.
En 1937 il était semble-t-il à Lille où il résidait 151 rue de Molinel et était signalé comme l’un des animateurs avec Dryburgh, Blicq, Hélène Gombert et De Mulder, du groupe local de l’Union anarchiste.
En avril 1938 il était membre du Centre syndical d’action contre la guerre puis comité de liaison contre la guerre qui réunissait des militants de l’UA, de la Fédération Anarchiste de langue française, de SIA, du PSOP de Marceau Pivert et du groupe abondanciste Jeunes de Jean Nocher. Ce même mois d’avril, il avait été candidat abstentionniste dans le XVe arrondissement lors des élections législatives.
Dans Le Libertaire du 15 septembre 1938, au moment des accords de Munich, Faucier, qui demeurait alors 59 rue Caulincourt, et Lecoin co- signaient une déclaration pour laquelle ils étaient inculpés de « provocation de militaires à la désobéissance », et condamnés par défaut le 12 décembre à six mois de prison et 200f d’amende, jugement confirmé en instance en avril 1939. Au cours du même procès tenu devant la 12e chambre correctionnelle furent également condamnés à 6 mois de prison par défaut Anderson, Frémont, Scheck et Vintrigner. Puis suite à des articles antimilitaristes publiés dans SIA, Faucier, Vontrignier et Lecoin étaient condamnés par défaut le 31 juillet 1939 à deux ans de prison et 100f d’amende tandis que H. Jeanson et R. Louzon, auteurs des articles, étaient condamnés à 18 mos de prison et 500F d’amende. Il était à cette époque membre de la Commission administrativve de l’UA avec entre autres René Frémont (secrétaire), André Scheck (trésorier), Louis Anderson, Roger Boutefeu, Henri Guérin, René Ringenbach et Fernand Vintrignier.
Dix jours après la déclaration de la guerre il participait avec le vieux compagnon Albert Dremière et Louis Lecoin à la confection et l’expédition du tract Paix immédiate tiré à 100.000 exemplaires. N. Faucier, qui dès le 3 septembre avait écrit au gouverneur de Paris qu’il ne répondrait pas à l’ordre de mobilisation, était arrêté le 8 octobre. Incarcéré d’abord à la Santé, il fut ensuite transféré successivement à Lorient, à la prison du Cherche-Midi et enfin au camp militaire d’Avord (Cher). Le 14 mars 1940, pour l’article paru dans Le Libertaire de septembre 1938 il était condamné à 18 mois de prison. Le mois suivant, devant le tribunal militaire d’Orléans, il était condamné le 11 avril à trois ans de prison pour insoumission. Interné d’abord à Orléans puis à Poissy il était ensuite transféré à Fontevrault. A la fin de sa peine, le 5 février 1943, après 42 mois de détention, il était maintenu en détention administrative sur ordre des allemands. Transféré d’abord au camp de Rouillé (Vienne) où il arrivait le 6 juillet 1943 au soir : « … On m’introduisit dans le baraquement des politiques n°15 où l’on circulait au milieu de deux rangées de châlits superposés. On m’en désigna un, véritable pucier, où ces petits insectes s’en donnèrent à cœur joie sur ma personne toute la nuit. » Le 1er août il fut désigné avec une centaine d’autres prisonniers pour être transféré dans une carrière près de Neuville (Vienne) où l’organisation Todt devait construire une usine souterraine. Sa première réaction fut de refuser mais un co-détenu le persuada que c’était peut être l’occasion de s’évader, ce qu’il fit le 12 décembre 1943. Parvenu à pieds à Poitiers, il réussit à prendre un train pour Orléans où il se cacha d’abord chez une de ses sœurs puis chez un couple de militants anarchistes à plusieurs kilomètres au sud de la ville. Muni de faux papiers au nom de Georges Berger, il vécut alors de travaux clandestins, notamment comme ouvrier agricole en Sologne, jusqu’à la libération.
Dès septembre 1944 il reprit son métier de correcteur et son militantisme syndical. Membre du Comité syndical des correcteurs, il fut délégué au congrès fédéral en 1945. Il collaborait à l’époque au Libertaire mais n’appartenait pas à la Fédération anarchiste. Il publia également une dizaine de numéros d’un bi-mensuel La Bataille syndicaliste (1945). Fin 1945, pour des raisons de santé il cessait la correction et travaillait comme forain sur les marchés. Réintégré chez les correcteurs en juin 1948, il devenait membre du comité syndical et adhérait au groupe pacifiste « les artisans de la paix ».
De 1953 à 1955 il fut secrétaire du Comité interentreprises de presse du Croissant, et de 1956 à 1959, secrétaire du groupe d’études et de discussions syndicales. Il participa également au groupe « Zimmerwald » fondé par Maurice Chambelland, au noyau éditant la revue La Révolution Prolétarienne, à l’Union des syndicalistes dont il avait été l’un des fondateurs en 1956, à la coopérative des Éditions Syndicalistes ainsi qu’au regroupement Pour un mouvement syndical uni et démocratique (PMSUD).
Il participait parallèlement au soutien à Louis Lecoin en faveur du statut des objecteurs de conscience.
Retraité en juin 1968, il partait alors avec sa compagne Alice pour Saint-Nazaire d’où il allait collaborer à de nombreux titres de la presse libertaire et avait alors adhérer à l’association des vieux travailleurs de FO.
En 1989, il fut un des fondateurs du Collectif contre la répression en Chine. Lors de la guerre du Golfe en janvier 1991, membre de la Libre Pensée et d’Amnesty international, il intervenait régulièrement dans les réunions du collectif contre la guerre.
Nicolas Faucier, dont la compagne était morte à l’été 1989, est décédé à Saint-Nazaire le 20 juin 1992.
Quelques mois avant, il avait écrit dans un journal local : « A plus de 90 ans, je pourrais dire que je n’ai plus beaucoup à espérer. Mais je n’en ai pas le droit, d’autres ont repris le flambeau… la révolution libertaire n’est pas une notion dépassée. Chacun doit se battre parce que la lutte est quotidienne. Je me battrais jusqu’à mon dernier souffle. Sans prétention, je crois avoir fait ce que je devais faire et je ne regrette rien de ce que j’ai fait. »
Œuvres : — La presse quotidienne, ceux qui l’inspirent, ceux qui la font (Éditions syndicalistes, 1964) ; — Les ouvriers de Saint-Nazaire (Éditions syndicalistes, 1978) ; — Pacifiste et antimilitarisme dans l’entre-deux guerres (Spartacus, 1983) ; — Dans la mêlée sociale (autobiographie) ; — 1936 à travers le Libertaire (Les cahiers du vent du ch’min, 1986).
Outre les titres cités dans la notice, N. Faucier a également collaboré à Défense de l’homme (1948-1976) de L. Lecoin, Interrogations (1974-1979) de Louis Mercier-Vega, Liberté (1958-1971) de L. Lecoin, Le Monde libertaire organe de la Fédération anarchiste depuis 1954, Le Réfractaire (1974-1983) de May Picqueray et à La Révolution prolétarienne.