Tambour dans les zouaves sous le Second Empire (d’où son surnom de Le Tapin), Pierre Jeallot fut délégué de la Commission ouvrière de 1867 au sein de laquelle il représenta les ouvriers parisiens en papiers peints fantaisie. Il habitait alors 8, rue Chaudron, à Paris 10e.
A la fin de l’Empire, militant actif de l’Internationale, il était blanquiste et appartenait au groupe de Ménilmontant. Il n’avait alors plus qu’un bras valide. Dans son roman Philémon, vieux de la vieille, Lucien Descaves, qui avait recueilli ses mémoires avant sa mort, raconte de lui que « c’était le véritable gamin de Paris, gai, courageux, serviable, et débrouillard comme pas un. Il ne haïssait que les agents de police, qui lui avaient cassé un bras… mais l’autre travaillait pour deux. »
Durant le premier siège de Paris, en 1870, il fut incorporé au 74e bataillon de la Garde nationale. Sous la Commune, il fut élu capitaine et exerça les fonctions de directeur de la boulangerie à la manutention du quai de Billy.
A la fin de la Commune, il parvint à fuir et se réfugia à New York fin 1871. Il repassa néanmoins rapidement l’Atlantique et s’installa Bruxelles où il se trouvait en mars 1872. Puis il passa en Suisse.
Le 4 octobre 1873, le 4e conseil de guerre le condamna par contumace à la déportation dans une enceinte fortifiée.
A Neuchâtel, Pierre Jeallot connut James Guillaume. Il gagna pendant longtemps sa vie en tournant la roue d’une presse dans une imprimerie et adhéra à la section de Neuchâtel de l’AIT.
En 1877, il vivait à la Chaux-de-Fonds. Le 18 mars, il participa à la fameuse manifestation du drapeau rouge à Berne. En juillet, il dut effectuer un bref séjour à Paris. Les 19 et 20 août se tint, en effet, à la Chaux-de-Fonds, le congrès d’une fédération française de l’AIT constituée en avril et dont Alerini, Brousse, Dumartheray, Montels, Pindy formaient la commission administrative initiale. Après le congrès, Jeallot et Hippolyte Ferré remplacèrent Brousse et Montels. Jeallot exerça les fonctions de caissier fédéral. A cette époque, selon les mémoires de Kropotkine, il était encore blanquiste.
Jeallot rentra ensuite en France où il intégra les groupes socialistes renaissants. Il allait bientôt faire partie du « demi-quarteron » initiateur du mouvement anarchiste en France.
Le 15 septembre 1878, il fut arrêté avec les membres de l’Internationale qui, autour de L’Égalité de Jules Guesde, avaient décidé de maintenir le congrès international prévu à Paris malgré l’interdiction gouvernementale. Au tribunal, le 23 octobre, il affirma qu’il devait participer au congrès comme délégué d’un « cercle d’études sociales » fort de 40 à 50 membres, et déclara qu’il n’attendait nulle autorisation pour se réunir puisque, étant anarchiste, il ne se soumettait pas aux lois (Le Petit Parisien du 25 octobre 1878). Il écopa de six mois de prison.
A sa sortie, Jeallot continua de fréquenter les réunions socialistes parisiennes qui s’organisaient désormais autour du journal Le Prolétaire, de Paul Brousse. C’est dans ces réunions qu’il rencontra Jean Grave. Avec lui et Minville, Jeallot cofonda en 1879 le Groupe d’études sociales des 5e et 13e arrondissements de Paris, dont Grave fut secrétaire. Le groupe travailla avec Guesde à remettre sur pieds L’Égalité, qui reparut le 21 janvier 1880. Jeallot habitait alors au 140, rue Mouffetard, à Paris 5e.
Il fut à cette époque le co-signataire avec Griveau du placard abstentionniste Manifeste électoral publié par les groupes anarchistes de Paris (voir Portfolio).
Les réunions du Groupe d’études sociales des 5e et 13e arrondissements se tenaient chez un marchand de vin, au coin des rues Pascal et de Valence et étaient surtout fréquentées par des ouvriers tanneurs, corroyeurs et mégissiers, les industries de ce quartier où coulait alors la Bièvre. Mais elles reçurent également la visite d’éminents militants anarchistes comme Cafiero, Malatesta et Tcherkessof.
Le 23 mai 1880, il participa à la première manifestation commémorative au mur des fédérés, qui fut suivie par 5 000 personnes, malgré de nombreuses altercations avec la police. Jeallot fut arrêté et retenu plusieurs heures à la prison de la Petite-Roquette.
Du 18 au 25 juillet 1880, Jeallot fut délégué par l’Alliance des groupes socialistes révolutionnaires au congrès ouvrier du Centre, qui devait préparer le congrès national du Havre. Il fut, avec Émile Gautier, Lemâle et Jean Grave, un des représentants de la tendance anarchiste du congrès. Avec ses camarades il s’y opposa en vain à l’adoption du suffrage universel comme forme d’action révolutionnaire.
Le 18 mars 1881, lors de la réunion de commémoration de la Commune, organisée à la salle du Vieux Chêne rue Mouffetard avec le concours de Louise Michel et d’Émile Gautier, il avait été désigné avec le compagnon Paton (?) pour se rendre salle du Progrès pour y voter des remerciements aux nihilistes russes qui, le 13 mars précédent, avaient assassiner le Tsar Alexandre 2. C’est au sortir de cette réunion que la police arrêta Tcherkessof ; Jeallot voulut s’interposer et fut arrêté également.
Fin mai 1881, suite aux incidents survenus lors de l’ouverture du congrès socialiste du Centre tenu à Paris, où les délégués anarchistes avaient été refoulés après avoir refusé de donner leurs noms, les compagnons et autres dissidents s’étaient constitués en congrès indépendant réunis 103 boulevard de Ménilmontant. Ce congrès, présidé par Maria (voir ce nom) avait regroupé une centaine de participants dont A. Crié (cercle du Panthéon), Victorine Rouchy (Alliance socialiste révolutionnaire), Bernard (chambre syndicale des homes de peine), Spilleux dit Serraux (mouchard), Émile Pannard (groupe La Révolution sociale), Vaillat (groupe d’études sociales révolutionnaires), Émile Gautier et Jeallot. Ce dernier lors d’une séance proposa — avec notamment Violard, Durand, Petit et Casabianca, de se rendre armés à la manifestation prévue le 29 mai au Père Lachaise pour commémorer la Commune. Cette proposition fut notamment combattue par Émile Gautier, Leboucher et Maria.
Ce même mois de mai, il aurait écopé de six mois de prison à la Roquette.
Fin juin 1881 il avait été chargé avec Griveau de recevoir les adhésions d’un manifeste contre le suffrage universel signé Les groupes anarchistes de Paris et se terminant ainsi : « … Si vous voulez être sauvés, faites votre salut vous mêmes ! La souveraineté ne se délègue pas. Le vote est une abdication. Ne votez pas ! Organisez vous ! N’abdiquez pas ! Agissez ! »
Début janvier 1883, avec notamment Grave, Vilhem, Duprat, Couchot et Mege, il avait participé salle Horel à une réunion en vue de publier un nouvel hebdomadaire anarchiste. Il fut également, semble-t-il, membre du groupe L’Aiguille fondé en juin 1882 par notamment Louis Duprat (voir ce nom).
Vers 1884 il était imprimeur et était signalé dans les réunions du groupe du Faubourg Marceau tenues rue Pascal.
Passée cette période initiale du mouvement anarchiste, il reste à éclaircir ce que fut l’activité de Pierre Jeallot. Il finit en tout cas sa vie en 1909 à l’hospice de Limeil-Brévannes, où il avait continué d’exercer son métier de peintre. Il rédigea ses souvenirs qu’il communiqua à Lucien Descaves. L’écrivain en fit une des sources de son Philémon, vieux de la vieille.
Œuvre : La Question électorale, Alliance des groupes socialistes révolutionnaires, Paris, 1880, 14 p.