Fils d’un juge de district, Nicolas Zukovski (plus souvent orthographié Joukovsky et Joukowski) participa à un groupe révolutionnaire russe à Pétersbourg et dut s’enfuir en Pologne où il fut arrêté ; il réussit à s’évader et à gagner Londres où il devint correcteur au Kolokol, le journal publié par Herzen et Ogarev.
Il s’établit à Genève en 1864. Membre de la Ligue de la paix et de la liberté (1867-1868), il fut ensuite parmi les fondateurs de l’Alliance internationale de la démocratie socialiste (1868) et collabora à la revue La cause du peuple (Narodnoie delo). Expulsé de la section centrale de Genève de l’AIT le 13 août 1870, avec Bakounine, Perron et Ross, il fut délégué de la section de l’Alliance au congrès de Saint-Imier du 9 octobre. Il collabora à La Solidarité, organe de la Fédération romande de l’Association internationale des travailleurs, puis fut délégué de la Section de propagande et d’action révolutionnaire au congrès de Sonvilier du 12 novembre 1871, où fut fondée la Fédération jurassienne.
Le congrès de La Haye en 1872, qui allait expulser Bakounine et James Guillaume de l’AIT, ne lui reconnut pas la qualité de délégué.
Il fut à nouveau délégué au congrès (antiautoritaire) de Genève de l’AIT en 1873, où il introduisit le rapport sur la grève générale. La section de propagande socialiste — dont il faisait partie avec Lefrançais, Montels, Teulière, Chalain, les Thomachot — publia le 20 avril La Commune, revue socialiste (8 numéros jusqu’en novembre 1878) ; dès le deuxième numéro, seul le sous-titre apparut, le titre ayant été interdit. Puis la section s’éloigna de l’Internationale en raison de divergences personnelles. Mais Joukovsky figura parmi les fondateurs de l’imprimerie anarchiste Rabotnik (Le Travailleur) en 1874 et fut rédacteur du journal du même nom de 1875 à 1876.
Il participa à une assemblée à Lausanne le 25 juin 1876, contre l’arrestation de Kahn et de Reinsdorf, et fut présent aux funérailles de Bakounine à Berne, le 3 juillet, où il intervint aux côtés de Schwitzguébel, Guillaume, Reclus, Salvioni, Brousse, Betsien. Il revint alors au sein de la Fédération jurassienne, assista au congrès de Berne de l’AIT en 1876 et donna des conférences dans le Jura avec Kropotkine et Reclus en 1877. Il figura aussi parmi les fondateurs du Travailleur (revue mensuelle, 11 ou 12 numéros de mai 1877 à mai 1878), avec Reclus et Oelsnitz, ainsi que de Obchtchina (La Commune) avec Stepniak, en 1878.
Son nom figure dans l’Album photographique des individus qui doivent être l’objet d’une surveillance spéciale aux frontières (Paris, Imprimerie Chaix, septembre 1894) et où il était décrit comme ayant « cheveux gris, yeux noirs et enfoncés, teint mat, corpulence mince, joues creuses ». Il avait été expulsé de France par décret du 14 août 1894.
Le Journal de Genève du 12 mai 1895 annonça son décès de la part de sa femme, née Adélaïde Zinoviev (elle était la petite-fille du général suisse Antoine Jomini), et de leurs fils Alexandre et Étienne.
Kropotkine s’en souvient comme d’un « gentilhomme très séduisant, élégant, d’une haute intelligence, qui était le favori des ouvriers… il savait enflammer les travailleurs en leur montrant le grand rôle qu’ils avaient à jouer dans la rénovation de la société, élever leurs esprits en leur exposant de hauts aperçus historiques, éclairer d’une vive lumière les problèmes économiques les plus compliqués, et électriser son auditoire par son sérieux et sa sincérité ».