Dictionnaire international des militants anarchistes
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PRUDHOMMEAUX André, Léon “Jean CELLO » ; « André PRUNIER » ; « Paul MOUNIER”
Né le 15 octobre 1902 à Guise (Aisne) ; mort le 13 novembre 1968 - Agronome ; libraire ; imprimeur - FAF – FA – Nimes (Gard) – Barcelone (Catalogne) – Lindau (Suisse) - Versailles (Yvelines)
Article mis en ligne le 21 septembre 2012
dernière modification le 27 octobre 2023

par R.D.
André Prudhommeaux

André Prudhommeaux naquit au Familistère de Guise fondé par J.-B. Godin. Sa mère, née Marie Dollet était la nièce de la seconde épouse de Godin et son père Jules Prunier avait été amené, par son mariage, à s’occuper de la gérance du Familistère. Historien du mouvement social, auteur d’une thèse sur « Icarie et son fondateur Étienne Cabet » (Paris, 1907), il avait été sa vie durant un militant pacifiste et coopérateur actif.

André Prudhommeaux passa son enfance à Guise, Nîmes, Sens puis Versailles. Après ses études secondaires, il entra à l’École d’agriculture de Grignon (Seine-et-Oise) puis fut étudiant à la faculté des sciences de Paris. Adhérent à l’alliance défensive des étudiants antifascistes qui tentaient de briser la domination des Camelots du Roy au quartier Latin, il fréquenta les jeunes militants de la revue communisante Clarté à laquelle il collabora à plusieurs reprises en 1927.

En 1926-1927, il était à Grignon préparateur-auxiliaire au laboratoire de recherches et d’analyses du ministère de l’Agriculture, avant d’être renvoyé de son poste de micrographe-chimiste pour son action politique. Il était en effet membre du groupe oppositionnel d’Albert Treint, le Redressement communiste, avec lequel il rompit publiquement le 1er décembre 1928 lors d’une réunion avec des militants de Contre le courant. Il venait de se marier à l’automne 1928 avec Dora Ris (née le 8 novembre 1907 à Lindau, Suisse), dite Dori, et ouvrit au 67 boulevard de Belleville (Paris, XIe arr.) une Librairie ouvrière pourvue d’une documentation sur les questions révolutionnaires. Elle devint un centre de rencontre et de débat pour les communistes oppositionnels proches de la gauche italienne. Avec un groupe de camarades italiens venus du bordiguisme tel Michelangelo Pappalardi, il participa avec son ami Jean Dautry à l’Ouvrier communiste (août 1929-mai 1930), organe des groupes ouvriers communistes, qui prit la suite d’un éphémère Réveil communiste, organe du Groupe d’avant-garde communiste.

Ce groupe entreprenait « la critique radicale du léninisme comme méthode de domination d’une caste politicienne sur les tendances spontanées du prolétariat révolutionnaire d’Occident » comme le proclamait un éditorial de l’Ouvrier communiste (n° 9/10, mai 1930). Le GOC condamnait radicalement la stratégie léniniste de nécessité d’un parti bolchevique, l’alliance avec les sociaux-démocrates et certaines couches de la bourgeoisie, l’utilisation du Parlement et des syndicats. Ces réflexions étaient inspirés des thèses du communiste hollandais Hermann Gorter dont Prudhommeaux traduisit la Réponse à Lénine éditée par la Librairie ouvrière en juillet 1930. Le groupe était en liaison avec les mouvements allemands et hollandais se réclamant du communisme des conseils ainsi qu’avec la revue littéraire die Aktion de Franz Pfemfert.

Pendant l’été 1930, André et Dori Prudhommeaux firent un voyage en Allemagne afin d’y rencontrer des militants du Kommunistische Arbeiter Partei et de l’Allgemeine Arbeiter Union Deutschlands et d’y rechercher des documents sur les mouvements révolutionnaires issus du spartakisme. Cette enquête aboutit, dans un premier temps, à la publication de trois numéros d’un nouveau périodique intitulé Spartacus (mai-juillet 1931) dans lequel Prudhommeaux se livrait à une étude approfondie de la révolution allemande et des conséquences idéologiques et tactiques à tirer de cette première tentative révolutionnaire dans un pays capitaliste avancé. Il publia notamment les derniers articles de Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht ainsi qu’une traduction du Manifeste des ouvriers et marins de Cronstadt, texte qui exerça une influence importante dans son orientation ultérieure vers l’anarchisme.

Après son retour à Paris et la fermeture de sa librairie, André Prudhommeaux exerça les professions de laveur de vitre et de chauffeur, avant d’être appelé en 1931 à la tête de l’imprimerie coopérative La Laborieuse à Nîmes (Gard). Sous une forme plus aboutie, André et Dori Prudhommeaux publièrent la brochure Spartacus et la commune de Berlin 1918-1919 (Masses, n°15/16, 1934) grâce à R. Lefeuvre. Un ultime voyage en Allemagne en 1934 fut rapidement interrompu par leur arrestation et une courte incarcération à la prison de Dortmund.

Il fit ses adieux « au marxisme, même spontanéiste et sans parti » dans l’unique numéro du journal le Soviet. Plus tard, il revint sur cet épisode dans Ce qu’il faut dire (n° 33, septembre 1946). En septembre 1932, avec J. Dautry, il fit paraître un nouveau bulletin bimensuel la Correspondance internationale ouvrière inspirée par « une vue non-systématique, non-doctrinaire du mouvement prolétarien et de la révolte sociale sous toutes ses formes » qu’il publia jusqu’en mai 1933 et dont l’administrateur était Pol Jolibois (voir ce nom).

Après l’arrivée d’Hitler au pouvoir, il livra ses réflexions sur les origines et les responsabilités de la tragédie allemande dans une série d’articles du Libertaire (n° 390 à 392, 17 mars-31 mars 1933) : « L’ordre règne en Allemagne : bilan de douze ans de « bolchevisation » du prolétariat allemand », mais sa défense passionnée de l’incendiaire présumé du Reichstag, Marinus Van der Lubbe (aujourd’hui réhabilité), signifia son désaccord avec l’hebdomadaire anarchiste qui considérait Van der Lubbe comme « un agent d’Hitler ». Prudhommeaux poursuivit sa défense dans la Revue anarchiste de F. Fortin et le Semeur de A. Barbé ainsi que dans le Bulletin spécial de correspondance édité par la section française du Comité international Van der Lubbe. Il entreprit d’ailleurs un voyage en Hollande afin de recueillir le témoignage de camarades de lutte de Van der Lubbe et fut extrêmement impressionné par la confiance absolue en Van der Lubbe qu’exprimaient des militants expérimentés comme Jan Appel et Anton Pannekoek. Ce fut par le biais de cette campagne que Prudhommeaux s’engagea complètement dans le militantisme anarchiste comme en témoigne sa participation au congrès de l’Union anarchiste communiste révolutionnaire à Orléans les 14-16 juillet 1933 en tant que représentant du groupe anarchiste de Nîmes et de la Fédération du Gard.

Désormais Prudhommeaux allait s’exprimer dans Terre libre dont le 1er numéro parut dans l’Éveil social comme organe mensuel de l’Alliance libre des anarchistes du Midi (ALARM). En juillet 1934, Terre libre prit la succession de L’Éveil et compta plusieurs éditions régionales. En juin 1935, le journal fut sous-titré organe fédéraliste libertaire. Enfin en février 1937, il devint le journal de la Fédération anarchiste de langue française, créée l’année précédente les 15-16 août à Toulouse après une scission de l’Union anarchiste. Terre libre édita également des cahiers sous forme de brochures mensuelles qui publièrent notamment l’article de S. Weil : « Sur le tas, souvenirs d’une exploitée » (n° 7, 15 juillet 1936). Début 1935 il fut également le responsable du fonds de soutien de l’ALARM aux réfugiés espagnols après la révolution d’octobre 1934.

Prudhommeaux fut, avec Voline, un des principaux animateurs de cette nouvelle organisation dont il était responsable pour le Gard tandis que Pradier en était le trésorier. Fidèle à la tradition de solidarité avec les révolutionnaires persécutés en URSS, Terre libre publia régulièrement des informations sur la répression stalinienne tandis que Prudhommeaux signait en 1935 un appel à l’opinion révolutionnaire mondiale pour les déportés russes avec Sébastien Faure, Robert Louzon, Jacques Mesnil et Magdeleine Paz (Le Libertaire, 15 mai 1935). Mais à partir de 1936, les événements espagnols allaient être placés au premier rang par Prudhommeaux et ses amis.

A l’été 1936, il se trouvait à Barcelone où il publia du 22 août au 3 septembre les premiers numéros de L’Espagne antifasciste, bloqués et saisis à la frontière française, tandis que J. Dautry était chargé des émissions françaises à Radio CNT-FAI. En octobre, il rentra à Nîmes, L’Espagne antifasciste étant désormais publiée à Paris sous l’égide de la FAF et de la CGT-SR jusqu’en janvier 1937. L’Espagne nouvelle lui succéda en avril 1937 et jusqu’en juillet 1939. Rédacteur-gérant, Prudhommeaux fit alterner sa parution avec celle de Terre libre, considérant les deux publications comme complémentaires. Selon Jean Maitron, il fut, « avec Voline, un de ceux qui exprimèrent avec le plus de force le courant contestataire au sein du mouvement anarchiste français », en opposition à la politique de ministérialisme et de concessions de la direction de la CNT-FAI.

Devant l’accumulation des défaites et la montée des périls, Prudhommeaux écrivait : « Le recul est trop général depuis juillet 1936 pour nous laisser une chance de pouvoir combattre efficacement pour notre propre cause » et il ajoutait : « Quant à nous faire crever la peau pour le capitalisme, trop des nôtres sont déjà tombés en Espagne et ailleurs » (L’Espagne nouvelle, 15 avril 1939). Il fut également l’imprimeur-gérant du numéro unique des « Cahiers du travailleur libertaire » (Toulon, janvier 1939)

A la veille de la guerre en août 1939 il avait quitté Nîmes pour Thonon d’où le 28 août il se réfugia à Lindau en Suisse, chez ses beaux-parents, où sa femme et sa fille vinrent le rejoindre. Toute activité politique lui étant interdite, il se tourna, après maintes difficultés, vers la critique littéraire pour des publications de Suisse romande et la traduction poétique, notamment des Sonnets de Shakespeare et de Michel-Ange (Éditions des Portes de France) ainsi que d’un recueil de textes d’Alexandre Herzen, La Russie et l’Occident. En mars 1942 parut un choix de ses propres poèmes : Les jours et les fables. Il participa également à une série d’émissions de la Radio de Genève sur les poètes romantiques anglais. Il noua de nombreuses amitiés avec les intellectuels suisses ainsi qu’avec plusieurs réfugiés politiques : l’espagnol E. Widmann Peña, l’italien Luigi Bertoni, l’éditeur du Réveil anarchiste, Jean-Paul Samson, réfractaire français de la Première Guerre mondiale, qui devait publier la revue Témoins à partir du printemps 1953 et à laquelle Prudhommeaux collabora aux côtés de Fritz Brupbacher, Albert Camus, René Char, Pierre Monatte, Ignazio Silone…

André Prudhommeaux

À la fin de 1946, le couple Prudhommeaux et leurs deux filles, Jenny et Michèle, rentrèrent s’installer à Versailles. Prudhommeaux reprit sa place dans le mouvement anarchiste en participant à la rédaction du Libertaire, en réunissant et animant un groupe de jeunes étudiants (le CLE) qui publia le Bulletin du cercle libertaire des étudiants (Paris, 5 numéros et un supplément, avril à décembre 1949) auquel participèrent notamment Mireille Dufour, Jean Jacques Rousset, G. Glaser et Dora Ris, puis dans divers comités de relations internationales anarchistes. Il était alors membre du groupe Sacco et Vanzetti dont faisaient entre autre partie Jean Sauvy, Gilbert Devillard, Serge Ninn, Giliana Berneri, Georg Glaser, Jean-Max Claris et Léo Emery. Permanent à la Fédération anarchiste en 1946-47 et polyglotte, il fut également l’un des responsables du Secrétariat provisoire aux relations internationales (SPRI) puis à la Commission de relations internationales anarchistes (CRIA) jusqu’en novembre 1948.
A l’automne 1952 il fut membre avec entre autres P.V. Berthier du Centre de recherches philosociales qui chaque samedi organisait des débats à la salle des sociétés savantes.

Après avoir été correcteur, il entra à la revue Preuves « pour y assurer un travail de rewriting, de traduction, de rédaction et de mise en pages ». Il y écrivit régulièrement de 1951 à 1957. Cette participation allait lui être vivement reprochée dans le mouvement anarchiste, sa collaboration au Libertaire lui étant dorénavant refusée. Il appartint au noyau de militants qui les premiers s’opposèrent à la mainmise de la tendance de Georges Fontenis (Organisation pensée-bataille) sur la FA. Ces militants constituèrent le 11 octobre 1952 au Mans l’entente anarchiste dont Prudhommeaux fut l’un des principaux animateurs. Après la disparition de la FA au congrès de mai 1953 au profit de la Fédération communiste libertaire, ils s’efforcèrent de regrouper les différentes familles de pensée anarchiste dans une nouvelle fédération qui reprit le sigle FA au congrès constitutif des 25-27 décembre 1953 où il fut nommé secrétaire aux relations internationales, aux cotés de Pierrette Martinez (secrétaire générale), Maurice Laisant (relations extérieures) et Robert François (relations intérieures). Le Monde libertaire, son organe, dont Prudhommeaix était membre du comité de lecture, reparut en octobre 1954.

Dans cette nouvelle fédération. Prudhommeaux fut secrétaire aux relations internationales en 1956 et son mandat fut renouvelé au congrès de Nantes en juin 1957. Il représenta la FA au congrès anarchiste international de Londres (25 juillet-1er août 1958).

Collaborateur de nombreux périodiques libertaires indépendants comme l’Unique, Contre Courant, Défense de l’homme, Prudhommeaux avait également fondé le journal bimensuel Pages libres en 1956. Au niveau international, il collaborait régulièrement aux revues Freedom (Grande-Bretagne) et Volontà (Italie), Cahiers de Pensée et Action (Belgique), L’Adunata dei Refratteri (USA). Ses travaux de traducteur l’amenèrent à livrer notamment les versions françaises de La Pensée captive de Czeslaw Milosz (Gallimard, 1954) et de La Nouvelle classe de Milovan Djilas (Plon, 1957). Il collabora également, grâce à Albert Camis à la collection La Pléiade (Gallimard).

Ce furent les pays de l’Est qui occupèrent le centre de ses préoccupations dans les années cinquante, en particulier la révolution hongroise de 1956 dont il écrivit qu’elle était « une révolution inverse de celle d’octobre 1917. Insurrection universellement individualiste de la société civile contre l’État, des citoyens contre les Pouvoirs, des vérités contre le Dogme, de l’initiative privée contre le Monopole totalitaire, des libres contractants contre le mythe rousseauiste du Contrat social et du peuple souverain ; le tout sans théorie, sans phrases, sans tradition doctrinale d’aucune sorte » (Le Contrat social, septembre 1957).

En 1960, il ressentit les premiers symptômes de la maladie de Parkinson qui devait l’emporter huit ans plus tard après de terribles souffrances. Contraint de réduire ses nombreuses activités, il n’en continua pas moins à poursuivre ses travaux de traduction, en particulier des écrits du sociologue américain Riesman. André Prudhommeaux est mort le 13 novembre 1968 à Versailles (Yvelines) et a été incinéré le 16 novembre.

Hanté toute sa vie par ce qu’il nommait « l’antique querelle entre le réformateur physiocrate (…) et le révolutionnaire apocalyptique », il avait adopté successivement, avec autant de passion, l’une et l’autre attitude. Marginal parmi les marginaux, l’œuvre multiforme, mais encore dispersée, du « plus libéral des libertaires » reste encore à découvrir.

Œuvres : Spartacus et la Commune de Berlin 1918-1919 (en collab. avec Dori Prudhommeaux), Masses, juin 1934 [réédition Spartacus, 1977]. — « Catalogne libre 1936-1937 », Cahier de Terre libre, mars 1937 [Repris par Les Humbles, mars 1937]. — « Où va l’Espagne », Les Humbles, février 1938. — L’Effort libertaire, le principe d’autonomie, Spartacus, 1978 [textes présentés par R. Pagès] – Les jours et les FABLES ? (1942) – Les libertaires et la politique (Cahiers de Contre courant, novembre 1954) – Les martyrs de Tokyo, 1911 (décembre 1949, supplément au Bulletin de la CLE) – La Commune de Berlin, 1919.


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