Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

RIMBAULT, Louis, Édouard “RAYMOND”

Né le 9 avril 1877 à Tours — mort le 9 novembre 1949 — Serrurier — Paris — Luynes (Indre-et-Loire)
Article mis en ligne le 4 juin 2012
dernière modification le 8 août 2024

par R.D.
Louis Rimbault

Louis Rimbault naquit dans une pauvre famille de huit enfants — dont plusieurs seront anarchistes — dont le chef était alcoolique. Il apprit la tôlerie et « trimarda », fut garçon dans un hôtel-restaurant et enleva la fille de ses patrons (il s’agit sans doute de Marie Paquet, née le 6 décembre 1878 en Belgique) alors qu’elle était enceinte de quatre mois. Il revint ensuite chez ses « beaux-parents » et se maria. En 1900 il travaillait à l’hôpital de la Charité et était le fondateur et le responsable de la Société des études techniques et d’enseignement général de Paris.

Peu après, il monta une quincaillerie à Livry-Gargan (Seine-et-Oise), fit faillite, puis travailla comme serrurier et fut élu, vers 1903, conseiller municipal sur une liste socialiste-radicale-socialiste avant de devenir, vers 1908, abstentionniste en matière d’élections sans être à proprement parler anarchiste. C’est à cette époque, que son frère (Marceau ?) vécut quelques mois à son domicile.

Louis Rimbault tenta ensuite, vers 1910, une expérience de communisme libertaire à Bascon, près Château-Thierry (Aisne). De fin 1911 à janvier 1912 il habita rue du Coq Gaulois à Pavillons-sous-Bois (Seine). Rimbault fréquenta à cette époque les milieux illégalistes de L’Anarchie et se trouva mêlé à l’affaire Bonnot (décembre 1911-avril 1913). Arrêté le 19 janvier 1912 sous l’inculpation de « vol et complicité » (il avait été notamment accusé d’avoir fabriqué des outils pour Garnier et Carouy), il fut ermprisonné près de 3 ans en préventive, d’abord à la Santé puis à partir de mars 1913, 18 mois dans un asile d’aliénés à Villejuif — il avait simulé la folie — mais, écrivit-il, « commencée par être simulée, ma crise devint réelle » (cf. La Vie tragique…, op. cit., p. 192, n.). Finalement, il comparut le 20 août 1914, fut acquitté, libéré, mais aussitôt affecté au 140e régiment d’infanterie à Argentan. Mis en sursis d’appel le 30 juin 1915, il fut affecté comme mécanicien ajusteur chez Licot frères, rue Pelleport à Paris, dans le XXe arr puis à la Maison Hure, puis fut sans doute réformé définitivement.

Depuis juillet 1918 il résidait 88 rue Pelleport (20e arr.) où vers 1920 il installa un petit atelier de serrurerie. Fondateur et secrétaire du groupe antiparlementaire, il fut candidat abstentionniste dans la 2e circonscription de la Seine lors des élections législatives de 1919.

Adhérent de l’Union corporative des ouvriers mécaniciens de la Seine, il fut lors de la grève de mai-juin 1919, le secrétaire du Comité de grève des métallos du 20e arrondissement.

Dirigeant de la Fédération des groupes de Libre examen (domicilié 88 rue de Pelleport à Paris, XXe arr.), Louis Rimbault, anima les Conseils d’ouvriers syndiqués (COS) qui publiait un bulletin périodique intitulé Travail. Cette organisation domiciliée à son domicile, qui faisait de la publicité en faveur du journal Le Malthusien, se fit connaître en juillet 1919, suite aux grèves de la métallurgie parisienne de mai-juin, par la diffusion d’un tract, signé Comité d’action des conseils d’ouvriers syndiqués de la région parisienne, appelant à l’organisation de comités de délégués d’ateliers, sur le modèle (supposé) des soviets de Russie, fédérés en conseils ouvriers d’arrondissement puis en comité d’action régional. Il s’agissait selon ses initiateurs de s’opposer au « fonctionnarisme » des dirigeants de la CGT qui « s’affichant les défenseurs des Soviets en Russie et en Hongrie, les combattraient chez nous ». Les autres responsables des COS étaient alors Renaudin (secrétaire adjoint) et François Carteron (Trésorier).
En septembre 1919 il fut, pour les conseils ouvriers de Lyon et Saint-Étienne, observateur au congrès de la Fédération CGT des métaux dont il fit un compte rendu dans Le Libertaire (21 septembre 1919).

En 1920 fut publié un programme des Conseils d’ouvriers syndiqués : Application du communisme en pleine société bourgeoise, selon lequel le communisme ne devait « être qu’une raison d’ordre économique et nullement d’ordre politique » et « se développer en dehors de toute dictature par la démonstration expérimentale des principes fondamentaux de son idéal ». Les COS proposaient également l’achat « d’action communistes » (25 F) destinées à la constitution d’association ouvrière de production placées sous leur égide.

Le 1er octobre 1921 (ou 1922 ?) il fut délégué au congrès de la Fédération des syndicats industriels tenu à la Maison Commune à Paris réunissant une trentaine de délégués français et belges et où, avec d’autres délégués, il s’opposa notamment aux motions de Louis Boisson, délégué de la Confédération des travailleurs du monde (CTM) de Marseille, sur la « dictature des producteurs en phase de transition », la rétribution de permanents et où il reprocha également à certains anarchistes « qui se proclament fédéralistes, mais n’ont pas jugé utiles d’assister au congrès » préférant »exploiter les cadavres de deux futurs électrocutés » [Saco et Vanzetti].

Malgré les efforts de Rimbault et de nombreuses réunions de présentation tant à Paris qu’en province, les COS ne rencontrèrent guère d’écho, y compris dans les milieux libertaires, et cette tentative fut abandonnée en 1922 par ses protagonistes

En 1921 Rimbault était le responsable du Groupe de préparation à la vie communiste et de propagande végétarienne qui tenait ses réunions à la Maison commune du 49 rue de Bretagne.

Avec Zisly, Butaud, Zaïkowska, etc., il collabora au Néo-Naturien (n° I, s.d., n° 2, janvier 1922, n° 21 et dernier de la série, octobre 1925. Rimbault fit encore paraître un numéro 22 daté août-octobre 1927). Il participa également) plusieurs tournées de conférences en province et notamment fin 1922 à celles organisées à Brest par Hervé Coatmeur du Foyer naturien de Brest.

C’est en novembre 1923 qu’il fonda « Terre libérée », à Luynes (Indre-et-Loire). Il avait « inventé » à Bascon une sorte de salade, aliment complet qu’il appelait Basconnaise, composé de trente-quatre variétés potagères. Durant une dizaine d’années, il allait multiplier écrits et réunions pour répandre ses conceptions, tout en accueillant à « Terre libérée » les adeptes de son végétalisme.

Dans Le Libertaire (18 juin 1924), Jean Peyroux fit le récit de la visité de la colonie qu’il avait effectué avec Nadaud et Lehoux. La colonie s’étendait sur un terrain d’un peu plus de 10 hectares (acheté 16.000 francs). Chaque sociétaire devait verser 3000 francs lui donnant droit à un logement et à une parcelle de terrain à vie. Au bout de 4 ou 5 ans la colonie s’engageait à rembourser au sociétaire la somme de 2500 francs. En conclusion Peyroux écrivait : « Nous allons quitter cet admirable coin pastoral où des êtres intelligents, mais inexpérimentés en la matière, foulent le roc avec des méthodes rudimentaires dabs une sorte d’idéal mystico-naturien ». Dans le numéro du 9 juillet suivant, Louis Rimbault répondit en détail aux critiques de Peyroux qui affirma avoir « manqué de tact » mais avoir voulu « exposer à tous ce problème si complexe et si réaliste des colonies. Loin de dénigrer l’œuvre, j’ai voulu la vulgariser, la faire connaître, en relatant ses difficultés et ses erreurs… Je le répète les libérés sont dignes de nos sympathies et encouragements, je voudrais même qu’on puisse les aider autrement que par des articles… » (cf. Le Libertaire, 11 juillet 1924).

En septembre 1932, la colonne vertébrale atteinte par la chute d’une poutre, victime, selon d’autres, de son genre d’existence — il couchait nu à même le sol — Rimbault fut dans l’impossibilité de se mouvoir. Privé de l’usage de ses membres inférieurs, à l’été 1933 une souscription fut lancée pour lui offrir une “voiturette manucycle” lui permettant de se déplacer. Sa femme (Gaby ?), atteinte depuis longtemps de névrose alcoolique, était morte en 1927 et il vivait avec Léonie Pierre, née le 20 août 1902 à Paris, XIIe arr., fille d’alcoolique, qu’il avait recueillie en 1915, une débile mentale qu’il épousera. Peu à peu, le vide se fit autour de lui, les bâtiments de « Terre libérée » menacèrent ruine, et Rimbault, bien que bénéficiant d’une petite pension militaire d’invalidité à la suite de la réforme obtenue pendant la guerre, vécut très misérablement. Sa fille, Solange Rimbault-Lallemand, participa également à cette expérience ; dans une lettre à La Voix libertaire (17 mars 1934), en réponse à une critique de Martial Desmoulins niant les “relations [de Rimbault] avec l’idéal libertaire”, elle écrivait : « … On peut être anarchiste et attenter dix fois en une heure à la plus élémentaire liberté d’autrui : nous, les jeunes filles, nous en somme trop souvent, hélas !, les témoins étonnés. A Terre libérée, notre salle commune n’a été empestée de tabac et maltraitée que par des anarchistes — j’insiste que par des anarchistes — et nous avons eu à nous en défendre. Nous avons donné hospitalité à des camarades anarchistes qui, au nom de leur liberté, malgré nos prières et nos protestations, ont fumé à table et dans le lit, puis réclamé avec insistance des aliments que nous nous interdisons, et l’un d’eux, tout dernièrement, se conduisit comme un bouc déchaîné. Jamais, à Terre libérée, une femme n’a eu à se plaindre de tels agissements… au nom de la liberté… de la part de végétaliens ». Après la mort de Rimbault, « Terre libérée » fut vendue en rente viagère par sa veuve.

Pour l’Encyclopédie anarchiste de Sébastien Faure, Rimbault fut un de ceux qui rédigèrent les articles « Maladie, Médecin, Médecine, Médicastre ». Il exposa ainsi ses vues : « Ce n’est pas la maladie qu’il importe de vaincre, puisque son rôle est de protéger le sujet contre le mal déferlant sur l’organisme. Lutter contre la maladie, c’est lutter contre la guérison ; aider la maladie, voilà ce que devrait être le rôle du médecin (de santé) ».

L’essentiel est donc de combattre les causes des maladies que développent chaque jour un peu plus « alcoolisme, tabagisme, vinisme, carnivorisme, caféisme, cocaïnisme, falsificationnisme, surmenage, sexualisme, prostitution et taudis ». Et Rimbault se proposait « de régénérer l’homme par la régénération de la terre » (cf. Le Néo-Naturien, n° 22, août-octobre 1927). Et il insistait sur la distinction, essentielle à ses yeux, entre végétarisme et végétalisme. Le végétarisme exclut de l’alimentation humaine la chair animale et les alcools, mais permet d’user des produits tirés de l’animal : lait, beurre, œufs, etc. Le végétalisme, lui, comporte prohibition totale. Seul le végétalisme peut sauver l’homme ; et la pratique végétalienne tient essentiellement dans l’alimentation privilégiée découverte par Rimbault : la Basconnaise.

Grisé par les compliments que lui décernèrent certains, le docteur Legrain de la Ligue contre le Tabac notamment, Rimbault fut convaincu qu’il « aurait connu une destinée grandiose » s’il avait pu s’instruire étant enfant. Du moins transmettait-il le flambeau : « À toi, guide d’humanité, mon suivant, bon courage ! » Ainsi se termine son manuscrit La Vie tragique…

Louis Rimbault est décédé le 9 novembre 1949 à Luynes (Indre-et-Loire).

Oeuvres : Plusieurs brochures sur le tabac et « les fléaux qu’il provoque ». — Plusieurs brochures sur « le végétalisme » dont : — Plantes sauvages alimentaires, leur présentation, observations, leur action régénératrice. ; — Les origines de la vie humaine — Des brochures sur les sujets les plus divers : — Comment choisir sa femme ? ; — Prémisses à l’état de révolution naturarchiste en France d’après la chevauchée makhnovienne et l’histoire ; — Pour ne jamais fumer (1921). — Des chansons du type : “Tabac, rends-nous nos papas !” ou “Berceuse végétalienne”.

On trouve brochures et chansons éditées par « Terre libérée » au CHS. On y trouve également un volumineux inédit de L. Rimbault. La Vie tragique des guides d’humanité, préface de Han Ryner, quatre cahiers dactylographiés, 580 p., 1934, manuscrit révisé en 1938.

Il serait également l’auteur de mémoires dont le manuscrit se trouverait à la Préfecture de police.


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