Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

VIGNES Jules, Émile

Né le 13 avril 1884 à Toulouse (Haute-Garonne) — Ouvrier galochier ; manœuvre ; ouvrier cimentier — UA — AFA — CGT — Moulins (Allier) — Lyon & Saint-Genis-Laval (Rhône)
Article mis en ligne le 6 juin 2011
dernière modification le 21 août 2024

par R.D.

« D’origine plébeienne » comme il se définissait lui-même (cf. La Feuille, janvier 1933), Jules Émile Vignes, ouvrier galochier à Moulins (Allier), partit début 1906, après une grève chez son employeur en 1905, travailler comme manœuvre d’usine à Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire). Condamné en mai pour affichage de placards anarchistes, il fut licencié le mois suivant. Il revint à Moulins où il résida 1 rue du Manège. Pendant son militantisme dans l’Allier Vignes fut connu sous le prénom d’Émile et ce n’est qu’après son installation dans la région lyonnaise qu’il utilisa le prénom de Jules. Son frère cadet Eugène militait également au groupe de Moulins. Dans un rapport daté du 25 octobre 1907, le commissaire signalait le départ de Jules Émile Vignes au service militaire.

Courant octobre 1908, il publia avec Louis Dubost le premier numéro d’une feuille lithographiée, La Torche (Moulins, octobre 1908-janvier 1910), qu’il imprima à partir de décembre 1909. C’est lui qui avait proposé ce titre dont le premier numéro avait éta calligraphoé par Dubost. Selon L. Campion le journal fut « d’abord polycopié sur gélatine avant d’être imprimé avec un tri de caractères usagés d’imprimerie achetés au prix du plomb, la brosse et le taquoir suppléant l’absence de rotative ». Les caractères d’imprimerie avaient été fournis par le compagnon typographe Charles Luquet qui assura en outre la formation à l’impression des autres compagnons. Vignes vendait le journal à la crié dans les rues de Moulins. Par la suite Vignes acquit une pédale pour tirer ce journal. C’est sans doute avec cette machine à pédale qu’il édita ultérieurement les titres dont il fut l’animateur.

Successivement garçon boucher, manœuvre, il devint en 1909, lors de sa constitution au congrès de Moulins le 4 avril et présidé par Griffuelhes, le premier secrétaire de l’Union départementale des syndicats ouvriers de l’Allier. Lors d’une réunion préparatoire à Moulins le 21 février précédent, il avait présenté la proposition faite dans les statuts du syndicat de Moulins qu’aucun membre détenteur d’un mandat politique ne pourra faire partie de l’UD des syndicats ouvriers, mais cette proposition avait été rejettée par 9 vois contre 3.

Il était à cette même époque également le secrétaire du syndicat des sabotiers et avait organisé une grève pour une augmentation salariale qui fut victorieuse, mais qui entraîna sn licenciement. Il retrouva alors un emploi de manœuvre maçon chez un entrepreneur socialiste.

Ordre du jour du congrès de l’UD de l’Allier (juin 1910)

Candidat « anti-parlementaire » aux élections législatives du 24 avril 1910, dans la circonscription de Moulins-Est, il obtint six voix sur 16 090 inscrits. Il cessa ses fonctions de secrétaire de l’UD en août 1910 après le congrès de Vichy (26 juin 1910) et fut remplacé par le socialiste Louis Perrin. Il se rendit, en juillet 1912 chez Ernest Girault, à Bezons (Seine-et-Oise), devenant cimentier, puis en mars 1914 à Lyon où il allait travailler comme maçon.

A partir de 1917, Jules Vignes édita La Feuille (Lyon & Saint-Genis-Laval) qui devait compter plusieurs séries jusqu’en août 1939 et qui reparut en 1945 pour quelques numéros. Le journal tiré par ses soins compta sur la collaboration de nombreux compagnons dont Albin, Paul Bergeron, E. Armand, Louis Dubost, Marcel Michaud, Léon Prouvost, Henry Zisly etc., et comprenait régulièrement des articles rédigés en Ido. Il y avait également une rubrique sue le féminisme tenue par Adèle Bernard-Guillot, la sœur de Marie Guillot.

Il assista au Ier congrès de l’Union anarchiste qui eut lieu à Villeurbanne les 26 et 27 novembre 1921 (voir Raitzon) et fut le délégué du groupe idiste au 3e congrès de ’Union anarchiste (UA) tenu les 2-4 décembre 1922 à la Main du peuple de Levallois (voir Haussard). Il était alors le correspondant pour le Doubs de la Fédération du sud est de l’UA dont le secrétaire était Guyomard.

A partir de 1927, il aurait suspendu la publication de La Feuille pour éditer l’organe d’éducation libertaire Libération (Saint-Genis Laval, au moins 6 numéros de mai 1927 à octobre 1928) et qui continua probablement à paraître en 1929.
De 1923 à 1927 il avait également publié l’organe des anarchistes idistes Liberoso (Saint-Genis Laval, au moins 23 numéros de 1923 à juin 1927), en langue ido, fondé par la section anarchiste de l’Union cosmopolite des travailleurs idistes dont il était le secrétaire.Suite au congrès de l’union des travailleurs idistes tenu à Luxembourg des 9 au 11 aout et qui avait réuni 55 délégués de 14 pays différents, il avait accepté de se charger de l’administration de Liberoso dont la rédaction était assuméeau Pérou par le compagnon Caspers.
Il publia à cette époque divers textes de Nettlau, Tucker, Ramus, Thonar et Sébastien Faure transcrits en ido.
Enfin, de 1928 à 1936, il collabora régulièrement à l’organe anarchiste belge, L’Émancipateur (Flémale-Grande, 1928-1936) de Camille Mattart.
Vers 1922 il aurait également publié une feuille intitulée La Faucille à Sait Genis Laval. (c. Le Libertaire, 25 août 1922).

Début 1920 il était le correspondant pour le Doubs de la Fédération anarchiste du sud-est, puis dans les années qui suivirent le secrétaire du groupe Libération de Saint-Genis-Laval qui était adhérent à l’Association des fédéralisres anarchistes (AFA). Il était également membre de la CGT et refusa d’adhérer à la CGTSR tout en entretenant de bons rapports avec les militants de cette centrale. D’ailleurs en 1939, lorsque les militants de la CGTSR de Lyon, craignirent pour leur bibliothèque, c’est chez lui, qu’ils la cachèrent.

En 1936, secrétaire du groupe UA d’Oulins dont le siège se trouvait à la Maison du peuple de la rue Orcella, Vignes, qui était inscrit au Carnet B, soutint activement la Révolution espagnole et, à la fin de la guerre civile, accueillit à son domicile du Clos Chaurand à Saint-Genis-Laval, plusieurs libertaires espagnols et entra en relation avec le réseau Ponzan-Vidal.

A la Libération, Vignes se fit embaucher aux Cables de Lyon et édita quelques numéros d’une nouvelle série de La Feuille (Saint-Genis Laval, 1945, au moins 2 numéros) qui était sous-titré Organe intérieur du Mouvement libertaire et idiste.

Après sa retraite en 1951, il édita avec son propre matériel Le Vieux travailleur (Saint-Genis-Laval, au moins 18 numéros de 1951 à janvier 1957), sous-titre « contre toutes les tyrannies » et dont les deux dernières pages étaient rédigées en ido, le titre devenant alors La olda Laboristo. En juillet 1957, il transforma le titre en Le Travailleur libertaire (Saint-Genis Laval, au moins 6 numéros de juillet 1957 à novembre 1958).

Diminué par la maladie et affecté par le décès de sa compagne, Jules Vigne mourut dans une maison de retraite le 28 mars 1970.

Selon les témoignages receuillis par Claire Auzias, il restait dans la mémoire des compagnons lyonnais comme un « homme intègre, serviable, sympathique… apprècié dans le mouvement local…un personnage incisif et attachant, tant par ses choix politiques particuliers — unité syndicale, lutte anti alcoolique, idisme — que par la tolérance qu’il pratique dans son journal, la richese éclectique de ses recherches ».


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