Dictionnaire international des militants anarchistes
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Y’en a pas un sur cent… et pourtant des milliers d’hommes et de femmes de par le monde, souvent persécutés, embastillés, goulagisés et parfois au prix de leurs vies, ont poursuivi leur chevauchée anonyme à la recherche d’un impossible rêve : un monde sans dieux ni maîtres.

RICARD, Jean-Baptiste, Jules

Né à Saint-Étienne le 6 février 1859 — Cordonnier ; typographe ; marchand ambulant — Saint-Étienne (Loire) — Paris
Article mis en ligne le 24 avril 2009
dernière modification le 5 août 2024

par R.D.

Au début des années 1880, Jean-Baptiste Ricard, qui habitait avec sa mère impasse de la Pareille à Saint-Étienne, travaillait comme ouvrier cordonnier et était l’animateur du groupe anarchiste Les outlaws. Il diffusait et était l’un des correspondants de l’hebdomadaire Le Révolté (Genève, 1879-1883) fondé le 22 février 1879 par P. Kropotkine, François Dumartheray et Georges Herzig. Il était en relations avec de nombreux militants dont Élisée Reclus et Kropotkine et avec plusieurs groupes de Suisse, d’Allemagne et d’Italie. Typographe à la Manufacture d’armes de Saint-Étienne il était également le secrétaire de la chambre syndicale des armuriers.

En novembre 1881, lors de la venue à Saint-Étienne de Kropotkine, c’est Ricard qui était venu accueillir ce dernier à la gare et l’avait accompagné pendant tout son séjour.

Le 18 juin 1882, il participait à la manifestation des mineurs de la Ricamarie commémorant la fusillade de 1869 et où eurent lieu des affrontements avec les forces de l’ordre, entraînant l’arrestation et la condamnation en juin suivant des compagnons Toussaint Bordat et Régis Faure pour « bris de clôture, viol de sépulture et port d’armes prohibées ». Les 13-14 août suivant il assista, avec notamment Bordat, à une réunion internationale tenue à Genève sur l’initiative de la Fédération jurassienne à l’issue de laquelle fut publié un Manifeste refusant le suffrage universel pour renverser les institutions, recommandant la séparation totale d’avec tout parti politique et adoptant le communisme comme but final. Le Manifeste désignait comme ennemis « tous ceux qui se sont emparés d’un pouvoir quelconque ou veulent s’en emparer : propriétaire, patron, État, magistrat, prêtre ». (cf. L’Etendard Révolutionnaire, 20 août 1882).

Les 13-14 août 1882, il fut avec Régis Faure et Chirat délégué du groupe de Saint-Étienne à la réunion internationale tenue à Genève, à l’initiative d’Élisée Reclus où furent confirmées les résolutions di congrès de Londres (14 juillet 1881) sur la séparation entre le mouvement anarchiste et les partis dits révolutionnaires (voir Herzig).

Suite aux violentes manifestations de Montceau-les-Mines en août 1882 et des attentats à la bombe commis à Lyon, il fut renvoyé de la Manufacture d’armes et fut l’objet le 21 octobre 1882 — comme Étienne Faure, Régis Faure, et Charles Ava Cottin — d’une perquisition où la police avait notamment saisi plusieurs lettres de Kropotkine et d’Élisée Reclus.
Puis il fut arrêté à Saint-Étienne le 21 novembre et impliqué dans le procès des 66 qui s’ouvrit à Lyon le 8 janvier 1883. Inculpé de la seconde catégorie (voir T. Bordat), il fut condamné le 19 janvier à 4 ans de prison, 1.000fr d’amende, 10 ans de surveillance et 5 ans de privation des droits civiques. Le jugement fut confirmé en appel à Lyon le 13 mars suivant, à l’execption de la surveillance ramenée à 5 ans. Jean-Baptiste Ricard fut grâcié le 26 août 1885.

Il serait par la suite monté à Paris où il aurait été l’imprimeur gérant des premiers numéros du journal anarchiste Le ça ira (Paris, 10 numéros, du 27 mai 1888 au 13 janvier 1889) et aurait collaboré au Révolté, avant de retourner à Saint-Étienne.

En 1889 il était membre du syndicat des hommes de peine formé le 19 janvier par le groupe anarchiste afin d’obtenir un local à la Bourse du travail (le syndicat sera finalement exclu de la Bourse en 1891) où en 1889, avec notamment Legat, et Brossy il avait formé une petite bibliothèque de brochures anarchistes. Les principaux animateurs du syndicat étaient Crépet, Masson, Ravachol, Ferraton, Cayré, Legat, Poinas, Berger et Brossy.

En 1890 il fut l’un des fondateurs du groupe L’Alliance anarchiste dont le timbre portait la devise « Ni Dieu, ni Maître ». L’année suivante il demeurait 45 rue Tarentaise et fondait en août le groupe La Bombe avec notamment Chosson, Dumas et Dar. Il avait été arrêté préventivement à la veille du 1er mai. Selon la police il travaillait à cette époque chez un imprimeur et lors des périodes de chômage éditait « des chansons et des petites brochures dont il était l’auteur et qu’il vendait à son profit”). Le groupe anarchiste se réunissait à l’auberge, 21 rue Neuve, tenue par Denhomme. La police qui le qualifiait d’une « excellente moralité » signalait qu’il vivait « avec sa mère et sa tante une fille Charrot » et qu’il était « en correspondance avec tous les anarchistes de Paris ». A l’été 1890 il avait été le diffuseur d’une nouvelle édition par le groupe de Saint-Étienne du poème La Vierge des opprimés diffusé au profit des compagnons emprisonnés.

En 1892 il fut à l’origine de la constitution d’une Union des anarchistes de Saint-Étienne qui constituait peut être un essai de fédération. Le 28 mars 1892, comme 13 autres militants, son domicile, 45 rue Tarentaise, fut l’objet d’une perquisition dans laquelle la police avait saisi le tampon du groupe. Il était alors membre du groupe L’Alliance anarchiste qui s’était reconstitué en février 1892 et dont faisaient entre autres partie Crepet, Devaumann, J. Faure, F. Ledin, Pyat, Renard, Rullière, Samuel et Solvery. Le groupe à cette époque se réunissait notamment Place Grenette, dans une salle au dessus du café de la Mairie. Le 22 avril 1892, comme de très nombreux compagnons, tant à Paris qu’en banlieue et en province, il fut arrêté préventivement à la manifestation du 1er mai. Il était toujours emprisonné début juin avec notamment Samuel et Crepet.

Militant du syndicat des typographes, dont il fut élu secrétaire en 1893, il prit la défense de Ravachol, dont il affirma avoir pu apprécier sa « valeur personnelle », dans les colonnes du journal La Révolte (cf. n°18, 21 janvier 1892), dont, selon Jean Grave il aurait composé plusieurs numéros. Il répondait ainsi à deux articles de Kropotkine (cf. n°16, 9 janvier et n°17, 16 janvier) où ce dernier disait tout son dégout sur le crime de Chambles où Ravachol avait été accusé d’avoir assassiné et dévalisé en juin 1891 un usurier de 92 ans. Les 21 novembre 1893 et 1er janvier 1894, comme de nombreux militants de la région, il fut l’objet d’une perquisition où la police, en janvier, avait saisi les derniers numéros du Père Peinard et de La Révolte, un manuscrit, une photo de Ravachol et un sceau du groupe L’alliance anarchiste de Saint-Étienne. Un journal local, La Loire républicaine (3 janvier 1894) révéla que ce sceau, qui était la principale pièce à conviction permettant d’inculper Ricard pour « association de malfaiteurs », avait disparu après la saisie. Après la libération de Ricard, le sceau aurait été retrouvé à la mi janvier, déposé par un inconnu à la porte du commissariat (cf. L’Eclaireur, 14 janvier 1894).

En 1895 la police signalait que Ricard travaillait comme marchand ambulant de savon dans les rues et sur les marchés de Moulins (Allier) et de la région. Ricard montait ensuite à Paris où, en 1898, il travaillait comme typographe et demeurait 20 rue Dussoubs (2e arr.).


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